Intervention de François Ruffin

Réunion du mercredi 28 novembre 2018 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

Cet amendement vise à l'amélioration des conditions de travail dans les centres d'appel. Je l'ai dit : pour moi, il y a une logique : d'une part, on doit interdire le démarchage téléphonique, c'est-à-dire les appels sortants ; d'autre part, il faut améliorer les conditions de travail sur les appels entrants.

M. Julien Dive évoquait tout à l'heure sa brève expérience dans un centre d'appel téléphonique, avec des appels qui se succèdent toutes les deux secondes, mais la pression est aussi d'une autre nature.

Je citerai par exemple le témoignage d'Alexis : « Je suis entré en « contrat pro » à vingt ans. Notre cheffe d'équipe tenait des propos déplacés : « Vous branlez quoi ? Sortez-vous les doigts… Réagissez vite ! » Bon, elle est partie, mais les chefs d'équipe sont tous les mêmes : pression, pression, pression ! Dès qu'ils reçoivent un appel de plus haut, de la direction, ils ne sont plus à l'aise et, ensuite, cela retombe sur nous. Ils viennent derrière ton dos, donnent un grand coup sur la table : « Vous n'êtes pas assez rapide ! » Eux-mêmes gèrent mal la pression, et tout le monde était déprimé ».

Je citerai Rodolphe : « Burn-out, c'est presque un mot tabou. Le stress au travail, il faut faire comme si cela n'existait pas. Chez nous, les pleurs, ce n'est plus rien : à côté de moi, une collègue a fait un accident vasculaire cérébral (AVC), il y a eu des ruptures d'anévrisme. On parle du psychologique, mais il y a le physique aussi. On n'en est plus à des gens qui pleurent, on en est à des gens qui partent en ambulance deux ou trois fois par semaine. »

Je citerai Chams : « Ma cheffe d'équipe, elle était insensible, dure avec nous, mais même elle faisait des arrêts maladie, des dépressions, on l'a vue tourner mal. Ma collègue, elle travaillait dans le social auparavant. Quand elle entendait un monsieur qui disait : « J'ai un cancer », elle ne pouvait pas simplement répondre : « On va vous mensualiser, nanani, nanani, nanana… » Et elle avait alors notre chef sur le dos ! »

Ce qui se passe en vérité dans ces centres d'appel, c'est une pression en cascade, c'est la pression du donneur d'ordres sur le sous-traitant centre d'appel – c'est pour cela que nous voulions interdire ou limiter la sous-traitance en la matière. Ensuite c'est à l'intérieur de la structure elle-même qui doit rendre compte au donneur d'ordres, entre la direction, les chefs d'équipe et le salarié. À la fin, l'usure est très rapide. Au bout du compte, il y a peu de cas de burn-out caractérisés, car les gens s'éjectent eux-mêmes : le taux de turnover peut dépasser 20 %, 25 % voire 30 % des effectifs chaque année. On ne dure pas dans ces métiers.

L'un de nos objectifs, au-delà de l'interdiction du démarchage téléphonique, devrait être l'amélioration des conditions de travail des salariés.

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