Intervention de Anne Genetet

Séance en hémicycle du mercredi 19 décembre 2018 à 15h00
Modification de l'acte portant élection des membres du parlement européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Genetet :

À bout de souffle, en quête de légitimité, ne sachant plus d'où elle vient, ne sachant plus où elle va, privée de rêve depuis que la paix continentale est devenue réalité… Mes chers collègues, après tout ce que je viens d'entendre, je ne vous laisserai certes pas penser que je parle de la France : je veux parler ici de la démocratie européenne.

Dans son discours de la Sorbonne, en 2017, le Président de la République avait exprimé avec force la conviction de ma famille politique, qui était que la revitalisation de la démocratie européenne réside dans le Parlement des Européens. Cependant, les élections européennes ont toujours été singulières, avec un taux d'abstention record, une prime aux partis secondaires et contestataires, une prééminence des enjeux nationaux et une mainmise des appareils politiques, dépêchant souvent à Bruxelles des impétrants n'ayant pas toujours le profil, ou même parfois la volonté d'y travailler.

Alors, comment revitaliser cette démocratie européenne ? Comment intéresser les Français et les Européens aux élections européennes ? Je reviendrai sur les réponses que nous avons déjà apportées et sur celles qu'il nous reste à apporter.

En juin, tout d'abord, nous avons apporté une première réponse électorale en rétablissant la circonscription électorale unique. N'en déplaise à leurs défenseurs, les circonscriptions régionales n'avaient pas fait leurs preuves, et cela a d'ailleurs été rappelé. Elles n'avaient ni rapproché le député du terrain, ni dépolitisé le scrutin, ni favorisé l'appropriation des enjeux européens par les Français. La circonscription nationale unique permettra, en revanche, de recréer les conditions du débat national sur les enjeux européens, trop longtemps escamotés par la régionalisation.

Aujourd'hui, nous apportons une deuxième réponse électorale, en allant plus loin, comme cela a également été rappelé, sur le chemin de l'harmonisation de cette procédure d'élection. Ce texte contribue en effet à la convergence de vingt-sept traditions électorales qui ont la vie dure – qu'il suffise de penser aux dates, aux délais de dépôt des candidatures, aux incompatibilités et inéligibilités ou aux règles de scrutin. Les avancées sont modestes, certes, mais ce sont des fondations solides pour faire du Parlement européen le creuset de notre projet européen, et les conditions sont désormais réunies pour l'établissement, en 2024, de listes transnationales menées dans une circonscription électorale unique par le candidat de chaque famille politique à la présidence de la Commission. Il est toutefois dommage, me semble-t-il, que l'on n'ait pas saisi l'occasion du Brexit pour le faire.

Demain, nous devons apporter une nouvelle réponse, beaucoup plus politique. Dans son dernier essai, intitulé Le peuple contre la démocratie, le politologue germano-américain Yascha Mounk explique la montée du populisme dans nos démocraties libérales par le divorce entre la démocratie et le libéralisme. Pour lui, la Commission européenne en hyperpuissance normative incarne une forme de libéralisme antidémocratique. En Europe, le fossé s'est en effet creusé entre un libéralisme insuffisamment démocratique, celui de l'Union européenne, et des démocraties insuffisamment libérales, dites illibérales, telle la Hongrie de M. Orban.

Pour réconcilier, en Europe, la démocratie et le libéralisme, les aspirations légitimes des peuples et le projet européen, il s'agira de faire l'Europe par la preuve – la preuve de son utilité, en élaborant les propositions concrètes qui répondent aux besoins quotidiens et aux attentes profondes des Français et des Européens. Il faut montrer à nos concitoyens que l'Europe peut les protéger contre les excès de la mondialisation et du capitalisme. Il faut leur montrer – et, parmi eux, à tous les gilets jaunes – que beaucoup de leurs préoccupations appellent des réponses au niveau européen.

Pour cela, nous devons faire preuve de courage politique, en cessant tout d'abord de faire de l'Europe le punching-ball de nos inconséquences, en montant ensuite sur le ring européen pour faire traiter, à ce niveau, les enjeux prioritaires pour nos concitoyens, par exemple dans les domaines de la sécurité, du social ou encore de l'écologie. C'est ce que fait le Président de la République depuis 2017. Nous avons obtenu des avancées – la réforme de la directive sur les travailleurs détachés en est une, parmi beaucoup d'autres – et nous en obtiendrons de nouvelles.

L'Europe par la preuve, la preuve de ce qu'elle fait chaque jour pour nous : c'est la réponse politique pour revitaliser la démocratie européenne. Aujourd'hui, comme en juin dernier, nous en avons défini les conditions électorales. Place désormais à la politique européenne : c'est tout l'enjeu de ce projet de loi et de la campagne des élections européennes à venir. Je veux pouvoir dire à nos enfants, à mes enfants, à mes quatre fils qui sont tous électeurs, « Eh bien, votez maintenant ! » Vive la République française et vive l'Union européenne !

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