Intervention de Pierre-Henri Dumont

Séance en hémicycle du lundi 10 décembre 2018 à 16h00
Préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont :

Votre impréparation est également manifeste sur la question des corridors maritimes, puisque le gouvernement français, contrairement au gouvernement flamand, par exemple, n'a même pas daigné répondre à la première phase de consultation, attendant la communication de la Commission européenne au coeur de l'été pour déclencher – avec un succès apparent, il est vrai – le plan ORSEC.

Si votre première faute est de ne pas avoir préparé notre pays au Brexit, la seconde est de ne pas avoir su faire de ce fait politique majeur un instrument de remise à plat de nos politiques avec le Royaume-Uni, en particulier en matière migratoire. J'ose à peine vous rappeler les propos qu'Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, avait tenus dans le Financial Times en mars 2016 : il avait déclaré que le jour où la relation serait rompue, la France ne retiendrait pas les migrants à Calais. En refusant de renégocier quoi que ce soit en matière migratoire avec les Britanniques, vous sacrifiez une nouvelle fois le Calaisis, quelques années après que le même Emmanuel Macron a refusé de lever le petit doigt pour sauver le pavillon français dans le détroit du Pas-de-Calais, sabordant la compagnie MyFerryLink, ses marins, ses familles, sa flotte et son prestige. Cela commence à faire beaucoup pour un seul homme, fût-il aujourd'hui Président de la République !

Madame la ministre, la renégociation des accords du Touquet à Sandhurst fut une vaste fumisterie. Depuis, rien n'a changé : les Anglais continuent de nous payer des barbelés et des caméras, et les migrants continuent d'errer à Calais en tentant de traverser la Manche. La seule chose qui a changé, c'est le nombre de migrants, puisqu'ils sont aujourd'hui 30 % plus nombreux qu'au moment de la signature des accords de Sandhurst et qu'ils essaient désormais chaque nuit, au péril de leur vie, de traverser la mer sur des rafiots de fortune, risquant de transformer la Manche en une nouvelle Méditerranée. À Sandhurst, vous n'avez rien négocié du tout !

En refusant de profiter du Brexit pour signer un nouvel accord migratoire global, permettant par exemple aux migrants coincés à Calais de déposer leur demande d'asile en France ou en Europe, puisqu'ils ne veulent manifestement pas rester chez nous, vous faites une erreur morale et vous laissez passer une occasion unique. Par votre faute, nous resterons les sous-traitants éternels de la politique migratoire britannique – et nous devrons le faire avec le sourire ! Sans compter que l'augmentation du temps de contrôle des poids lourds fait peser une menace d'appel d'air, puisque ces camions immobilisés sur les autoroutes sont autant de proies faciles pour les passeurs. Le jour de la signature du pacte de Marrakech, j'y vois un symbole du laxisme qui caractérise votre gouvernement en la matière. C'est honteux.

En ce qui concerne ces ordonnances, beaucoup reste donc à faire, et si la question de la relation future avec le Royaume-Uni est cruciale, le Gouvernement doit rapidement apporter des réponses concrètes aux acteurs de terrain. Où seront situées les infrastructures nécessaires aux contrôles post-Brexit ? Qui paiera, non seulement pour leur construction, mais également pour leurs accès ? Comment être certain que des pays voisins ne feront pas de dumping aux contrôles, mettant ainsi en péril l'intégrité du marché commun, afin de rediriger une partie du trafic vers leurs ports ? Comment va s'organiser concrètement, localement, le retour du duty-free dans trois mois ?

Vous le voyez, les questions sont nombreuses, à cent jours de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, et beaucoup restent malheureusement sans réponse à ce jour. Cependant, en responsabilité, compte tenu de l'ampleur du travail à réaliser dans les cent prochains jours, compte tenu de l'incertitude des citoyens européens et britanniques et face à l'ampleur du désastre économique qui s'annonce si les ports ou le tunnel ne peuvent pas continuer à fonctionner, les députés du groupe Les Républicains voteront en faveur de ce projet d'habilitation.

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