Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du mercredi 28 novembre 2018 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

Nous sommes réunis pour examiner, en lecture définitive, le PLFR pour 2018. Compte tenu du calendrier, nous ne pouvons que regretter votre méthode, qui consiste à forcer le Parlement à travailler dans l'urgence. Comme l'ont souligné avant moi plusieurs orateurs, cela n'est pas sérieux.

Manifestement, si certains connaissent des fins de mois difficiles, votre fin d'exercice budgétaire est elle aussi compliquée. Que de millions manquants : 163 pour les enseignants du second degré dans le public, 19 pour ceux du primaire et du secondaire dans le privé, 20 pour la recherche universitaire, 31 pour les policiers et 404 pour les OPEX, ce qui contraint le budget de nos armées à se priver de la solidarité interministérielle. Ce PLFR rompt les engagements que vous avez pris dans la loi de programmation militaire. Vous manquez à la parole publique. D'ailleurs, vous n'avez su apporter aucune réponse crédible à notre collègue – et officier de réserve – Charles-Amédée de Courson, alors qu'il est en faction à l'Assemblée depuis tant d'années !

Monsieur le ministre, les décrets d'avance n'ont aucun caractère honteux. Ils sont permis par la LOLF adoptée en 2001. Ils vous auraient évité d'entrer dans des impasses budgétaires, sans remettre en cause votre sincérité.

Que dire des deux amendements que notre groupe vous a proposés ?

Le premier visait à rétablir l'annulation de crédits au profit du chèque énergie dans le programme « Service public de l'énergie ». Au moment où la France des territoires, les ouvriers et les retraités les plus modestes sont dans la rue, comprenez notre incompréhension face à une telle coupe sur un dispositif dirigé vers nos compatriotes qui pâtissent le plus du matraquage fiscal ! Pour les députés du groupe Socialistes et apparentés, une chose est claire : vous devez rendre ce dispositif plus lisible, augmenter son seuil et son montant, ainsi que lui adjoindre une composante « carburant » au bénéfice de ceux pour qui l'usage d'un véhicule est contraint.

Notre second amendement visait à dégager 25 000 euros pour reconduire la mesure « analyses de miel » du programme apicole européen géré par FranceAgriMer et destiné à éviter tout risque sanitaire lors d'une manifestation locale organisée par des bénévoles.

Comment ne pas croire à un refus systématique de nos amendements ? En méprisant votre opposition, vous méprisez ceux qui attendent la mise en oeuvre de nos propositions.

Il faut tout de même admettre que votre budget respire une certaine sincérité. Je vous en félicite.

Nous pourrions nous arrêter à ces remarques techniques sur le PLFR. Pourtant, l'actualité me pousse à dépasser ce cadre pour soumettre au débat des dispositions bien plus profondes que vos politiques fiscale et budgétaire. Dans des moments agités, tout doit être prétexte au débat. Aujourd'hui, les vraies rectifications sont celles que la rue vous demande et que vous n'avez pas comprises. Certes, le Président de la République a présenté une vision à long terme pour une transition écologique qui semble mieux prendre en compte les réalités sociales et les territoires. En revanche, vous n'avez rien compris de l'urgence sociale, qui vous a pourtant fait élire sur fond de crise politique. Alors oui, rectifions ce budget ! Je vous fais trois propositions en précisant leur financement.

Première proposition : rétablissez l'ISF ! En retrouvant 3,2 milliards d'euros de recettes, vous aurez la possibilité de distribuer 1 000 euros à chacun des 3,2 millions de retraités – un treizième mois, en quelque sorte, pour les retraités modestes, qui correspond à 1 000 litres de fioul pour passer l'hiver au chaud.

Deuxième proposition : alors que le CICE a pour vocation de soutenir l'entreprise, les bénéfices qu'il permet de réaliser peuvent être consacrés à l'investissement, à la distribution de dividendes ou à la hausse des salaires. Cette hausse des salaires, vous pouvez l'imposer aux entreprises par l'augmentation du SMIC, afin qu'au moins un tiers des bénéfices y soit consacré.

Troisième proposition : vous pouvez décaler à janvier 2020 la baisse des cotisations liée à la transformation du CICE. Vous éviterez ainsi une double dépense en 2019. Ce gain de 22 milliards d'euros sur le budget pour 2019 pourrait être utilisé ainsi : la moitié, soit 11 milliards d'euros, serait reversée aux salariés sous la forme d'une prime d'environ 500 euros pour un SMIC, tandis que les 11 autres milliards seraient consacrés à un plan d'investissement dans les logements et dans l'appareil productif. Ce serait bon pour l'écologie, pour le pouvoir d'achat des locataires, pour l'économie de proximité, mais aussi pour la productivité et la compétitivité.

Pour résumer, nous appelons de nos voeux une prime au pouvoir d'achat des retraités et des ouvriers modestes, pour répondre aux besoins immédiats et à l'urgence sociale, ainsi qu'un coup de pouce plus durable aux bas salaires, sans oublier un soutien massif à l'investissement écologique, le tout dans le respect des équilibres budgétaires afin de ne pas compromettre votre stratégie à long terme – bref, de quoi relancer la consommation en boostant la demande. C'est une autre manière de retrouver la croissance, porteuse de nouvelles recettes pour le budget. Comme quoi on peut faire autrement, sans pénaliser l'entreprise et avec plus de justice sociale ! Voilà les conditions d'une transition écologique acceptée et voulue par tous.

Monsieur le ministre, acceptez donc ces propositions socialistes ! Alors, nous voterons votre texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.