Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du mercredi 19 décembre 2018 à 15h00
Modification de l'acte portant élection des membres du parlement européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est déconnecté des enjeux démocratiques qui se posent à toute l'Union européenne et à ses États membres. Compte tenu de l'actualité et des exigences démocratiques et anti-technocratiques qui s'expriment dans notre pays– et pas seulement celles toutes de jaune vêtues – , ce texte est, à bien des égards, surréaliste. Sa vocation se limite, comme les précédents orateurs l'ont dit, à harmoniser les procédures nationales, afin d'unifier l'organisation des élections européennes au sein de l'Union. Cet objectif figurait déjà dans le traité de Rome de 1957 ! Il aura fallu du temps et une succession de scrutins européens qui ont tous battu des records d'abstention pour tenter d'atteindre cet objectif.

Élaboré en France en juin dernier, ce texte, une fois ratifié, entrera en vigueur à l'échelle de l'Union européenne. La question de la circonscription unique et les réflexions menées sur la proportionnelle sont importantes aux yeux des députés communistes. Cette décision n'appelle donc que peu d'observations critiques en tant que telles, à l'exception toutefois du problème des seuils. L'instauration d'un résultat minimal pour être élu introduit une sorte de tri sélectif entre les grands et les petits partis. Ces derniers se trouveront exclus, ce qui est extrêmement gênant pour la diversité démocratique. Ce choix, du reste, est tout à fait assumé, puisqu'il est indiqué dans l'exposé des motifs que les seuils visent à « favoriser l'émergence de groupes politiques d'une taille significative afin de faciliter le processus législatif au Parlement européen ».

Tout est dit ! Il s'agit de préserver un entre-soi pour être plus tranquille dans l'enceinte du Parlement, pendant qu'on laisse à la porte ceux dont on estime qu'ils ne sont pas assez représentatifs. Mais le propre de la démocratie n'est-il pas d'assurer une représentation proportionnelle de toute la diversité des opinions ? Au-delà de ces considérations et de cette proposition, à laquelle le groupe de la Gauche démocrate et républicaine va donner son accord, une double question se pose. À quoi sert le Parlement européen, d'abord, et comment faire pour le renforcer ? C'est bien de cela qu'il s'agit, et ce n'est pas un simple toilettage qui répondra aux enjeux actuels.

Depuis que les eurodéputés sont élus au suffrage universel direct, le problème de l'utilité du vote saute visiblement aux yeux des électeurs potentiels et des citoyens. Ils sont de moins en moins nombreux à se déplacer pour choisir leurs représentants à l'échelle européenne. Cette abstention récurrente est symptomatique, en même temps qu'elle affaiblit, de fait, la légitimité démocratique de l'Union européenne. Si nous nous élevons contre ceux qui veulent des « États-Unis d'Europe », parce que cela irait à l'encontre de l'idée d'Union européenne et des valeurs qu'elle est censée incarner, nous ne cautionnerons jamais pour autant une Union technocratique et antidémocratique, si éloignée des attentes et des intérêts des peuples qui la composent.

Cette Union-là, c'est celle qui sert les marchés, au détriment des gens ; celle qui est aux mains des prétendus experts et des comptables ; celle qui fait triompher les logiques de l'argent en rognant les services publics et les protections collectives ; celle qui est sous l'influence des lobbyistes. Nous venons encore d'en avoir la triste démonstration, avec la révélation des Implant files… La Commission européenne a finalement rejeté l'idée de créer une agence publique de certification, qui serait chargée de délivrer les autorisations de mise sur le marché des produits médicaux, notamment des implants et des prothèses. Elle a cédé à la pression des grands groupes privés comme Medtronic, qui font leur business sur le dos des patients et de nos systèmes de protection sociale.

Cette Europe qui jargonne, au point de n'être plus audible par ceux qui ne sont pas du sérail, les peuples européens n'en peuvent plus et n'en veulent plus. Soit on peut attendre que le mouvement des gilets jaunes gagne un jour toute l'Europe, soit on peut se saisir de cette opportunité pour asseoir un nouveau type de représentation européenne et rénover en profondeur ses instances. Comme le proposent Didier Quentin et Sébastien Nadot dans leur rapport sur la refondation démocratique de l'Union européenne, il serait bon d'entreprendre une réforme de l'initiative citoyenne européenne, pour en faire un outil de démocratie participative, qui impliquerait plus directement les Européens dans le fonctionnement des institutions de l'Union européenne.

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