Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du mardi 27 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Article 8 (précédemment réservé)

Annick Girardin, ministre des outre-mer :

Je souhaite intervenir à ce stade de la discussion et vous répondre en détail, mesdames et messieurs les députés, car je prendrai l'avion pour La Réunion dans moins d'une heure et ne pourrai donc pas participer à la suite du débat.

L'objectif du Gouvernement est clair : soutenir l'écosystème économique des territoires d'outre-mer, en apportant plusieurs réponses. Les exonérations de charges ne sont pas, je le rappelle, la seule mesure qui permettra à ces territoires de connaître une vraie transformation économique ; les crédits consacrés à l'ensemble des dispositifs d'accompagnement passeront de 2,5 à 2,6 milliards d'euros.

Le premier dispositif, c'est le renforcement des zones franches d'activités, qui se traduira par des abattements massifs sur l'imposition des sociétés. Le deuxième dispositif, c'est la défiscalisation des investissements productifs dans les territoires d'outre-mer, qui sera prolongée jusqu'en 2025. Le troisième dispositif, ce sont des actions spécifiques en faveur des territoires d'outre-mer, pour lesquelles près de 100 millions d'euros ont été budgétisés. Il s'agit notamment de mesures d'accompagnement des entreprises dans des secteurs bien précis, de leur création à leur transmission en passant par leur développement, et de mesures de soutien au microcrédit, qui joue un rôle important dans ces territoires.

La réforme des exonérations vise à répondre à plusieurs objectifs. Il faut, d'abord, mieux piloter les aides là où elles sont efficaces. Il convient, ensuite, de pratiquer le « zéro charge » pour les salaires égaux ou légèrement supérieurs au SMIC, car les territoires d'outre-mer sont frappés par un chômage de masse. À La Réunion, que vous avez évoquée, 40 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans sont chômeurs. Ces jeunes sont, dans leur grande majorité, très peu formés – vous les connaissez aussi bien que moi. C'est à eux que je veux répondre ; ce sont eux qui portent aujourd'hui des gilets jaunes, ou leurs parents, qui s'inquiètent pour leur avenir. La situation est la même en Guyane. Un grand nombre de jeunes ont besoin de ce soutien. J'assume donc ce choix du « zéro charge » pour les salaires proches du SMIC. Il s'agit, en outre, de lutter contre le travail illégal, qui constitue un fléau dans les territoires d'outre-mer.

L'objectif est aussi, bien sûr, d'accompagner l'excellence, qui existe bel et bien dans ces territoires. Nous voulons des entreprises compétitives, capables de rayonner dans le bassin maritime de chacun d'entre eux. Nous devons donc soutenir l'excellence et la production locale tout en favorisant l'augmentation des salaires. La mesure d'exonération sera beaucoup plus intéressante dans les outre-mer que dans l'Hexagone, car les niveaux de salaires n'y sont pas les mêmes. Pour votre information, ces exonérations représenteront environ 1,8 milliard d'euros et concerneront 45 000 entreprises et 310 000 salariés.

La réforme des exonérations a suscité des inquiétudes, je dois le reconnaître. Ces inquiétudes, le Gouvernement les a entendues et y a répondu : nous avons consenti un effort supplémentaire dans les dernières semaines d'échange et de négociation avec les entreprises et certains élus. Il s'agira, au total, de 130 millions d'euros supplémentaires en faveur des territoires d'outre-mer, dont une enveloppe additionnelle de 10 millions pour l'innovation et le numérique, secteurs qui sont très dynamiques dans ces territoires aussi et qui ont besoin d'une réponse spécifique.

Quant à la différenciation, elle n'existe pas que dans les discours du Président de la République et les miens : elle est réellement appliquée.

Ainsi la Guyane sera-t-elle traitée différemment, monsieur Adam, car ses difficultés particulières ont été prises en considération. Grâce à l'amendement du Gouvernement qui vous sera soumis tout à l'heure, la Guyane bénéficiera d'un montant supplémentaire de 27 millions d'euros.

Mayotte conservera l'ancien système d'exonération. À ceux qui pourraient s'en étonner, je rappelle que la convergence des cotisations à Mayotte – qui est un sujet important – interviendra en 2036. Vous comprendrez donc que l'on conserve un dispositif particulier pour Mayotte. On pourrait d'ailleurs s'intéresser à la manière d'accompagner Mayotte afin que la convergence soit plus rapide. C'est un point sur lequel j'ai bien l'intention de travailler.

La situation est différente à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, où le CICE n'est pas applicable. Nous sommes convenus, à l'issue d'une discussion avec l'ensemble des élus des deux collectivités, de leur donner une année supplémentaire pour examiner les mesures que nous avons mises en place. Il convient surtout de ne pas bouleverser le système l'année où ces territoires se reconstruisent, après le passage de l'ouragan Irma.

La différenciation est donc appliquée, les spécificités de chaque territoire étant prises en considération. Comme vous le savez, j'y tiens particulièrement. Je suis au rendez-vous de la différenciation, et je mets quiconque au défi de soutenir que l'amendement du Gouvernement ne répond pas à l'ensemble des besoins des territoires d'outre-mer.

Je suis d'ailleurs contente, car de nombreuses entreprises des territoires d'outre-mer ont déclaré depuis ce matin – car elles ne disposent des chiffres que depuis hier soir et je vous donne raison à ce sujet : nous avons traîné, j'en assume la responsabilité – qu'il ne fallait pas céder et qu'il convenait d'adopter ce dispositif. En effet, chacun a désormais compris que nos propositions étaient plus avantageuses. D'autant que les 500 à 510 millions d'euros qui seront versés au titre du CICE pour 2018 – le montant définitif n'est pas encore connu, car l'année n'est pas terminée – constitueront une aide pour la trésorerie des associations. Outre ces quelque 500 millions, je propose un filet de sécurité – appelons-le ainsi : nous examinerons une à une la situation des entreprises qui connaîtront des difficultés en 2019, pour déterminer si la cause en est la modification que nous entendons apporter ; si tel est le cas, nous pourrons accompagner chaque entreprise par des mesures spécifiques.

L'amendement du Gouvernement vise à étendre sensiblement le barème des exonérations applicables outre-mer. Le point de sortie du barème de compétitivité serait porté de 2 à 2,2 SMIC. Le plateau d'exonération maximal du régime de compétitivité renforcée serait porté de 1,4 à 1,7 SMIC, et le point de sortie de ce régime, de 2,4 à 2,7 SMIC. Ceux d'entre vous qui ont participé aux débats sur le sujet peuvent mesurer l'effort que nous consentons en faveur des territoires d'outre-mer. J'espère donc que l'amendement du Gouvernement sera adopté à l'unanimité.

Avec les précédentes réformes des exonérations de charges sociales, les territoires d'outre-mer ont subi deux coups de rabot successifs – personne n'avait sursauté alors : 70 millions d'euros en 2013, puis 80 millions lorsque le CICE a été instauré. Aujourd'hui, pour la première fois depuis plusieurs années, le Gouvernement est au rendez-vous pour répondre aux besoins des territoires d'outre-mer, et cela dans l'intérêt non seulement des entreprises, mais aussi de tous ces territoires qui attendent un développement de l'emploi. Nous voulons remédier à leurs difficultés – je vais d'ailleurs écouter et prendre la mesure de ces difficultés à La Réunion. C'est à cela que nous travaillons.

Je rappelle les montants supplémentaires pour chaque territoire, car on pourrait me le reprocher si je ne le faisais pas : 24 millions d'euros pour la Guadeloupe ; 24 millions d'euros également pour la Martinique ; 27 millions d'euros pour la Guyane ; 41 millions d'euros pour La Réunion.

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