Intervention de Pierre-Henri Dumont

Réunion du mardi 23 octobre 2018 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont, rapporteur pour avis :

C'est absolument anormal quand on sait qu'il revient aux parlementaires et au Parlement de contrôler l'action du Gouvernement. L'incise est terminée.

En matière migratoire, la France pourrait ainsi s'inspirer de l'approche adoptée par l'Espagne dès les années 2000, consistant à associer le cadre européen à une coopération bilatérale renforcée, de façon assumée. Le cadre européen reste fondamental dans la gestion des flux migratoires et plusieurs des dernières propositions de réforme de la Commission vont dans le bon sens. C'est le cas de la réforme de modernisation du système de visas – Visa information system (VIS) – ou encore de la proposition de réforme de la directive retour.

Pour autant, la persistance de blocages, notamment sur la réforme du règlement « Dublin III » qui fait l'objet de critiques quasi unanimes, ne doit pas limiter notre action. Notons que l'Union européenne peut aussi être un vecteur pour la coopération avec les pays d'origine et de transit, par exemple dans le cadre du Fonds fiduciaire d'urgence pour l'Afrique, lancé en 2015. Là encore, la coopération est inégale et appelle à une certaine vigilance. Quand on voit que la négociation des accords de réadmission souhaités avec le Maroc ou l'Algérie est bloquée depuis plusieurs années, il ne faut pas hésiter à avoir davantage recours à des outils plus souples comme les arrangements opérationnels qui permettent la mise en oeuvre de bonnes pratiques sur l'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

De façon générale, nous n'arriverons à rien en matière de gestion des flux migratoires si nous ne renforçons pas notre politique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Une politique d'éloignement efficace constitue, à bien des égards, le pendant d'une bonne intégration des étrangers en situation régulière et notamment des réfugiés.

Pourtant, il n'y a pas d'automaticité entre la décision de refus d'octroi de la protection internationale et la prise d'une OQTF. Les taux d'exécution des OQTF sont en forte baisse : 17 % en 2015, 14,3 % en 2016, 13,5 % en 2017 et 12,6 % au premier semestre de 2018. Rappelons que, dans le dispositif national d'asile, 13 % des places étaient occupées par des déboutés de ce droit d'asile en 2017. Au plan strictement budgétaire, un traitement efficace et fluide de la demande d'asile se traduira aussi par des dépenses réduites au titre de l'allocation pour demandeur d'asile.

Cette vigilance est d'autant plus nécessaire quand on sait combien la pression migratoire est inégalement répartie en France. Face à ce constat, le soutien de l'État n'est pourtant pas toujours à la hauteur, on le voit dans un département comme Mayotte où la préfecture a dû fermer son bureau des étrangers pendant plusieurs mois cette année, mais aussi le long de la façade maritime de la Manche et de la mer du Nord. Ce matin, une nouvelle évacuation d'un campement de migrants d'environ 1 800 personnes avait lieu à Grande-Synthe.

Cette pression pèse aussi sur les départements en matière de prise en charge des mineurs non accompagnés, qui constitue une problématique à part entière, allant de la difficulté d'évaluation de l'âge des mineurs présumés à leur prise en charge financière. Dans ce contexte, j'appelle à l'intégration d'une nouvelle ligne budgétaire qui serait consacrée au versement d'une aide aux territoires les plus affectés par les flux migratoires.

Face au décalage entre les objectifs affichés par le Gouvernement et la réalité des flux migratoires arrivant en Europe et en France, d'une part, et les moyens alloués à la gestion de ces flux, d'autre part, j'appelle à rejeter le budget de la Mission « Immigration, asile et intégration ». Envoyer un tel signal me semble indispensable pour que nous nous dotions d'un budget avant tout sincère et qui corresponde à la réalité migratoire. Un budget d'affichage tel que celui-ci ne saurait être suffisant. Il faut se donner les moyens des objectifs fixés, quand il n'est pas nécessaire de revoir totalement ces dits objectifs.

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