Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du mardi 11 décembre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Le groupe Libertés et territoires insiste également sur la nécessité de bien encadrer l'utilisation des décisions de justice, notamment en appliquant un principe de transparence dans l'élaboration des algorithmes de justice prédictive. En effet, si vous rendez les décisions de justice accessibles à tous en ligne, les legaltech s'engouffreront dans cet open data judiciaire pour proposer une justice prédictive, avec tous les risques que cela peut comporter en termes d'accès à la justice et de respect des libertés publiques. Ces technologies doivent rester des outils au service de la justice, et non pas nous conduire vers une justice virtuelle, déshumanisée, biaisée et peu transparente. L'humain doit garder la main.

Par ailleurs, notre groupe ne peut accepter de voir mis à mal les droits de la défense, alors que, comme le relevait justement Guy Carcassonne, les respecter n'est pas une charité, mais un devoir ; pas un don, mais une obligation. Au cours de nos débats, notre assemblée a eu l'occasion de vous alerter sur les effets potentiellement attentatoires de ces mesures à ce droit fondamental. Avec le remplacement des jurés d'assises par des juges dans les tribunaux criminels départementaux, on oublie que la justice est rendue au nom du peuple français – et je ne parle même pas du renforcement des pouvoirs du parquet.

Nous sommes le pays des droits de l'homme à l'exportation, comme sait le rappeler justement Me Dupont-Moretti. Je crains que nous ne renforcions cette position avec ce texte. C'est pourquoi le groupe Libertés et territoires ne peut cautionner une réforme qui contribue à l'éloignement des justiciables et des juridictions, et porte atteinte à l'efficacité de la justice dans chaque territoire. Nous ne pouvons soutenir une réforme qui affecte le service public de la justice, ne reconnaît pas et n'accompagne pas l'engagement des professionnels du droit et affaiblit les droits des justiciables.

Madame la garde des sceaux, votre réforme n'est pas celle d'un juste équilibre entre prévention, répression, réinsertion et réparation. Elle n'est pas celle d'une justice digne d'une démocratie moderne.

Je terminerai en relevant que j'ai du mal à comprendre les arguments défendus par mes collègues de la majorité qui ont exercé ou exercent encore ce beau métier. Nous n'avons pas la même conception de celui-ci, qui est de défendre d'abord les plus fragiles. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre ce texte.

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