Intervention de Caroline Fiat

Séance en hémicycle du jeudi 6 décembre 2018 à 15h00
Reconnaissance des proches aidants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Fiat :

Cette proposition de loi vise à faciliter la vie des proches aidants. Elle entend soutenir ceux qui aident souvent silencieusement des personnes malades ou dépendantes.

Il s'agit des personnes s'occupant d'un parent ou d'un enfant pendant toute une vie ; des personnes qui abandonnent parfois leur activité professionnelle pour s'y consacrer ; des personnes qui pour cela vivent avec le RSA ou la PCH – la prestation de compensation du handicap – ; des personnes qui sacrifient loisirs, vacances et vie sociale ; des personnes qui mettent à mal leur santé et leur sommeil ; des personnes qui en plus se sentent parfois coupables et qui voient leurs relations avec leurs proches se détériorer, tellement les choses sont difficiles.

Ces proches aidants et proches aidantes sont invisibilisés, ignorés, isolés mais font dans l'ombre un travail pourtant indispensable. Ils sont le ciment de la solidarité intergénérationnelle et de la solidarité entre les humains.

Pour aller vers une société du soin à autrui, nous devons changer radicalement d'attitude vis-à-vis d'eux et amorcer une transformation profonde de leurs conditions de vie. Or, justement, cette proposition de loi, dont je remercie vivement la sénatrice Jocelyne Guidez et son groupe, ébauche un véritable statut pour les proches aidants et proches aidantes.

Nous nous réjouissons notamment de la disposition tendant à créer une indemnité pour le congé de proche aidant. Elle avait déjà été proposée par notre collègue Pierre Dharréville, preuve, s'il en fallait une, qu'elle est partagée par de nombreuses sensibilités politiques et qu'elle devrait faire l'unanimité. J'aimerais donc, du fond du coeur et au nom de tous ceux qui nous écoutent, que cette demande soit cette fois entendue. Nous soutiendrons également les articles visant à majorer les pensions de retraite de toute personne ayant fait de l'aide familiale au cours de sa vie.

Concernant l'article 1er, si nous soutenons l'objectif de négocier des accords pour concilier vie familiale et vie professionnelle, nous craignons de fortes disparités entre les branches et entre les entreprises. Nous préférerions donc que ces négociations aboutissent à des accords au niveau national.

Enfin, nous soutiendrons la création d'une carte de proche aidant afin d'améliorer l'information et les relations avec les professionnels de santé. L'ouverture d'une plateforme d'information, où les proches aidants pourront prendre connaissance de leurs droits et des différentes ressources d'accompagnement, est également une très bonne idée.

J'ajouterai une chose que j'ai déjà eu l'occasion de dire dans cet hémicycle : les proches aidants ne peuvent en aucun cas se substituer à cette défaillance organisée, extrêmement grave, de notre système médico-social. Nos établissements médicaux-sociaux doivent donc être remis sur pied, et l'accompagnement des aidants impérativement renforcé.

Ces derniers ne sont pas des professionnels, et ne doivent pas le devenir. Or ils sont parfois amenés à effectuer des tâches lourdes et complexes, pour lesquelles ils n'ont pas été formés, et qui mettent leur santé en danger. Le nombre d'accidents du travail chez les aide-soignants, plus élevé que dans le BTP, nous donne une idée du nombre d'accidents chez les aidants, qui effectuent parfois des tâches semblables. Leur travail étant informel, nous n'avons aucun chiffre en ce domaine ; mais nous en savons suffisamment pour comprendre qu'il est urgent de les accompagner. Par conséquent, cette proposition de loi, déjà ambitieuse, n'est que le début d'une politique indispensable en faveur des proches aidants et proches aidantes.

Chers collègues de la majorité, vous allez proposer de renvoyer le texte en commission. Comment osez-vous ? Une proposition de loi de Pierre Dharréville sur le même sujet, je le rappelle, a déjà été renvoyée en commission en mars dernier. Dix mois plus tard, elle n'est toujours pas réapparue dans notre ordre du jour. Le renvoi en commission, nous le savons tous, revient à jeter la proposition de loi à la poubelle. Cela devient insupportable. La création d'un groupe de travail sur le grand âge et l'autonomie n'a pas empêché M. le rapporteur et Mme la sénatrice Guidez de consulter les associations d'aidants pour concevoir le présent texte.

S'il vous plaît, entendez l'appel des proches aidants, qui sont déjà à bout. C'est précisément ce mépris envers eux, cette violence invisible, qui provoque les événements que nous connaissons. De nombreuses associations de proches aidants nous ont écrit pour nous crier leur espoir : avez-vous lu leurs lettres, ou rencontré leurs auteurs ?

Cette proposition de loi a déjà été examinée en commission, et nous avons maintenant à en débattre dans l'hémicycle. Elle correspond aux attentes. Alors, pour nos familles, pour nos proches, pour nos aînés, pour les personnes en situation de handicap et leur entourage, pour nous tous, je vous demande de voter contre ce renvoi en commission et d'adopter le texte. L'enjeu est en effet sociétal : souhaitons-nous vivre dans une société individualiste, où chaque geste est comptabilisé, chaque être rentabilisé, ou bien dans une société qui admet que dans la vie nous avons tous besoin les uns des autres à un moment ou à un autre, et que c'est aussi ce qui en fait la beauté ?

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