Intervention de Marie Tamarelle-Verhaeghe

Séance en hémicycle du jeudi 29 novembre 2018 à 9h30
Prise en charge des cancers pédiatriques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie Tamarelle-Verhaeghe :

L'évocation du cancer est inexorablement source d'une intense angoisse. « Nous savons que nous allons mourir mais nous n'y croyons pas », disait le philosophe Vladimir Jankélévitch. Le mot est lui-même quasi tabou. Nous savons que nous allons mourir mais nous ne savons pas quand. Et il est encore plus difficile de penser à la mort lorsque nous parlons d'enfants.

Le troisième plan cancer s'achèvera en 2019. Le sujet des cancers pédiatriques revient régulièrement à notre agenda politique et nous sommes nombreux à être sollicités par des associations. Nous avons évoqué ce sujet en commission des affaires sociales en septembre dernier, à nouveau lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, et il revient cette semaine et la semaine prochaine avec les propositions de loi de nos collègues MODEM et UDI-Agir. Merci, madame la rapporteure, d'avoir déposé cette proposition de loi et de nous permettre de parler à nouveau des cancers pédiatriques.

Référente INCa à la commission des affaires sociales et membre de son conseil d'administration, j'ai un intérêt particulier pour ce texte, notamment sur son aspect recherche. Lorsque nous avons auditionné le professeur Norbert Ifrah, président de l'INCa, le 19 septembre dernier, il a dû répondre à beaucoup de questions sur les cancers pédiatriques, et il a appelé à faire attention à l'écart entre les discours et la réalité : il y a 1 700 cancers pédiatriques en France et 800 cancers d'adolescents, soit au total 2 500 ; aujourd'hui, 80 % des malades sont guéris, alors qu'ils n'étaient que 60 % il y a seulement une quinzaine d'années.

Il y a certes des cancers réfractaires, encore trop courants en France, en particuliers les tumeurs du système nerveux central et celles du tronc cérébral. Les outils existant dans le monde n'ont permis d'avancer nulle part sur ces cancers. Il ne faudrait, cependant, pas laisser penser que nous avons un retard sur les autres pays. La France est même plutôt identifiée comme dynamique sur les cancers pédiatriques. Dans l'actuel plan cancer, dont il faut féliciter Mme la ministre pour l'élaboration lorsqu'elle était présidente de l'INCa, l'ambition est portée sur les cancers pédiatriques. À titre d'exemple, des lieux de recherche dédiés à l'accès aux médicaments innovants ont été créés, ainsi que le projet de recherche Ac-Sé pédiatrique ou encore le programme PAIR – programme d'actions intégrées de recherche – destiné à améliorer la qualité de vie des patients.

Cela étant, malgré les efforts consentis et les progrès de ces dernières années, on ne peut rester sourd aux inquiétudes des associations.

L'article 1er, dans sa nouvelle rédaction, permet de sécuriser et de renforcer la coordination des parties prenantes dans la définition d'une nouvelle stratégie. Il s'agit notamment d'inscrire notre stratégie cancer sur le temps long. C'est important pour les cancers pédiatriques, dont le nombre peu élevé nécessite une coordination internationale et européenne forte. L'INCA fait un travail formidable depuis sa création en 2005 – je ne le dis pas parce que je suis référente, je le pense vraiment – , et l'occasion m'est donnée de le féliciter devant la représentation nationale. Mais nous voyons bien qu'il existe un réel enjeu d'information des citoyens et des parlementaires sur les financements et les moyens déployés. C'est pourquoi je suis sensible à l'interpellation de notre collègue Jean-François Eliaou qui demande la présence de deux députés et de deux sénateurs au conseil d'administration de l'INCA. Ses responsables, dont son président, sont d'ailleurs conscients de la nécessaire visibilité de leur travail et de la nécessaire transparence vis-à-vis de la représentation nationale.

Je n'oublie pas l'importance de l'accompagnement des familles et de la prise en charge des cancers, mais je voudrais prendre un moment pour parler du droit à l'oubli. Mon parcours de vie m'y a confrontée et m'y confronte encore. Il ne s'agit pas de faire étalage d'éléments personnels, mais j'en mesure le risque de stigmatisation et les conséquences qui en découlent. C'est une problématique grave, lourde, car lorsque l'on guérit d'un cancer, la perspective des difficultés pour contracter un emprunt après la maladie peut sonner comme une double peine et pèse sur l'avenir : comment se lancer dans la vie et construire des projets lorsque le fantôme de la maladie demeure et que l'on ne peut contracter d'emprunt avant l'âge de trente ans ? Cette problématique demeure complexe, mais a néanmoins été intégrée en 2016 dans notre législation. Cependant, elle reste compliquée et, avant de faire évoluer le droit solidement, il apparaît nécessaire d'avoir des données statistiques fiables et de l'aborder à travers des négociations.

Pour conclure, je constate que nous sommes tous d'accord pour affirmer que le cancer des enfants, c'est insupportable. Oui, il nous faut pousser toujours à faire davantage, oui, il faut toujours mieux accompagner les familles. Mais nous ne pouvons pas dire que la France n'est pas dynamique en la matière, particulièrement en recherche. Faisons confiance à l'INCA, dont la performance n'est plus à prouver et est reconnue unanimement.

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