Intervention de Aurélien Pradié

Séance en hémicycle du mardi 10 octobre 2017 à 21h45
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Pradié :

À chaque législature, la majorité en place a veillé à ce qu'une des fonctions de questeur revienne au groupe d'opposition. Il ne s'agissait pas d'un arrangement ou d'une coutume désuète ; il s'agissait d'équilibre et de respect démocratique. Il s'agissait de partager la gestion de cette maison, car tout pouvoir, s'il est mature, sait que la concentration à outrance toujours le mettra en danger.

Cet équilibre a volé en éclats, quelques heures à peine après que la nouvelle Assemblée s'est installée. Et aujourd'hui nous devons passer de la pratique respectée et partagée jusqu'alors à l'inscription contraignante dans notre Règlement. Chers collègues, quand la morale politique ne sait se réguler d'elle-même, qu'elle a besoin à ce point de la règle pour se discipliner, c'est qu'elle a déjà en large partie échoué. La majorité et ses complices n'auraient-ils pas échoué sur cette question de la questure ?

Nous sommes nombreux à être entrés dans cette Assemblée comme nouveaux élus et à être encore en phase d'apprentissage. C'est d'ailleurs mon cas. C'est peut-être une chance pour notre pays. Mais nous ne sommes pas les premiers à faire battre ici le coeur de la démocratie, et nous ne serons pas les derniers. Quelle que soit la fierté que nous éprouvons, nous devrions nous rappeler que nous ne sommes que de passage. Avant nous existaient des traditions républicaines, elles ne sont ni les reliquaires de l'ancien monde, ni l'expression des forces du conservatisme. Elles sont l'expression de la structure républicaine qui a permis toujours de tenir haut notre pays. Une élection présidentielle et des élections législatives dans son sillon ne peuvent pas tout mépriser de cet héritage au nom d'une pseudo-modernité. Non, le calendrier républicain ne débute pas le 7 mai 2017. Non, notre responsabilité n'est pas de tout balayer. Elle est bien plutôt de construire et d'innover sur les bases que nous connaissons : nos institutions, qui sont solides, la séparation des pouvoirs, l'autonomie du Parlement, la liberté des élus, la force du débat contradictoire.

À ceux qui pensent que mon propos est ringard, je veux seulement dire qu'il est en fait pleinement conscient de la mission qui incombe à chacun, conscient qu'avant nous d'autres députés ont siégé dans cet hémicycle, ont bâti la loi, ont porté la cravate, ont respecté ces lieux et ces symboles.

Alors, à l'heure du nouveau monde, interrogeons-nous sur les députés que de toutes nos forces nous devrions refuser d'être. Nous devrions refuser d'être des députés à la mode, d'être des députés trop sages, trop tièdes, plus soumis à des éléments de langage qu'à leur propre conscience ; refuser d'être des députés sprinteurs, pressés, expéditifs ; refuser de devenir des députés sans ancrage et donc sans citoyens à qui rendre des comptes, comme placés sous le seul contrôle des firmes électorales nationales.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.