Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Séance en hémicycle du lundi 10 décembre 2018 à 16h00
Préparation au retrait du royaume-uni de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade :

À l'heure où nous nous apprêtons à examiner ce projet de loi, beaucoup d'incertitudes demeurent autour du Brexit. Le débat au Parlement britannique semble plus difficile que jamais, de nombreuses voix s'élèvent pour réclamer un nouveau référendum et le Gouvernement de Theresa May a décidé de reporter le vote sine die.

Cela fait maintenant deux ans que les Européens et le Royaume-Uni négocient, deux ans que les citoyens britanniques et européens sont les victimes des atermoiements et des revirements des partis politiques au Royaume-Uni. Cette instabilité, cette crise politique profonde nous rappelle ce qu'était le Brexit à l'origine, un vote de rejet lié à des maux profonds et réels mais qui ont été instrumentalisés, détournés à des fins politiciennes, engageant sans le moindre scrupule l'avenir du pays et de l'Union tout entière vers un avenir incertain.

Ce soir, le report du vote est l'énième illustration d'un Brexit qui n'a jamais été pensé ni anticipé par la classe politique britannique. Disons-le clairement, cette volonté de reporter le vote après ces deux années de négociation renforce l'incertitude pour les citoyens et les entreprises outre-manche. Par ailleurs, il est évident que nous ne voudrions pas vivre l'incertitude qui règne au Royaume-Uni. C'est pourquoi je souhaite ici soutenir ce projet de loi qui apporte les réponses et les garanties nécessaires à nos concitoyens, à nos entreprises, et à tous ceux concernés par le Brexit en France.

Parce que le choix britannique nous impose avant tout de préserver nos intérêts nationaux, de préserver le statut de nos concitoyens comme celui des citoyens britanniques établis en France, ce projet de loi nous permet de préparer sereinement le Brexit, quelle qu'en soit l'issue.

Car si le Brexit est un choix souverain qu'il faut respecter, il ne saurait se faire à nos dépens. Il est le choix du peuple britannique pour lui-même, non pas pour les autres et je salue ici l'unité des Européens dans les négociations, qui a permis de défendre l'intégrité de nos valeurs, de notre socle et de l'Union européenne.

Qu'il me soit permis de saluer le travail remarquable de Michel Barnier. Madame la ministre, permettez-moi également de saluer votre engagement, et celui du Président de la République, pour faire respecter les intérêts de la France dans cette négociation singulière et difficile.

Le Brexit doit nous rappeler que les doutes surgissent partout en Europe : il est le fruit d'un malaise profond devant la mondialisation contemporaine, qui s'exprime en Europe et ailleurs. Bien sûr, la colère de ceux qui y sont confrontés prend différentes formes d'un pays à l'autre. Au Royaume-Uni, le Brexit a été la mauvaise réponse à des inquiétudes réelles, que l'on retrouve dans d'autres pays d'Europe, liées notamment à des inégalités sociales et territoriales profondes et souvent anciennes.

Le Brexit est, en quelque sorte, la traduction politique des fractures au sein des peuples européens, un miroir tendu des crises qui enserrent l'Europe, ainsi que des divisions entre le nord et le sud, sur le plan économique, et entre l'est et l'ouest, sur la question migratoire ou l'État de droit.

Dans ce contexte, le Brexit doit être le point de départ d'une refondation profonde de l'Union européenne. Car, nous le voyons, nos concitoyens veulent l'Europe, mais ils sentent bien que celle-ci, telle qu'elle est, n'est pas prête pour répondre à leurs difficultés. Nous débattons dans un moment de grandes transformations, liées au numérique et au réchauffement climatique, qui remettent en cause en profondeur les fondements de notre société et suscitent des peurs. Celles-ci conduisent à repenser les grands équilibres qui la fondaient jusqu'à présent.

Ces bouleversements nous donnent une responsabilité toute particulière. Nous devons nous regarder avec lucidité, quand bien même cela serait difficile, et nous demander si l'Europe est capable de répondre aux grands défis de notre temps. Sincèrement, je ne crois pas que la Chine ou les États-Unis pensent que l'Europe est aujourd'hui une puissance dotée d'une autonomie stratégique comparable à la leur.

Or, si nous ne parvenons pas à construire une nouvelle souveraineté européenne qui, clairement, permettra de protéger nos concitoyens des désordres du monde, alors nous nous préparons des lendemains difficiles en Europe.

Quelles qu'en soient les conditions – je les souhaite évidemment les meilleures dans l'intérêt de tous – , le Brexit aura lieu le 29 mars prochain, soit deux mois avant les élections européennes. Le lien entre ces deux événements est évident. Le Brexit, l'événement certainement le plus désastreux de l'histoire de la construction européenne, interroge nos concitoyens : c'est pourquoi nous ne saurions laisser les démagogues et nationalistes dérouler les pires idioties sur l'Europe sans les contredire.

Nous ne pouvons pas suivre davantage la logique apathique des conservateurs, dont les atermoiements conduisent à un immobilisme mortifère en Europe depuis trop longtemps.

Oui, l'heure de vérité a sonné. La politique des petits pas n'est plus tenable. Il nous faut, là aussi, porter une ligne claire, qui est celle d'une volonté de souveraineté européenne. Il nous faut construire l'Europe que nous voulons et en prouver les résultats concrets et efficaces, afin de démontrer à nos concitoyens que la voie de la coopération européenne est la seule qui puisse conduire à la stabilité et à la prospérité, dans l'intérêt de la France.

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