Intervention de Joël Aviragnet

Séance en hémicycle du jeudi 29 novembre 2018 à 9h30
Prise en charge des cancers pédiatriques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

Cette proposition de loi de Mme Nathalie Elimas nous appelle à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques par de nombreux biais : la recherche, le soutien aux aidants familiaux, la formation des professionnels de santé et le droit à l'oubli.

Nous connaissons les chiffres, mais je veux quand même les rappeler : quelque 1 750 enfants et près de 800 adolescents sont touchés chaque année par un cancer dans notre pays. La moitié d'entre eux le sont avant l'âge de cinq ans, et 500 en décèdent. En France comme en Europe, les cancers pédiatriques représentent la première cause de mortalité par maladie des enfants, la deuxième après les accidents. Plus de soixante cancers de l'enfance sont d'ores et déjà répertoriés, la plupart d'entre eux étant très différents des cancers de l'adulte. Ceux-ci sont fréquemment d'origine comportementale, dus, par exemple, à la consommation de tabac ou d'alcool.

Chez l'enfant, les cancers sont d'une nature bien distincte dans 80 % des cas : ils consistent plutôt en des tumeurs solides ou osseuses. Aussi, les politiques de prévention comportementale qui permettent de réduire la prévalence du cancer chez l'adulte ne sont pas aussi opérantes chez l'enfant, et pour cause : nous ne parlons pas des mêmes cancers. En outre, les traitements qui doivent être mis en place pour soigner les enfants peuvent avoir des effets invalidants importants. Cela s'explique en partie parce que, pour l'essentiel, les chimiothérapies utilisées en oncopédiatrie ont été développées pour les adultes, et les médecins les adaptent en fonction de l'âge et du poids de l'enfant. Cela explique que la réponse, malheureusement, ne soit pas toujours adaptée.

Si le taux de survie des enfants et des adolescents avoisine, depuis quelques années, les 80 % cinq ans après le diagnostic, contre 50 % pour les adultes, il faut souligner que les cancers pédiatriques, mêmes soignés, laissent des séquelles parfois majeures ou des handicaps à vie du fait des effets secondaires des médicaments. Selon une étude de 2013 citée par Le Quotidien du médecin, la quasi-totalité – plus de 95 % – des adultes de quarante-cinq ans ayant été traités pour un cancer dans leur enfance souffrent au moins d'une affection chronique grave, invalidante, qui menace leur pronostic vital.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, mettre l'accent sur la recherche spécifique aux cancers de l'enfant, qui sont en réalité des maladies rares, est donc une priorité. Il convient, en l'espèce, que l'Assemblée nationale se saisisse de ce sujet pour donner les moyens à nos institutions sanitaires, à nos chercheurs et à nos soignants d'apporter des solutions et des soins adaptés et de qualité.

Sur tous nos bancs, un consensus semble se dégager. Comment, en effet, ne pas être sensible à cette question ? Comment ne pas s'émouvoir lorsque l'on parle du sort d'enfants malades, arrachés à leur jeunesse et à leur insouciance par la brutalité d'une pathologie infâme ? Aussi, notre groupe sera d'une grande bienveillance à l'égard de cette proposition de loi, qui est une réponse parmi d'autres à l'impérieuse nécessité d'améliorer les soins pédiatriques.

Néanmoins, ce texte pose les bases d'un débat plus large, que nous devons avoir, madame la ministre, celui de la prise en charge des maladies pédiatriques graves. Si les cancers sont d'une particulière gravité et méritent tout notre intérêt, il en va de même des malformations congénitales, de certains cas d'autisme lourd et de bien d'autres maladies graves et chroniques dont nos enfants sont atteints.

Je forme donc le voeu, madame la ministre, que nous ayons dans le projet de loi santé, actuellement en préparation, un titre dédié aux maladies infantiles. Nous ne pouvons, en effet, écrire une loi distincte pour chaque type de maladie grave qui touche les enfants ; il nous faut un texte plus large, qui remette à plat un certain nombre de choses et s'applique à tous, sans distinguer entre les pathologies selon leur nature.

Nous sommes conscients, au sein du groupe socialiste, du risque d'inconstitutionnalité de certaines dispositions du présent texte s'il n'était pas modifié lors de nos débats. Néanmoins, il représente une opportunité qui doit, à nos yeux, être saisie pour améliorer la prise en charge des cancers pédiatriques. Même s'il ne le fait que de manière incomplète, même s'il n'est qu'un petit pas, même s'il reste insuffisant, l'enjeu est trop important pour nous dérober.

Pour ma part, je considère que cette proposition de loi nous offre la possibilité de redonner le sourire aux familles touchées par un drame, comme l'est un cancer pédiatrique – c'est l'ancien éducateur qui vous le dit. Elle nous permet aussi, grâce au droit à l'oubli et au déplafonnement du congé de présence parentale, de redonner le sourire aux enfants atteints d'un cancer, qui pourront ainsi passer plus de temps avec leurs parents pendant le traitement et, une fois guéris, ne pas être pénalisés dans la vie.

Alors saisissons cette chance, mes chers collègues, de leur redonner le sourire, car, pour citer Antoine de Saint-Exupéry « le sourire est souvent l'essentiel. On est payé par un sourire ».

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