Intervention de Laure de La Raudière

Réunion du mercredi 12 décembre 2018 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaure de La Raudière, rapporteure :

Pour notre rapport, nous nous sommes fixé trois objectifs. Il s'agissait d'abord de comprendre la technologie des blockchains, si ardue soit-elle. Cela nous semblait un préalable indispensable pour éviter de prendre des décisions qui se révéleraient être des erreurs à terme. Il s'agissait ensuite de comprendre les impacts que les blockchains ont en matière sociale, économique et politique. Il s'agissait enfin de se demander quelles actions peut mener la France en ce domaine. Pour avoir des réponses, nous avons travaillé pendant onze mois, avons effectué une quarantaine d'auditions et nous sommes déplacés en Suisse.

J'aimerais préciser ici que si nous utilisons des termes anglais, ce n'est pas par souci de faire moderne. La plupart n'ont pas encore trouvé d'équivalents en français, et si nous les traduisions littéralement, cela exposerait à des problèmes de compréhension. Le président Julien Aubert a déjà cité la notion de « contrat intelligent » pour smart contract, qui ne correspond pas à une notion juridique claire.

Je m'attacherai ici à vous présenter la technologie sur laquelle reposent les blockchains en essayant d'allier concision et simplicité.

Une blockchain est un registre, une grande base de données qui a la particularité d'être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre, et qui ont également tous la capacité d'y inscrire des données selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très bien sécurisé grâce à la cryptographie. On dit parfois que c'est comme un grand livre de comptes mis à jour en temps réel, détenu et consulté par un grand nombre de personnes, et non plus par un seul tiers de confiance. Il n'y a pas d'autorité de contrôle centralisée, ce qui est une caractéristique très importante.

Les transactions ou les informations échangées entre les utilisateurs du réseau sont regroupées sur des blocs horodatés. Irréversiblement liés les uns aux autres, ils forment une chaîne : la blockchain. Les écritures enregistrées sur ce bloc et sur tous ceux qui le précèdent sont inaltérables et infalsifiables. Elles sont garanties non par un tiers de confiance, qui peut tenir un registre ou la base de données centralisée pour contrôler les fraudes, mais par le fonctionnement même du réseau informatique et des règles cryptographiques qui y sont attachées.

Nous voyons à quel point cette innovation technologique peut constituer une rupture dans les échanges certifiés entre les entreprises.

Les blockchains se sont historiquement développées pour soutenir des transactions réalisées sous une nouvelle forme de moyens de paiement, appelée cryptomonnaie. Lorsqu'un utilisateur X inscrit sur la blockchain une transaction en bitcoins vers l'utilisateur Y, celle-ci est réalisée avec rapidité et sécurité et sans possibilité de fraude. Cela permet de transférer la propriété de l'argent sans passer par l'intermédiaire d'une banque. C'est la communauté des utilisateurs et le fonctionnement cryptographique du réseau qui garantissent l'efficacité du système.

Autre exemple d'application : une université peut recourir à la blockchain pour enregistrer les diplômes d'un étudiant. Cette technologie permet en effet de certifier très précisément quand un diplôme a été délivré, à qui et à quel titre, sans possibilité de falsification et de façon beaucoup plus efficace que les méthodes actuelles. C'est la fin des copies conformes des documents administratifs, avec les longues démarches qu'elles impliquent. Le document de base, authentifié par un tiers de confiance – qui continuerait à jouer un rôle – serait mis dans la blockchain et tout le monde pourrait y accéder selon les besoins.

Nous sommes bien conscients toutefois que cette technologie n'en est qu'à ses débuts et qu'elle pose plusieurs problèmes, dont celui de la consommation d'énergie – M. Jean-Michel Mis y reviendra.

Pour finir, j'évoquerai très rapidement les deux principaux types de blockchains : les blockchains ouvertes auxquelles tout le monde peut avoir accès et les blockchains privatives fermées, qui regroupent un petit nombre d'acteurs qui se mettent d'accord pour instaurer une gouvernance partagée. Elles présentent toutes les deux des avantages mais il est certain que la blockchain ouverte a un potentiel plus important, à l'instar d'internet par rapport à un réseau privatif.

La blockchain est en quelque sorte un réseau de valeurs – on transfère des propriétés, des documents certifiés – alors qu'internet est le réseau des échanges.

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