Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du mardi 4 décembre 2018 à 15h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Après l'article 45

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

En vous présentant mon amendement, je donnerai également mon avis sur celui de M. Gosselin et, par avance, sur celui de M. Vuilletet, car ma proposition entend répondre à leurs objectifs. L'amendement n° 853 déposé par M. Gosselin vise à assouplir les conditions du prononcé du placement sous surveillance électronique mobile, PSEM, en matière de violences conjugales ou familiales. Celui-ci serait désormais possible pour les personnes condamnées à une peine minimale de deux ans, au lieu de cinq actuellement. Parallèlement, les amendements de M. Gosselin et de M. Vuilletet proposent d'expérimenter la remise à la victime d'un dispositif de téléprotection permettant d'alerter immédiatement les autorités si le condamné franchit le périmètre de protection qui lui est interdit.

Ces amendements, dont je comprends parfaitement l'objectif, ne me semblent pas pouvoir être adoptés tels quels pour trois raisons. D'abord, l'expérimentation d'un dispositif de téléprotection est déjà prévue par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, pour une durée de trois ans. Il s'agit du dispositif électronique de protection anti-rapprochement, DEPAR. Il ne semble donc pas nécessaire de légiférer à nouveau pour prévoir cette expérimentation.

Ensuite, le PSEM n'est pas un placement sous bracelet électronique classique. Il s'agit d'une mesure de sûreté particulièrement lourde, généralement prononcée dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire qui suppose une surveillance constante de la personne, qui est géolocalisée en temps réel. En raison des moyens qu'elle réclame, elle doit être réservée aux condamnés les plus dangereux, astreints à de lourdes peines : sept ans – et déjà, par exception, cinq ans en matière de violences conjugales. D'un point de vue constitutionnel, le respect des principes de nécessité et de proportionnalité impose de limiter les cas de recours au PSEM.

Enfin – je serai brève, car nous avons déjà eu l'occasion d'en parler – , d'autres dispositifs sont développés pour répondre au problème des violences conjugales : le « téléphone grave danger », l'interdiction de paraître, etc. Pour toutes ces raisons, et bien que je comprenne la logique de ces amendements, je ne peux pas y être favorable.

Néanmoins, la question étant extrêmement importante, nous l'avons retravaillée, aboutissant à l'amendement no 1660 . Celui-ci modifie l'article 131-36-12-1 du code pénal en proposant, pour le PSEM en tant que peine en matière de violences au sein du couple ou de la famille, de retenir le seuil de cinq ans comme faisant référence au montant des peines encourues et non à celui des peines prononcées, de la même manière qu'à l'instruction. Cela permet de réduire à deux ans le montant de la peine devant être prononcée sans porter atteinte aux principes de nécessité et de proportionnalité. Compte tenu de cette possibilité étendue de recourir au PSEM, l'amendement que je dépose prévoit également qu'avant de prononcer une telle mesure, la juridiction devra préalablement vérifier la disponibilité du dispositif technique.

Si vous en êtes d'accord, monsieur Gosselin, je vous propose de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement ; j'adresse la même demande à M. Vuilletet. Je tiens enfin à saluer le travail que vous avez mené sur ce sujet.

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