Intervention de Laurent Michel

Réunion du jeudi 11 octobre 2018 à 19h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Laurent Michel, directeur général de l'énergie et du climat (DGEC) :

Je vous laisserai de toute façon un document que je vais évoquer plus succinctement.

Depuis une vingtaine d'années, Français et Européens ont une nouvelle approche de la transition énergétique, marquée par la prise de conscience du besoin de décarboner l'énergie, en raison de tout ce que l'on sait sur les conséquences des émissions de CO2. Le couple des consommations et décarbonation par le développement des énergies renouvelables figure donc à l'agenda européen et international. Du protocole de Kyoto à l'accord de Paris de 2015, qui est beaucoup plus universel, engagements européens et lois nationales se sont succédés : les plans climat au début des années 2000, la loi de programmation et de transition énergétique de 2005, avant le Grenelle de l'environnement, avaient créé des dispositifs incitatifs comme les certificats d'économie d'énergie et le soutien aux énergies renouvelables électriques. De 2008 à 2010, à côté des lois « Grenelle », il y a eu le cadre énergie-climat, et sur le plan européen des mesures en vue de mieux réaliser un marché commun de l'électricité et du gaz, la directive relative à l'efficacité énergétique, les objectifs pour 2020 de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L'objectif européen de porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d'énergie en 2020 est porté à 32 % en France en 2030 dans la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (TECV). Pour l'Union, le paquet énergie-climat de 2014 fixe comme objectif pour 2030 une réduction de 40 % des gaz à effet de serre par rapport à 2005. En France, les lois Grenelle couvraient l'ensemble des sujets abordés par le Grenelle de l'environnement, qui traitait de l'eau, de différents risques, de démocratie environnementale ; un des six ateliers était consacré au climat. Elles assuraient aussi la mise en oeuvre des dispositions des directives européennes. Ce fut, entre autres, la création des plans climat air énergie territoriaux (PCAET), pour les communes et les intercommunalités et les schémas régionaux climat air énergie, en collaboration avec l'État.

La dernière étape, au niveau français, est la loi TECV de 2015, dont le titre affiche le programme : la transition énergétique pour la croissance verte, qui fixe des objectifs de réduction des consommations d'énergie en mettant l'accent sur les énergies fossiles, mais aussi de diversification du mix énergétique et qui décline les objectifs d'énergies renouvelables par secteur, dans les transports, le gaz, l'électricité, sur fond de débat sur la baisse concomitante de l'énergie nucléaire. Cette loi se décompose aussi en un certain nombre de titres qui sont autant d'outils – bâtiment, économie circulaire, énergies renouvelables, sûreté nucléaire, outils économiques, gouvernance – avec par exemple des obligations de reporting financier. À côté des lois, un ensemble d'actions s'appuient sur les précédentes et les réorientent comme le plan de rénovation de l'habitat de 2013, suivi de l'adoption en avril 2018 d'un plan de rénovation des bâtiments, présenté conjointement par les ministres Hulot et Mézard, après quelques mois de concertation. Si l'on poursuit le même type d'action pour les réorienter ou les approfondir, c'est justement pour supprimer les freins dont on a pris conscience.

Par exemple, pour la construction neuve, le consensus existe pour essayer de faire des économies d'énergie. Les dernières orientations figurent dans la réglementation thermique RT 2012. On est en phase d'expérimentation pour définir la RT 2020 qui, outre les aspects thermiques et l'isolation du logement, concerne la production d'énergie et l'empreinte environnementale du foyer. Les outils sont principalement réglementaires. Le consensus existe de même sur la nécessité de diminuer les consommations dans le parc déjà construit. Cependant, on s'interroge plus, d'un point de vue théorique comme pratique, sur la palette d'outils à utiliser. Une des grosses difficultés est que le bâtiment est très diffus avec des situations très différentes selon qu'il s'agit du parc tertiaire, public ou privé, les bâtiments industriels, l'habitat collectif, social ou privé, ou individuel en propriété ou en location… Pour la rénovation de l'habitat, l'outil le plus utilisé est l'accompagnement financier, sous forme de crédit d'impôt ou des subventions de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), mais le conseil est également une nécessité. La qualification des artisans s'est améliorée, ce qui accroît la performance des travaux. En revanche, pour la rénovation, on a moins recours à la fixation de normes. Un décret de 2007 sur la rénovation des bâtiments tertiaires a été suspendu, mais on essaye, dans le nouveau cadre juridique offert par le projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), de le reprendre sous une forme ambitieuse et réalisable. On réfléchit aussi à une obligation, ou un accompagnement, de travaux par les propriétaires-bailleurs de « passoires thermiques », qui n'y sont guère incités dans la mesure où c'est le locataire qui en perçoit le bénéfice immédiat. À moyen terme, l'augmentation du prix des énergies carbonées, et la taxe carbone, auront un effet sur l'investissement. Mais celui-ci – et c'est vrai aussi dans les transports – n'ayant un rendement, à savoir les économies constatées, que sur une longue durée, la hausse du prix du carbone ne suffit pas à le déclencher, sauf pour les gros propriétaires et entreprises qui s'engagent sur un programme de rénovation sur vingt ans ; pour le public, elle est un élément utile d'explication. C'est là un autre exemple de frein à la transition. Évidemment, il faudrait nuancer selon le type d'énergie renouvelable, mais je ne veux pas allonger ce propos liminaire et je donnerai des précisions en répondant aux questions.

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