Intervention de Olivier Serva

Séance en hémicycle du mercredi 12 décembre 2018 à 15h00
Indivision successorale et politique du logement outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Serva :

Je salue votre expérience, votre vision et l'opiniâtreté que vous avez mise à faire avancer ce dossier, essentiel pour les outre-mer. Le présent texte vise en effet à remédier à la paralysie du foncier, aggravée par la multiplication des biens détenus en indivision successorale par des héritiers souvent nombreux et éloignés géographiquement, phénomène qui n'a que trop longtemps transformé paradoxalement l'indivision en un ferment inépuisable de division entre les membres d'une même famille.

Le texte aura pour effet de libérer un foncier pour l'heure paralysé par un droit inadapté à nos territoires, mais il constitue également un progrès réel qui devrait permettre aux enfants et aux petits-enfants des outre-mer de construire des perspectives de vie sur la terre de leurs ancêtres.

Plus encore que de questions économiques et sociales, nous parlons donc d'enjeux de société à très long terme. Faut-il d'ailleurs rappeler que le vrai fondateur de la société civile fut « le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : "Ceci est à moi" », comme l'écrivait Jean-Jacques Rousseau ?

Je le redis ici, dans des territoires où, pendant plus de deux siècles, l'article 28 du Code noir a privé les esclaves de tout droit de propriété, on peut considérer sans se tromper que le premier homme de couleur à avoir été capable d'acheter sa terre, d'enclore un terrain et de dire : « Ceci est à moi », fut le véritable fondateur des sociétés post-esclavagistes, telles qu'elles sont aujourd'hui.

C'est lui, cet affranchi, qui en se lançant à la conquête des mornes de Guadeloupe et de Martinique à la fin du XIXe siècle, a impulsé un mouvement progressif d'enracinement, d'appropriation du sol et d'identification.

Sur ces territoires insulaires, où l'eau n'est jamais loin, c'est la terre qui a permis à cet aïeul de nourrir sa famille. L'attachement à ce bien s'est transmis de génération en génération, trouvant écho chez le guyanais Gaston Monnerville, président du Sénat, qui proclamait que rien ne ferait jamais de lui un déraciné.

Le phénomène de l'indivision se superpose à l'existence de droits coutumiers très prégnants dans certains territoires comme Mayotte, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna.

C'est la raison pour laquelle aucune des dispositions essentielles de la proposition de loi ne saurait être retranchée de la rédaction actuelle. Je souhaite que l'Assemblée nationale adopte à l'unanimité ce texte qui jette les bases d'un rapport apaisé à la propriété dans nos territoires. Ce serait là un magnifique témoignage de l'union de toute la nation pour les outre-mer.

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