Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du mercredi 5 décembre 2018 à 8h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Je ne pourrai pas faire aussi court que le député de Calais… La commission spéciale examine l'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ce geste est double : c'est l'occasion d'évoquer le Brexit et ses causes et aussi de voir comment le Gouvernement a anticipé les événements afin de parvenir à un recul des relations juridiques franco-britannique qui ne soit pas trop violent.

Si un député français ne peut pas donner son avis sur le fond du sujet, il est quand même autorisé à parler du problème qui a déclenché ce phénomène de retrait du Royaume-Uni : la politique européenne telle qu'elle est menée à Bruxelles. Le pouvoir de l'Union est centralisé autour de la Commission qui n'a pas été élue par le peuple européen. Comment imaginer une construction politique autour d'un noyau de technocrates non élus ? C'est une des causes fondamentales du divorce entre l'Union européenne et les peuples. Personne ne peut imaginer continuer de la sorte ; et pourtant l'autorité européenne n'a jamais imaginé se remettre en cause.

La mise en place d'un traité constitutionnel européen après le « non » français et néerlandais lors du référendum de 2005 constitue la destruction ultime de ce lien entre les peuples et la Commission. L'Union européenne fonctionne sans les peuples ; c'est le Parlement européen qui tente, seul, de freiner les choses lorsqu'il le veut bien. L'Union européenne est à revoir de fond en comble si l'on veut imaginer un Parlement européen qui a l'initiative législative et qui vote le budget, avec une Commission responsable devant son Parlement comme l'est – en théorie – notre gouvernement devant nous.

Si des raisons internes ont joué en faveur du Brexit, il est important d'insister sur la raison du rejet profond des institutions européennes par les peuples. Il faut une remise en cause profonde de la démocratie de l'Union européenne pour que nous puissions imaginer un nouveau souffle. Le camouflet historique qu'a été le Brexit aurait pu donner ce nouveau souffle, mais l'Union européenne est encore passée à côté. Comme nous l'avons entendu lors de nos auditions, le Gouvernement français croyait si peu au Brexit qu'il a attendu, attendu, attendu. Combien de fois avons-nous entendu ce verbe attendre ?

Mme Theresa May a déclenché officiellement l'article 50 qui lance la procédure de retrait de l'Union européenne et que nous avions attendu avant de nous mettre au travail. Nous avons ainsi perdu près de neuf mois entre le vote du Brexit et le déclenchement de cette procédure. L'impréparation du Gouvernement français reste l'élément le plus grave de ce qui ressort des auditions. Lorsque tous les membres du Gouvernement nous disent « circulez, il n'y a rien à voir », c'est qu'il y a généralement panique à leur bord.

Lorsque j'ai auditionné les syndicats des douanes, il y a quelques semaines, j'ai entendu exprimer des inquiétudes sur une impréparation forte du Gouvernement, des erreurs et autres errements dans les choix à faire. Les nécessaires contrôles sanitaires seront effectués par des vétérinaires dont on ne sait pas si les postes seront pourvus, les contrôles aux frontières par des douaniers dont les bureaux sont parfois situés à une bonne centaine de kilomètres des lieux frontaliers, comme dans les aéroports d'Angoulême ou de Périgueux. Que dire du Havre et des ports de France ? Ils s'apprêtent à voir certaines de leurs activités devenir plus complexes, sans avoir beaucoup plus de main-d'oeuvre douanière pour effectuer le travail. Je ne reviens pas sur la question des corridors et du lien à établir entre les ports français et irlandais : je garde en souvenir l'audition de la représentante de la Commission européenne, qui, interrogée sur ce sujet, nous a répondu par un « circulez, il n'y a rien à voir », en tout point conforme à l'idée que je me fais de la Commission…

En bref, les choses ne semblent pas prêtes, ce qui est inquiétant. Comme je l'ai rappelé à plusieurs reprises, le Brexit a été adopté le 23 juin 2016. C'est dès le lendemain que tout le monde aurait dû commencer à prendre des mesures, à anticiper, à analyser. C'est ainsi que le Gouvernement aurait dû travailler. Je ne vous blâme pas, car vous n'étiez pas aux responsabilités ; mais vous auriez pu augmenter les effectifs douaniers ou vétérinaires dès l'examen du projet de loi de finances de 2018.

Je souhaite que notre État puisse réussir à se défaire de ses liens avec le Royaume-Uni le plus doucement possible, dans l'intérêt des gens, des travailleurs et des entreprises concernés. J'espère que le Gouvernement atteindra cet objectif pour que nous puissions aborder cette période le plus sereinement possible.

Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) ne peut s'opposer à ce que le Gouvernement légifère par ordonnances : c'est dans ce cas d'urgence et d'incertitude – et uniquement dans ce cas – qu'elles peuvent se justifier. Mais le défaut d'anticipation, le flou du périmètre et des dispositions ainsi que le retard pris ne nous permettent pas de vous donner un blanc-seing.

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