Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du lundi 3 décembre 2018 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

« … Mais, franchement, nous aimerions constater autant d'indignation devant votre violence sociale.

« Nos revendications sont multiples, nous ouvrons des cahiers de doléances pour les recueillir. Mais elles sont principalement de deux ordres. Le pouvoir d'achat. Nous vous demandons la revalorisation de tous les salaires, des retraites, des minimas ainsi que des prestations qui y sont liées et de nous libérer des papiers administratifs payants. Nous exigeons que vous reveniez sur votre taxe sur les produits pétroliers. Nous exigeons zéro SDF [… ]. Et nous voulons, dès janvier, que vous augmentiez le SMIC de 200 euros nets dans le privé et le public.

« Deuxièmement, le respect du peuple. En redonnant du sens à notre République, en ne laissant plus en place d'élus désintéressés du bien commun [… ], en pratiquant l'écoute de nos concitoyens. Mais, tout de suite, nous avons besoin d'une Assemblée citoyenne, constituée pourquoi pas par tirage au sort, pour délibérer aux côtés de l'Assemblée nationale.

« Sachez, monsieur le Premier ministre, que nous connaissons notre histoire et nous pensons être à un tournant. La crise démocratique que nous traversons est grave. Si votre gouvernement n'en prend pas la mesure, il ne serait pas illégitime que le peuple ait à nouveau la parole. »

Voilà ce que disent ces gilets jaunes. Et l'adoption du PLFSS, selon moi, notamment par ce qu'il contient sur le CICE, bloque toute possibilité de dialogue avec les revendications qu'ils portent. Comment ne pas comprendre leur colère ? En 2018, les Français auront payé près de 34 milliards d'euros de taxes sur le carburant. C'est déjà 3,3 milliards de plus qu'en 2017. En 2019, vous vous apprêtez à voter de nouvelles hausses qui viendront ponctionner les poches des ménages pour 4 milliards supplémentaires. En deux ans, cela représente une hausse de plus de 23 % de cette fiscalité qui, vous le savez, pèse davantage sur les couches populaires et les classes moyennes que sur les autres.

En parallèle de ces 4 milliards d'euros supplémentaires que vous vous apprêtez à prendre aux Français, vous allez offrir 40 milliards d'euros de crédit d'impôt aux entreprises. Il suffirait donc d'amputer ce dispositif injuste de seulement 10 % pour annuler les hausses de taxes sur le carburant. Et il suffirait de le supprimer pour annuler l'ensemble des taxes sur le carburant.

Par idéologie, vous vous obstinez à balayer cette proposition que le peuple et notamment les gilets jaunes appellent pourtant de leurs voeux. S'il est utile et nécessaire d'aider les petites entreprises, l'État n'a pas à offrir des milliards à celles du CAC40 qui profitent des aides publiques, enrichissent leurs actionnaires et, hélas, trop souvent, licencient des employés.

Laissez-moi prendre un exemple : celui du groupe Carrefour. L'entreprise touche chaque année près de 400 millions d'aides publiques, dont près du tiers proviennent directement du CICE. Ce même groupe a annoncé la suppression de 2 400 postes à son siège, et de plusieurs milliers d'autres dans des petites et moyennes surfaces de proximité. Et il offre à son PDG plus de 10 millions d'euros de revenus cumulés.

Ces sommes sont à ce point démesurées qu'elles en deviennent abstraites pour beaucoup de gens. Et vous, vous jouez de cette abstraction en parlant de « ruissellement », de « relance », de « reprise » : autant de mots censés faire croire au peuple qu'en enrichissant les plus riches, vous combattez la pauvreté. Mais c'est l'inverse. Ainsi va la machine infernale de ce CICE qui institutionnalise à grande échelle le transfert de l'argent des poches des Français vers celles des ultra-riches.

On exige du peuple qu'il paie toujours plus de taxes, soi-disant pour protéger la planète. Mais, en réalité, les recettes qui en découlent servent surtout à financer ces dispositifs d'exonération pour les plus fortunés. La boucle est donc bouclée : le peuple paie, l'oligarchie s'enrichit – et la planète se dégrade.

Méfiez-vous donc de cette colère qui monte. La France semble parfois, à vous écouter, être essentiellement un terrain fertile pour investisseurs étrangers assoiffés de nouveaux profits.

Mais la France, c'est autre chose. La France, c'est d'abord cette grande idée de liberté, d'égalité et de fraternité.

Vous semblez parfois plus au service d'une oligarchie de grands patrons, dont je parlais tout à l'heure, qu'au service du peuple. Et c'est cela qui l'a mis en colère. Gare à ne pas considérer cette colère comme n'étant qu'un caprice momentané ou une simple grogne. Cette colère est légitime. Elle se propage, elle se répand. Les grandes manifestations de ce week-end en attestent. Au moment où je vous parle, plusieurs centaines d'ambulances bloquent désormais la place de la Concorde. Ces professionnels mobilisés protestent contre le sort que vous leur réservez au travers de ce texte.

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