Intervention de Claire Mathieu

Réunion du jeudi 22 novembre 2018 à 10h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Claire Mathieu, directrice de recherche en informatique au CNRS :

- Quelle était notre mission, à Hugo Gimbert et à moi-même auprès du ministère ?

Nos lettres de mission posaient quelques principes de base. Toutes les formations examinant le dossier de chaque étudiant, elles sont susceptibles de lui proposer de suivre leur cursus. Dans cette perspective, il nous était précisé que le dispositif devait intégrer la possibilité pour chaque étudiant d'obtenir une formation, je cite, « en avançant à un rythme qui lui correspond ». Autrement dit, il s'agissait de ce qu'on appelle les « oui si ». De même, il nous était indiqué, je cite : « Il ne sera plus procédé à un tirage au sort pour départager les candidats ». Et puis, troisième principe important pour nous : « Les voeux ne seront désormais plus systématiquement hiérarchisés, chaque candidat pourra donc désormais avoir plusieurs propositions ». Tel était le cadre qui nous était fixé.

Rappelons le principe de la procédure principale de Parcoursup. Certains ont dit que, comme l'algorithme de Parcoursup ne demandait pas aux candidats de hiérarchiser leurs voeux, il ne tenait pas compte des préférences des étudiants. C'est faux. Le principe de base de Parcoursup, tout comme celui d'APB, repose sur l'algorithme dit des « mariages stables » de David Gale et Lloyd Shapley. Cet algorithme qui a été utilisé pour de nombreuses applications dans divers pays, a été récompensé par un prix Nobel. Il a en particulier des propriétés de stabilité : ni les étudiants, ni les formations n'ont en effet intérêt à faire défection.

Une originalité de Parcoursup tient à ce que le calcul de l'affectation des étudiants se fait au fil de l'eau, à mesure que les candidats répondent aux propositions qui leur sont faites. Ainsi, lorsque Parcoursup a besoin de connaître la préférence d'un candidat, il la lui demande expressément, dans un délai de quelques jours. Lorsque APB avait besoin de connaître cette préférence, au lieu de consulter directement le candidat, il consultait simplement la liste hiérarchisée préfixée que celui-ci avait dû fournir, sans même que le candidat soit informé que l'algorithme avait fait cette démarche.

Certains ont dit que l'algorithme ne fonctionnait pas, car de nombreux candidats ne recevaient aucune proposition répondant à leurs voeux. C'est vrai que quelquefois certains candidats n'ont reçu aucune proposition par l'algorithme. Mais il est inéluctable, dans l'algorithme de Gale - Shapley, que certains candidats restent sans proposition. C'est là une faiblesse structurelle. L'objectif de la procédure principale de Parcoursup consiste à gérer la plus grande partie de l'affectation, le reste de l'affectation étant suivi selon des méthodes annexes, en particulier la procédure complémentaire, puis l'appel à des commissions.

Concrètement, Hugo Gimbert et moi-même avons travaillé sur quatre questions : le temps de convergence ; la question des quotas et de certains taux seuils ou plafonds ; la publication du code source et de l'algorithme ; la gestion des internats des classes préparatoires aux grandes écoles.

S'agissant du temps de convergence, l'algorithme fait des propositions aux candidats au fil de l'eau et doit attendre que les candidats répondent pour avancer. Combien de temps faut-il à l'algorithme pour trouver la solution ? Certains ont dit que l'algorithme de Parcoursup avait mal fonctionné, car tout l'été il a semblé avancer très lentement.

Hugo Gimbert vous montrera les simulations ainsi que le déroulement de la campagne. En réalité, comme l'a dit Philippe Baptiste, l'algorithme avait quasiment convergé fin juillet 2018. Je note cependant qu'il ne faut pas confondre la notion de convergence et la notion de certitude ou d'incertitude : ce n'est pas parce qu'on a la proposition finale qu'on sait qu'il s'agit de la proposition finale.

Concernant les taux minimums de boursiers et d'étudiants hors secteur, fixés par la loi, il a parfois été dit que l'algorithme de Parcoursup opérait des discriminations. En réalité, l'algorithme se contente de prendre le classement des candidats qui lui est proposé par la formation, en prenant en compte le taux de boursiers qui est donné par le rectorat, par exemple 20 %, et il modifie le classement pour appliquer les dispositions de la loi sur ce dernier point. Par exemple, avec un taux minimal de boursiers de 20 %, si les propositions sont faites jusqu'au 10e candidat sur la liste, nous garantissons qu'au moins 2 de ces 10 candidats recevant une proposition sont des candidats boursiers, à supposer bien sûr qu'il y ait suffisamment de candidats boursiers. Une propriété importante de l'algorithme tient à ce que, dans le classement, un candidat boursier ne peut jamais être rétrogradé.

En ce qui concerne les candidats hors secteur, nous avons appliqué le même principe pour respecter la loi, en observant qu'un taux maximum de 15 % de candidats hors secteur revient au même qu'un taux minimum de 85 % de candidats du secteur. On peut donc appliquer la même méthode pour les deux types de taux, simplement avec 85 % pour le second au lieu de 20 %.

Certains ont dit que l'algorithme de Parcoursup était opaque. En ce qui nous concerne, nous avons publié le code source et l'algorithme, en cours de certification. Ceci ne concerne toutefois évidemment pas les méthodes de classement des candidats par les formations elles-mêmes, qui étaient en dehors de notre périmètre de travail.

Avec quelques collègues chercheurs en informatique, en économie et en mathématiques, nous avons formé un groupe de travail informel pour concevoir un algorithme qui gère également les internats des classes préparatoires de façon cohérente.

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