Intervention de Bernard Aulagne

Réunion du jeudi 15 novembre 2018 à 14h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Bernard Aulagne, président de Coénove :

Coénove est une association qui a été créée en 2014, à l'occasion des débats sur la loi de transition énergétique, par des industriels du bâtiment et des énergéticiens, qui ont souhaité apporter leur contribution à cette transition et aller vers un modèle plus sobre, plus décentralisé et utilisant plus d'énergies renouvelables. Nous avons identifié quatre freins principaux.

Le premier frein, c'est l'existence d'un trop grand nombre d'objectifs. Il y a une multitude de textes dotés de dates de référence variables, ce qui n'en assure ni la lisibilité ni la clarté. Pour nous, deux objectifs fondent la transition énergétique : la baisse des consommations d'énergies primaires et le verdissement du mix énergétique, que ce soit par le recours aux énergies décarbonées ou l'évolution d'énergies carbonées, comme le gaz, vers une énergie décarbonée. Les autres objectifs sont essentiellement des objectifs de moyens permettant d'atteindre les macro-objectifs.

Deuxième frein : le poids de la pensée unique électrique, qui laisse croire que c'est l'électricité qui permettra de répondre à tous les maux, alors que nous prônons un mix énergétique diversifié, auquel chacune des énergies apportera sa contribution. Pour faire face au quadruplement des besoins de puissance entre l'été et l'hiver, la France a recours à cette fameuse complémentarité des énergies. Pour rappel, pendant les hivers 2016 et 2017, l'électricité a permis de couvrir à peu près 33 % du besoin de puissance maximal et le gaz 45 %, ce qui prouve l'intérêt de le décarboner pour décarboner le mix énergétique.

Troisième frein : la verticalité des politiques publiques, qui ne permet pas d'atteindre une véritable transition écologique et solidaire. En effet, les bénéfices transverses ne sont pas pris en compte. La méthanisation, par exemple, est une énergie renouvelable, non intermittente et stockable, ce qui la rend particulièrement intéressante. Mais, au-delà de cet aspect strictement énergétique, elle produit des externalités positives, en termes de contribution à l'économie circulaire, de compléments de revenus pour la filière agricole et de modernisation des pratiques agricoles, grâce à la production de digestats permettant de remplacer progressivement les engrais chimiques. Or, ces avantages ne sont pas suffisamment pris en compte dans les travaux sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Quatrième frein : le décollage beaucoup trop lent de la rénovation, un chantier pourtant essentiel pour concrétiser la transition énergétique aux yeux du consommateur. Sur la forme, en termes de pilotage, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a souligné que l'absence d'appréciation du marché et de mesure des résultats ne permettait pas un pilotage suffisamment motivant, au-delà de l'effet d'annonce de l'objectif ambitieux de 500 000 logements rénovés par an. Aujourd'hui, nous sommes incapables de dire s'il y en a eu 28 000, 32 000 ou 103 000. L'enquête de l'ADEME sur les travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles, qui remplace l'étude de l'Observatoire permanent de l'amélioration énergétique du logement (OPEN), relève d'une bonne démarche. Mais elle a été menée au premier semestre 2017, sur des travaux réalisés entre 2014 et 2016, ce qui nous donne le sentiment de travailler les yeux dans le rétroviseur. Sur le fond, ce que souligne l'étude, c'est que, s'il y a aujourd'hui énormément de gestes que l'on peut classer parmi les gestes de rénovation – elle en relève 5 millions –, seuls 5 % d'entre eux ont conduit à des gains de deux classes énergétiques et 75 % n'en ont fait gagner aucune. Nous sommes bien loin de pouvoir espérer mettre aux normes « bâtiment basse consommation » le parc bâti d'ici à 2050.

S'agissant des pistes, l'enjeu est véritablement le passage à l'acte des consommateurs. Dans la « guéguerre » entre rénovation par étapes et rénovation globale, il faut afficher clairement l'intérêt de la rénovation par étapes. C'est, pour nous, celle qui permet d'embarquer le plus de consommateurs, à condition de proposer un dispositif d'accompagnement et de suivi. Le cahier numérique nous paraît être, pour cela, un excellent outil.

Une autre piste consisterait à privilégier la rénovation par filières. Si la fin de l'énergie fioul a été rappelée hier par le Gouvernement, chaque filière doit faire des efforts pour progresser. Du point de vue du consommateur, c'est, en termes économiques, la meilleure solution.

Enfin, il faut assortir ces différentes solutions d'un dispositif financier cohérent et pérenne pour donner de la visibilité aux ménages qui souhaitent s'engager dans la durée.

En résumé, il est important de restaurer la confiance, de communiquer sur des résultats positifs, de mettre en place un véritable parcours d'accompagnement et d'avoir un dispositif financier visible et pérenne.

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