Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du mardi 11 décembre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

En abordant l'examen de ce texte, les députés du groupe UDI, Agir et indépendants avaient beaucoup d'espoirs car vous semblez désireuse, madame la garde des sceaux, d'aborder un grand nombre de sujets concernant notre organisation judiciaire.

Malheureusement, nos espoirs ont été déçus, d'abord à cause de l'organisation de nos débats qui ont été tellement saucissonnés et hachés que nous n'avons pu prendre toute la mesure de ce texte. Nous l'avons dit à de nombreuses reprises : les travaux de cette assemblée méritent mieux qu'une organisation au jour le jour ne permettant pas de savoir si la discussion d'un texte sera poursuivie le lendemain ! Nous devons tous ensemble nous efforcer de corriger cela.

Vous avez passé du temps, madame la garde des Sceaux, à participer à nos travaux, j'en conviens, mais tout au plus une vingtaine d'amendements de l'opposition, sur les 1600 qu'elle avait déposés, ont été adoptés. C'est très peu, d'autant que les amendements retenus concernaient le plus souvent des dispositions assez marginales.

Pour ces raisons, nous sommes déçus. Je vais maintenant revenir sur certains points de ce texte, et d'abord sur la réforme de l'ordonnance de 1945. Passé l'effet de surprise et au vu de l'urgence de réformer, nous ne nous sommes pas opposés à la procédure d'habilitation. Toutefois, j'insiste sur le fait que nous n'aboutirons qu'à la condition que tout le monde soit associé et que les ordonnances soient préparées de façon véritablement collective par vos services et par le parlement. Ce sujet mérite que nous montrions par un travail collaboratif que nous sommes capables de travailler tous ensemble.

Malgré tous les écueils dont nous avons longuement débattu, et au-delà de la multiplicité des thèmes abordés, nous ne devons pas perdre de vue que ce sont in fine les libertés individuelles, la protection des plus vulnérables et le maintien de l'égalité entre les justiciables qui sont en jeu. Une seule question doit primer : quelle justice voulons-nous pour notre pays ? Souhaitons-nous une justice sans juge, éloignée des justiciables et obéissant à des impératifs de management ? Ou voulons-nous une justice à la hauteur de sa mission, qui se présente comme un pouvoir régalien fort et respectable ?

À la lecture de ce texte, et d'après ce qui est ressorti de nos débats, la réponse à cette question ne peut être que nuancée. Certains éléments concourent à rendre la justice plus efficace et plus moderne : la numérisation est ainsi une bonne chose, de même que la simplification du parcours procédural des victimes de terrorisme, un certain allégement de la charge du juge, principalement par des transferts de compétence et, surtout l'amélioration des moyens de la justice au travers d'une loi de programmation longtemps attendue.

Toutefois, de nombreuses lacunes demeurent, qui font pencher la balance du mauvais côté. Si nous reconnaissons que des efforts sont faits, nous aurions souhaité que le budget alloué à la justice soit supérieur. Cela aurait été l'occasion de nous placer au niveau de nos voisins européens : je pense que nous aurions pu financer notre justice au même niveau que nos voisins espagnols.

Au-delà, le problème majeur de ce projet de loi tient à ce qu'il ne dit pas. En effet, sa philosophie générale et de long terme pose question. Les objectifs présentés paraissent satisfaisants pour corriger les difficultés d'une justice à bout de souffle mais, à y regarder de plus près, de nombreuses zones d'ombre subsistent. Quelle conséquence de l'échec d'une médiation pour les étapes suivant un litige ? Quel contrôle des médiations en ligne pour assurer que les droits des parties sont respectés ? Quelle garantie d'accès au juge ? Que deviendront les tribunaux vidés de leur substance par la spécialisation et la fusion ? Jusqu'où seront banalisées des techniques d'enquête qui n'auront finalement plus rien d'exceptionnel ?

Je ne poursuis pas cet inventaire. Je l'ai dit, nous avions beaucoup d'espoirs et ils ont été déçus. Les députés du groupe UDI, Agir et indépendants ne voteront pas ce texte en l'état, dans l'espoir que nos travaux futurs nous permettront d'améliorer ensemble notre justice.

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