Intervention de Christelle Dubos

Séance en hémicycle du jeudi 6 décembre 2018 à 15h00
Reconnaissance des proches aidants — Présentation

Christelle Dubos, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la santé :

La présente proposition de loi prend un sens tout particulier au regard des événements de ces derniers jours, qui traduisent de la colère, de l'impatience mais aussi un désir profond de solidarité. En ce moment où jaillissent les préoccupations et les angoisses de nos concitoyens, en ce moment où s'exprime avec force la crainte du lendemain, c'est notre identité même qui est interrogée : que voulons-nous être ? Nous voulons être plus sereins pour garder notre rang dans le monde. Nous voulons être plus solides pour relever les défis. Nous voulons être plus solidaires pour n'oublier personne. Si la solidarité est la valeur morale qui fonde toutes les autres, elle est aussi un droit, que l'on peut recevoir. Mais il nous faut aussi protéger par le droit ceux qui la mettent en oeuvre, ce qui est le cas des aidants familiaux.

Le Gouvernement et le Parlement ont le même objectif : répondre aux besoins des aidants. Ils sont 6 millions à 11 millions, aidants de personnes âgées, de personnes handicapées, de malades chroniques ou d'enfants. Sans compter leur temps, sans jamais ménager leur peine, ils oeuvrent quotidiennement à aider, soulager, accompagner des proches fragiles et dans le besoin. Cet altruisme qui force l'admiration, nous ne le découvrons pas aujourd'hui.

Le Parlement s'est saisi du sujet par plusieurs propositions de loi, dont une, créant un dispositif de don de jours de repos au bénéfice des proches aidants, a été adoptée au début de l'année 2018, et il faut s'en féliciter. Ainsi, les premiers jalons ont d'ores et déjà été posés : un salarié peut dorénavant, en accord avec son employeur, renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris au bénéfice d'un collègue qui vient en aide à un proche atteint d'une perte d'autonomie.

La loi pour un État au service d'une société de confiance prévoit, quant à elle, d'expérimenter le « relayage » pour donner un vrai répit à l'aidant tout en rassurant la personne âgée par la présence continue de la même personne au domicile en relayage de l'aidant pour au moins trente-six heures. Le décret est en cours de finalisation et l'appel à projets pour trouver une dizaine de territoires expérimentateurs sera lancé tout début 2019.

De plus, l'habitat intergénérationnel est enfin reconnu depuis l'adoption de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : il va pouvoir se développer avec l'appui d'une charte en cours de finalisation. Un jeune de moins de trente ans peut dorénavant habiter avec une personne âgée en échange de services de solidarité et surtout d'une présence, car l'isolement est sans doute le pire des fléaux de la vieillesse.

L'annonce par le Président de la République d'une future loi sur la perte d'autonomie liée au grand âge et le lancement de la concertation grand âge et autonomie, dont les travaux ont démarré le 1er octobre et s'achèveront début 2019, prolongent cet engagement. Celui-ci s'inscrit désormais dans la perspective plus large d'une grande loi de solidarité autour de la personne âgée.

Mesdames et messieurs les députés, la présente proposition de loi doit être replacée dans ce contexte qui appelle, pour répondre aux préoccupations fortes et légitimes des aidants, une réponse globale. Les aidants expriment en effet des attentes fortes sur plusieurs dimensions de leur accompagnement, principalement pour une meilleure coordination des acteurs, pour une aide financière ou matérielle et pour la facilitation du maintien à domicile. Les réponses à leurs attentes ne sont pas détachables des réponses que nous devons apporter, dans le cadre de la future loi, à la problématique du grand âge, pour favoriser le maintien à domicile, renforcer la coordination des différents acteurs autour de la personne âgée, améliorer l'inclusion sociale de la personne âgée, détecter de façon précoce les fragilités, prévenir enfin la perte d'autonomie. Ainsi pourront être satisfaites les attentes des aidants mais aussi celles des aidés. C'est tout le sens de la concertation en cours et de la future loi : nous devons apporter une réponse cohérente, globale et lisible pour tous nos concitoyens.

Il serait problématique de lancer une réforme dès aujourd'hui alors qu'une grande concertation nationale est en cours, mobilisant toutes les régions et tous les territoires, de l'urbain au rural, et sur internet nos concitoyens, la société civile sous toutes ses formes, les professionnels du secteur et tous les acteurs publics chargés de la politique du grand âge. Je tiens à saluer l'implication entière et totale de plusieurs députés dans les différents ateliers concernés. Vingt-cinq personnes d'horizons divers travaillent dans un atelier dédié aux aidants : société civile, aidants, personnes âgées, entreprises, institutions publiques et privées intervenant en soutien aux aidants ainsi qu'associations d'aidants. Il est nécessaire de laisser à cette concertation le temps de déboucher sur des propositions. L'atelier aidants a déjà déterminé quelques axes de travail forts qui donneront lieu à des solutions concrètes, en cohérence avec les autres ateliers.

Car qu'entend-on de la part des aidants ? Ils ont d'abord besoin d'être reconnus mais pas enfermés dans ce rôle d'aidant, psychologiquement lourd à porter. Ils ont besoin qu'on leur simplifie la vie par des aides professionnelles suffisantes pour l'aidé, par des parcours de soins et d'accompagnement simplifiés. Ils ont besoin de savoir facilement où trouver de l'aide, ce qui nécessite des dispositifs plus lisibles, une meilleure information et la simplification de leurs démarches. De plus, puisque les aidants qui travaillent seront de plus en plus nombreux, les entreprises doivent prendre leur part pour leur permettre de rester en activité tout en étant rassurés sur leur disponibilité auprès de la personne aidée. Il semble faire consensus que le niveau de vie de l'aidant qui s'arrête totalement ou temporairement de travailler doit être mieux garanti, en combinant un soutien de la solidarité nationale et un engagement des branches professionnelles, et que la conciliation entre vie professionnelle et vie d'aidant doit devenir un sujet de dialogue social dans les entreprises et dans les branches.

Les nombreuses initiatives citoyennes existantes, basées sur le bénévolat, doivent être encouragées. Il faut capitaliser sur ces expériences pour renforcer la présence de bénévoles autour de la personne.

Une étude va être lancée pour mieux connaître les aidants, en complément des résultats de l'enquête CARE – capacités, aides et ressources des seniors – de la DREES, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé et des solidarités, qui seront dévoilés tout début 2019. Cette étude permettra de mieux caractériser les aidants en vue de leur apporter de meilleures réponses, notamment sur le congé de proche aidant.

Vous le voyez, les initiatives et les efforts ne se sont pas arrêtés dans l'attente de la future loi sur l'autonomie. Toutefois, il faut désormais penser à la cohérence de notre action publique afin que nos aidés en bénéficient le plus rapidement et efficacement possible. C'est ce que va apporter la concertation en cours et, au plus tard dans le prochain PLFSS, des mesures pourront donc être prises pour renforcer le soutien et l'accompagnement des aidants, de manière globale et cohérente, en prévoyant un mécanisme d'indemnisation du congé d'aidant.

La solidarité n'est pas un principe abstrait. Le Gouvernement veille, au contraire, à ce qu'elle soit une réalité concrète et quotidienne.

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