Intervention de André Villiers

Séance en hémicycle du jeudi 29 novembre 2018 à 15h00
Activités agricoles et cultures marines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Villiers :

Monsieur le rapporteur, vous êtes l'homme de la mer et du large ; je revendique d'être l'homme de la terre dans laquelle d'innombrables traces fossiles nous réunissent sans doute – on peut faire le lien entre le continent et notre sujet. Ces journées d'initiative parlementaire mettent le député en prise directe avec nos concitoyens et avec le quotidien de ces derniers. Comme un certain nombre de collègues, je regrette que la proposition de loi dont nous sommes saisis soit circonscrite au seul littoral.

Il y a quelques jours, Bertrand Valiorgue, professeur de stratégie et gouvernance des entreprises à l'école universitaire de management de Clermont-Ferrand, tweetait, après que des agriculteurs aient reçu des menaces : « Une société qui se retourne contre ses agriculteurs n'a aucun avenir. Une forme de totalitarisme écologique est en train de s'installer en France. »

L'enjeu, après la Seconde Guerre mondiale, était de donner au pays sa sécurité et son indépendance alimentaire En 1946, la loi sur le fermage et le métayage a protégé les agriculteurs qui travaillaient la terre sans en être les propriétaires : elle marquait la fin du pouvoir des grands propriétaires. Le plan Marshall engage ensuite l'agriculture française dans un processus de modernisation qui n'a pas de précédent. Le renforcement du système coopératif, de la banque, de la protection sociale et du syndicalisme jette les bases des structures actuelles. La formation devient le maître-mot, la mécanisation et la recherche – l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, est créé en 1946 – produisent des effets spectaculaires. Les rendements croissent considérablement.

Les grandes lois d'orientation agricole de 1960-1962 consacrent le modèle d'exploitation familial en le modernisant. Les aides au départ et celles liées à l'installation infléchissent notablement l'évolution de la démographie agricole. Elles permettent d'atteindre un niveau élevé de rentabilité alors que l'économie s'ouvre pour entrer dans une dimension européenne et internationale.

C'est l'avènement de l'exploitant agricole et l'abandon du paysan. Entre 1954 et 1976, le nombre d'actifs agricoles est divisé par deux. Le transfert de foncier est considérable. Sa régulation est orchestrée par la création des SAFER, en 1962. Monsieur le rapporteur, vous en rappeliez l'objet : la préservation des biens agricoles. La PAC, la politique agricole commune, elle aussi créée en 1962, instaure des mesures structurelles et un système de garantie du prix. Elle organise également les marchés en soutenant l'exportation afin de gérer les excédents. Aucun secteur de l'économie n'a connu un tel accroissement de sa productivité. La polyculture- élevage régresse au profit de la spécialisation.

Recul des pâturages, remembrements fonciers, simplification des assolements, agrandissement des parcelles et augmentation de la surface moyenne des fermes dessinent désormais le paysage agricole français. En 1955, on dénombrait 6,3 millions d'agriculteurs : on compte aujourd'hui moins de 500 000 exploitations. En 1974, la balance commerciale était structurellement excédentaire pour l'agroalimentaire – on parlait alors du « pétrole vert ». Les prix agricoles baissent inexorablement, entraînant la course à l'agrandissement et à l'investissement.

On voit aujourd'hui apparaître la difficulté à transmettre les exploitations. Pendant une longue période, le prix de la terre a stagné. Aujourd'hui, les prix augmentent sur le marché du foncier sous les effets de l'urbanisation. Nous sommes entrés dans un champ concurrentiel pour la propriété foncière, qu'elle soit continentale ou littorale. Les investisseurs étrangers doivent faire l'objet d'une surveillance particulière.

Aujourd'hui, 80 % des terres agricoles sont détenues par le monde paysan, le reste entrant dans le champ sociétaire. La séparation du patrimoine de l'activité agricole marque une évolution récente devant l'encadrement de la production issu des réformes successives de la PAC, avec l'apparition des droits à produire.

Le revenu agricole dépend désormais directement des aides européennes. La politique des structures est derrière nous. La société remet en cause le modèle productiviste, dont les effets sur la qualité alimentaire et environnementale sont si importants qu'il faut légiférer. La liste des reproches adressés aux agriculteurs ne fait que grandir : maltraitance animale, pollution de l'eau et des sols, réchauffement de la planète…

L'agriculture est désormais à la croisée des chemins, elle devient plurielle. Les nouvelles pratiques s'orientent notamment vers l'agriculture bio et les circuits courts. L'unité syndicale fait place au débat et à la pluralité au regard des nouveaux enjeux au service d'un projet renouvelé.

Pour toutes ces femmes et ces hommes, la vie c'est la terre, la vie c'est la mer. Ces milieux si capricieux, si dépendants du ciel et du climat, nous les aimons, nous les chérissons. La situation de crise que traverse le pays touche aussi, depuis longtemps, le monde agricole. Cette crise n'est pas estimée à sa juste dimension. Nous sommes à la veille de grandes difficultés pour de nombreuses exploitations.

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