Intervention de Maina Sage

Séance en hémicycle du mercredi 12 décembre 2018 à 15h00
Indivision successorale et politique du logement outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

En cette journée un peu particulière, je veux également adresser, au nom du groupe UDI-Agir mais aussi, je le pense, de l'ensemble de mes collègues, des pensées amicales à toutes les victimes de Strasbourg mais aussi à celles des derniers week-ends.

Vu de l'Hexagone, la sortie de l'indivision successorale est un sujet qui peut paraître anodin. Or il est en fait essentiel pour le développement – mais aussi pour l'apaisement – des territoires d'outre-mer. Depuis des décennies, l'indivision pose en effet de graves problèmes au sein des familles : elle y est source d'incompréhensions et d'inimitiés, voire, dans certains cas, de violences. À mon sens, le sujet est donc d'abord social avant d'intéresser le logement et l'aménagement. Il s'agit également d'un enjeu majeur pour le désenclavement des territoires. Au début de l'année, lorsque nous débattions du titre de la proposition de loi, j'avais fait valoir que celle-ci ne se réduisait pas à la seule question du logement. En effet, la sortie de l'indivision résout bien d'autres problèmes.

Avant d'en venir à la Polynésie, je tiens à remercier Serge Letchimy pour son ouverture à la situation des autres territoires et pour sa patience ; Guillaume Vuilletet – ce n'était pas évident au début, mais il a su entendre nos messages et comprendre les difficultés que connaissent nos territoires – ; le ministère des outre-mer et celui de la justice avec lequel nous travaillons actuellement pour finaliser des mesures propres à notre territoire ; nos collègues de l'outre-mer et de l'hexagone ainsi que les députés présents aujourd'hui, qui s'intéressent aux spécificités ultramarines.

En Polynésie, l'indivision constitue un problème social, familial et de développement, ce que je voudrais illustrer par quelques chiffres, ainsi 678 dossiers sont en cours de traitement au bureau des avocats – une structure d'aide juridictionnelle intégrée à la direction des affaires foncières et qui constitue un exemple sans doute unique dans la République, puisqu'elle permet, depuis plus de vingt ans, d'accompagner les familles dans la sortie de l'indivision.

Dans la plupart des familles, les indivisaires d'un bien sont des dizaines, voire des centaines, ce qui n'est pas évident à gérer. L'accompagnement est donc indispensable. À cet égard, je salue le rôle du gouvernement de Polynésie, notamment de la direction des affaires foncières, et de tous les professionnels impliqués. Depuis plus de cinq ans, nous travaillons régulièrement sur ces questions avec l'État, les juges, les notaires, les avocats. C'est un vrai travail d'équipe qui mérite d'être applaudi – d'autant que de nombreux experts ont pris bénévolement sur leur temps pour nous aider à aboutir – je l'espère pour la Polynésie – très prochainement.

Devant le tribunal foncier, on compte 1253 dossiers ouverts, dont plus de 500 concernent le partage par souche. Pour ceux qui se posent encore des questions sur le sujet – sur lequel nous aurons l'occasion de revenir très bientôt – , je précise nous nous bornons à reprendre la jurisprudence. En effet, aujourd'hui, en Polynésie, les juges de première instance autorisent le partage par souche, mais leurs décisions sont fragilisées par la position de la Cour de cassation qui ne l'admet pas. Nous souhaitons donc inscrire le partage par souche dans le droit afin de sécuriser les décisions des tribunaux polynésiens.

Un rapport datant de 2014 estimait qu'à moyens constants, le traitement du stock de dossiers demanderait vingt années de procédures judiciaires – pouvez-vous l'imaginer ? En Polynésie, le principe n'est pas le règlement à l'amiable, mais le contentieux, et 68 % du contentieux immobilier y est généré par l'indivision – un chiffre proche de ceux que connaissent les DOM. Il est donc grand temps de faire quelque chose.

Qu'avons-nous fait depuis dix ans ? En 2004, à l'occasion de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie, la possibilité a été donnée de dédier un tribunal aux affaires de terre. Mais il a fallu dix ans pour que le tribunal foncier soit effectivement créé – un véritable parcours du combattant. Je remercie tous les gouvernements précédents ainsi que mes collègues – je me souviens de Colette Capdevielle et de mon prédécesseur Édouard Fritch qui avait porté les amendements en commission – pour ce qui fut un travail de longue haleine. Désormais, le tribunal foncier fait l'objet d'une convention trisannuelle avec l'État aux termes de laquelle le ministère de la justice lui attribue des moyens spécifiques, lesquels vont disparaître fin 2018. Madame la ministre – j'avais déjà saisi votre collègue du ministère de la justice – , pouvez-nous rassurer sur le maintien de ces moyens ?

La création du tribunal foncier devait absolument s'accompagner d'une adaptation du droit civil. Dès lors que plusieurs dispositions de cette proposition de loi rejoignent les préoccupations de la Polynésie, nous avons profité du vecteur législatif pour introduire deux dispositions – l'une sur l'attribution préférentielle, l'autre sur l'omission d'héritier – qui pourront bénéficier aux autres territoires, et j'en suis ravie.

Nous travaillons sur d'autres sujets tels que l'option d'héritier, le droit de retour, le partage par souche – la modification introduite au Sénat fait toujours l'objet de discussions. Par conséquent, en plein accord avec le Gouvernement, il a été décidé de retirer de cette proposition de loi toutes les dispositions concernant la Polynésie en vue de les intégrer dans le projet de loi simple devant compléter le projet de loi organique relatif à la révision du statut de la Polynésie, qui devrait nous être soumis très bientôt, et don nous souhaitons qu'il comporte un titre dédié au droit foncier. J'espère que cette solution permettra une adoption plus aisée de la proposition de loi, et je remercie une nouvelle fois Serge Letchimy pour son sens de l'écoute.

Les propositions que nous ferons serviront peut-être à d'autres plus tard, sous réserve d'adaptations, mais il nous paraît opportun de les adopter en un bloc. Les travaux avancent bien ; nous organisons des visioconférences entre l'ensemble des experts en Polynésie et le ministère de la justice – la dernière s'est tenue avant-hier et a permis d'aboutir à une rédaction sur un grand nombre de points. Je tiens à rassurer mes collègues, les dispositions envisagées seront évidemment présentées au conseil des ministres de Polynésie ainsi qu'aux élus locaux afin de recueillir leurs avis avant que le texte soit examiné par notre Assemblée.

Le groupe UDI-Agir soutiendra évidemment cette proposition de loi. Ce bel exemple de travail transpartisan peut montrer le chemin à suivre pour d'autres sujets plus difficiles que nous avons à traiter.

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