Intervention de Maud Petit

Séance en hémicycle du jeudi 29 novembre 2018 à 15h00
Interdiction des violences éducatives ordinaires — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Petit, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Face aux interdits très clairs énoncés dans le code pénal perdure en effet un droit jurisprudentiel de correction issu d'un autre temps.

Certains députés se sont ainsi interrogés, parfois à raison, sur la distinction entre une petite tape et une fessée, entre une punition et une parole humiliante, la question étant de savoir comment apprécier l'effet et la gravité de ces actes, notamment pour le juge. Je m'en remettrai au droit pour répondre à ces interrogations : le comité des droits de l'enfant est très clair et a toujours maintenu que toutes les formes de violence contre les enfants, aussi légères soient-elles, étaient inacceptables. C'est ce que rappelle l'article 1er de la proposition de loi, en fixant un interdit formel qui doit nous permettre de respecter enfin nos engagements internationaux en la matière, en mettant un terme définitif au droit de correction.

Par ailleurs, cette disposition n'étant pas assortie d'une nouvelle sanction, c'est le code pénal qui s'appliquera. Le juge apprécie déjà les faits et leur gravité pour fixer la sanction la plus appropriée. La différence, c'est qu'il ne pourra plus leur reconnaître une visée éducative. La violence sera bel et bien constatée, quelles que soient les conclusions que le juge en tirera dans l'intérêt de l'enfant.

Oui, la loi doit permettre de changer les comportements, surtout lorsqu'il s'agit de protéger contre l'usage de la force et de rendre à ceux qui en sont victimes leur dignité. Oui, la loi doit s'appliquer au sein des familles, au sein des écoles, des centres de loisirs, et de tout autre lieu accueillant des enfants. Oui, le législateur doit s'opposer au maintien d'une jurisprudence datée et peu appliquée, mais qui entretient la confusion entre violence et autorité.

Mais la loi ne peut pas tout, et c'est heureux. Il faut faire confiance aux parents et aux éducateurs qui, lorsqu'ils sont en difficulté face à un enfant, essaient de plus en plus de trouver des solutions adaptées, mais ne sont pas toujours aidés pour y parvenir. D'où la nécessité impérieuse de compléter l'interdit fixé à l'article 1er de la proposition de loi par des campagnes de sensibilisation et d'information à l'égard des parents et par la mise à disposition de conseils et de lieux d'accueil. Beaucoup de ressources existent déjà, mais elles sont insuffisamment connues et trop éparses.

Vous avez engagé ce travail, madame la ministre, avec les associations, avec les spécialistes de la petite enfance, avec l'école et les magistrats, et nous sommes nombreux à suivre avec intérêt la mise en oeuvre du plan interministériel de lutte contre les violences faites aux enfants. Je vous remercie de cet engagement et de votre soutien à ce texte, car il n'y a pas d'un côté des parents violents et, de l'autre, des enfants victimes. Il n'y a que des familles. Des familles confrontées à des difficultés, avec des parents parfois eux-mêmes en souffrance, quels que soient leur milieu social et leurs moyens, et qui essaient de faire de leur mieux ; et des enfants à la recherche d'un cadre, ferme mais bienveillant, qui leur permette de comprendre les règles et de grandir.

Cela m'amène à dire très clairement ce que ne fait pas cette loi. Elle ne dit pas aux parents comment éduquer leurs enfants, mais simplement que la violence n'est pas une éducation. Elle ne conduira pas un parent ayant eu un geste malheureux en prison, mais elle permettra de nommer ce geste et d'enclencher un travail de réflexion sur les moyens de l'éviter à l'avenir. Elle ne s'oppose pas à l'exercice d'une autorité parentale, car l'une des violences les plus graves à l'encontre d'un enfant est peut-être l'indifférence, ou l'abandon. Enfin, elle ne vise pas à distribuer des bons ou des mauvais points. Nous sommes tous égaux face à certaines difficultés du quotidien, et je ne les sous-estime pas. Pour reprendre les mots de Donald Winnicott, il n'y a pas de parents parfaits, mais seulement des parents « suffisamment bons » pour donner toutes leurs chances à leurs enfants.

Pour conclure, je voudrais remercier les parlementaires des différents groupes de notre assemblée qui ont soutenu ce texte, et en particulier Mme Alice Thourot, avec qui j'ai continué de travailler pour en affiner la rédaction, ainsi que l'ensemble des acteurs, publics et privés, qui font avancer cette cause au quotidien, et ils sont nombreux ! L'adoption de cette proposition de loi, avec le soutien du Gouvernement, sera la reconnaissance de ce patient travail, mais également la réponse à une attente de plus en plus forte de notre société de mieux garantir les droits de l'enfant et de le protéger contre toutes les formes de violence.

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