Intervention de Jean-François Eliaou

Séance en hémicycle du jeudi 29 novembre 2018 à 15h00
Activités agricoles et cultures marines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Eliaou :

Je voudrais tout d'abord remercier mon collègue Jimmy Pahun et le groupe MODEM de cette initiative législative. À l'occasion de l'examen d'un texte très attendu par les milieux conchylicoles, permettez-moi d'entamer cette intervention par une rapide promotion de la production locale héraultaise. Chacun ici connaît – du moins je l'espère – les huîtres, mais également les moules produites dans l'étang de Thau, qui sont appréciées partout en France, et pas seulement dans l'Hérault. En effet, la production conchylicole de l'étang de Thau, heureusement accompagnée de la production viticole du département, est traditionnelle et concerne le plus souvent des exploitations familiales et des très petites entreprises – TPE. C'est un métier rude, qui demande un investissement physique et personnel complet. Compte tenu de l'étendue limitée de la zone de culture, la conchyliculture est une économie fragile, non délocalisable, fondamentale pour son bassin de vie, dans l'Hérault comme partout ailleurs en France. C'est une économie qui est régulièrement malmenée, sinon menacée, par des aléas climatiques graves et récurrents, comme, l'été dernier, la malaïgue, qui a causé la perte de près de la totalité des cultures dans l'étang. Dans ces conditions, la tentation est grande d'arrêter, de ne pas vendre ou transmettre son exploitation à un conchyliculteur, mais plutôt de reconvertir son bien en habitation, afin d'en obtenir le meilleur prix. Loin de moi l'idée d'en faire le reproche aux éleveurs : je peux très bien comprendre qu'après une vie de travail, parfois mise à mal par de nombreux aléas climatiques et techniques, ils décident de tirer profit de leur bien dans les meilleures conditions.

Cependant, j'interviens ici en tant que législateur, et pas seulement comme député héraultais, pour souligner la nécessité vitale de maintenir une économie conchylicole partout où elle s'est installée. Ce texte me semble donc aller dans le bon sens en proposant des avancées et des clarifications sur trois points fondamentaux. Premièrement, il vise au maintien de l'accès aux exploitations conchylicoles, les « mas », comme nous disons chez nous, pour ceux qui souhaitent s'agrandir ou se lancer dans cette activité. La filière a en effet besoin, au minimum, d'un maintien des exploitations et ne peut pas risquer un appauvrissement en nombre et en compétences. Deuxièmement, bien sûr, pour l'avenir de ces métiers, il est indispensable de garantir aux jeunes conchyliculteurs qu'ils y auront accès, qu'ils pourront se former avant de se lancer, s'ils le souhaitent, dans la création de leur entreprise. Troisièmement, il est indispensable de maîtriser la spéculation immobilière qui touche ces exploitations. Il est certain qu'une bâtisse en bord de mer, d'étang ou de lac, avec une vue dégagée et une certaine histoire patrimoniale, aura toujours du succès, mais en autorisant les changements de destination après une trop courte période, c'est bien, à terme, toute l'économie locale qu'on affaiblit, des savoir-faire et des professionnels que l'on éloigne. Il faut en effet être cohérent, sans être liberticide ni trop conservateur, bien sûr : les efforts fournis en faveur des TPE, des jeunes entrepreneurs, mais aussi pour la préservation de l'environnement et de la biodiversité, doivent servir aux activités humaines de proximité qui ont prouvé leur pérennité et leur ancrage traditionnel.

C'est pourquoi la mesure principale de cette proposition de loi – l'allongement de cinq à vingt années de la durée d'inactivité au-delà de laquelle une requalification du bien est possible et les SAFER ne peuvent plus intervenir – me paraît tout à fait appropriée. Je salue donc les apports du rapporteur. Les SAFER ne pourront plus exercer leur droit de préemption qu'en vue d'affecter de nouveau le bâtiment aux cultures marines ; elles devront donner la priorité aux candidats repreneurs s'engageant à maintenir une activité conchylicole ; enfin, elles pourront toujours, comme c'est le cas aujourd'hui, demander une révision du prix de vente si celui-ci leur paraît excessif, dès lors que le bâtiment n'a pas changé de destination, dans les conditions prévues par l'article L. 121-24 du code de l'urbanisme. Cet encadrement raisonnable des transactions jouera un rôle de régulation, mais aussi de préservation des activités conchylicoles, dans l'intérêt des territoires et des professionnels. Il n'y va pas seulement du maintien à tout prix d'une activité économique, mais aussi, comme je le disais, de métiers artisanaux, transmis de génération en génération, qui produisent un savoir-vivre et des traditions que nous voulons protéger et pérenniser.

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