Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du mercredi 11 octobre 2017 à 15h00
Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, face à une menace terroriste persistante et forte, la majorité précédente a toujours pris ses responsabilités. Ainsi, au cours des cinq dernières années, nous avons soutenu et adopté neuf textes visant à lutter contre le terrorisme et à améliorer la sécurité, et prorogé cinq fois l'état d'urgence à la suite des attentats du 13 novembre. Surtout, nous avons donné des moyens supplémentaires, humains et financiers, aux services de l'État, notamment à nos services de police, de gendarmerie et de renseignement, qui avaient subi la suppression de milliers de postes durant la période précédente.

Désormais, comme l'a rappelé le Président de la République, il est nécessaire de sortir de l'état de l'urgence, pour deux raisons. Premièrement, l'état d'urgence a vocation à être un régime temporaire, activé uniquement dans des circonstances exceptionnelles pour faire face à un péril imminent. Deuxièmement, la menace terroriste ayant pris un caractère durable, il est nécessaire de doter l'État de nouveaux instruments permanents de prévention et de lutte contre le terrorisme, comme nous l'avions déjà fait, à l'initiative du Premier ministre Manuel Valls, avec la loi du 3 juin 2016.

Notre groupe est entré dans ce débat avec deux objectifs. Le premier était de refuser la surenchère et la démagogie ; c'est pourquoi nous n'avons voulu céder ni à la tentation de nier la réalité ou le besoin de mieux garantir la sécurité des Français, ni à la surenchère en matière sécuritaire qu'impliquaient des propositions de nature à briser l'équilibre entre sécurité et liberté. Le second objectif était d'imposer des garde-fous ; en effet, nous devons encore et toujours rappeler que, si les exigences de protection de l'ordre public sont une priorité dans le contexte actuel, elles doivent toutefois être conciliées avec la préservation des libertés individuelles.

Les dispositions de ce texte ont évolué sur plusieurs points : la durée des assignations à résidence a été limitée ; le domicile et les locaux professionnels des magistrats, avocats et journalistes seront protégés, ils ne pourront faire l'objet d'une visite administrative ; l'obligation de fournir ses identifiants, qui était prévue à l'article 3, a été supprimée ; la protection des mineurs est renforcée, tout comme les droits de recours. Au-delà de ces évolutions, que nous saluons, deux points étaient à nos yeux essentiels.

Le premier porte sur ce que nous avons appelé la « clause de revoyure » et que le Sénat a qualifié de « clause d'autodestruction », concernant les dispositions inspirées de l'état d'urgence, particulièrement celles restrictives de libertés. Introduite par le Sénat, cette clause conférait initialement un caractère expérimental, jusqu'au 31 décembre 2021, aux dispositions prévues par les articles 3 et 4 – relatifs aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, pour le premier, et aux visites domiciliaires et aux saisies, pour le second. Il a été décidé, en commission des lois, notamment à l'initiative de notre groupe, que cette expérimentation s'achèvera le 31 décembre 2020. Nous avions aussi exprimé le souhait que cette clause soit élargie à l'ensemble des dispositions inspirées de l'état d'urgence, soit les articles 1er à 4.

Le second point essentiel à nos yeux concerne le contrôle parlementaire des mêmes dispositions inspirées de l'état d'urgence. En effet, selon nous, leur intégration dans le droit commun doit impérativement s'accompagner du maintien du contrôle parlementaire mis en place par la précédente majorité, afin de surveiller leur application. Il a été décidé, en séance, à l'initiative de notre groupe, que les autorités administratives devront transmettre sans délai aux assemblées parlementaires les mesures prises ou mises en oeuvre pour l'application des articles 3 et 4. Nous souhaitions, là encore, que cette clause soit élargie à l'ensemble des dispositions inspirées de l'état d'urgence, soit les articles 1er à 4, mais un amendement de M. le rapporteur en avait limité l'application aux articles 3 et 4.

C'est à l'aune de ces deux priorités que nous avons examiné les conclusions de la commission mixte paritaire. Celle-ci a d'abord élargi le champ d'application de la clause dite « d'autodestruction » ou « de revoyure » et des dispositions relatives au contrôle parlementaire à l'ensemble des articles 1er à 4. Nous nous en réjouissons ; pour nous, c'est un point-clé, sur lequel nous avions beaucoup insisté. Je veux signaler dès à présent qu'un certain nombre de membres de notre groupe souhaitent s'impliquer dans ce contrôle parlementaire, y compris par des visites sur place et des contrôles sur pièces. Je sais, madame la présidente de la commission des lois, que vous avez conscience de la responsabilité qui vous incombe de faire vivre ce contrôle parlementaire et d'assurer l'égale information de chacun des groupes politiques en la matière.

Nous avions aussi demandé des modifications sur l'article 10, relatif aux contrôles d'identité dans les zones frontalières. La CMP a réduit les zones à l'intérieur desquelles ces contrôles pourront avoir lieu aux territoires compris dans un rayon de dix kilomètres autour des points de passage frontaliers, contre vingt kilomètres à l'origine. Nous saluons cette décision, et saisissons cette occasion pour vous inviter encore une fois, monsieur le ministre d'État, à toujours veiller au respect de la déontologie lors de l'application de ces dispositions. Nous souhaitons enfin qu'à l'avenir, l'autorité judiciaire soit mieux associée à ces contrôles, par exemple par l'information du procureur de la République.

Nous savons qu'aucune loi ne garantira jamais le risque zéro. Nous savons aussi, et nous répétons, que la priorité, avant d'envisager toute autre évolution du droit, est désormais de donner les moyens humains et matériels à nos services pour qu'ils mobilisent pleinement l'arsenal juridique dont ils disposent. Fort des avancées que représentent les évolutions de ce texte, au Sénat, à l'Assemblée – notamment grâce à des amendements que nous avons présentés – et enfin en CMP, le groupe Nouvelle Gauche soutiendra son adoption.

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