Intervention de Dominique Jamme

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 16h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Dominique Jamme, directeur général adjoint de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, merci d'avoir convié la CRE à participer à cette mission d'information sur les freins à la transition énergétique. Je précise que je suis accompagné par Mme Domitille Bonnefoi, qui est directrice des réseaux.

Comme vous le savez, la CRE est toujours à la disposition des députés et des sénateurs pour les éclairer dans le cadre de leurs travaux parlementaires. Cette mission sur les freins à la transition énergétique est essentielle. Si on veut réussir la transition énergétique de notre pays, il faut identifier les obstacles, mettre tous les éléments sur la table. Cela relève du bon sens. Nous sommes à l'heure des choix. Nous devons faire évoluer notre économie et notre société si nous souhaitons que les générations futures vivent dans un monde plus décarboné et plus propre.

Mais j'en viens au sujet qui nous réunit : le photovoltaïque et le solaire. Je commencerai par rappeler les missions de la CRE dans ce domaine.

La CRE évalue et calcule les charges de service public liées au soutien aux énergies renouvelables. Elle met en oeuvre des appels d'offres en énergies renouvelables qui sont déjà très nombreux, très fréquents, de grande ampleur, et dont la taille et le nombre vont augmenter dans les prochaines années. Par ailleurs, la CRE fixe les tarifs d'utilisation des réseaux, ce qui est important et règle les différends relatifs à l'accès aux réseaux qui peuvent éclater, par exemple entre les producteurs d'énergie et les gestionnaires de réseaux.

M. Reizine, de la DGEC, vient de parler du développement du photovoltaïque et de la mise en oeuvre de la politique énergétique. Je ne reviendrai pas dessus. Mes propos porteront plutôt sur ce que fait la CRE, s'agissant notamment du nouveau mode de production et de consommation qu'est l'autoconsommation. Quand on parle de photovoltaïque, on parle d'autoconsommation. Certes, on peut autoconsommer d'autres énergies que le photovoltaïque, mais le développement récent, anticipé et futur de l'autoconsommation se fera majoritairement avec du photovoltaïque.

Je traiterai donc de l'autoconsommation, puis du photovoltaïque lui-même.

Globalement, la CRE plaide pour une clarification des règles qui encadrent l'autoconsommation. Ce souci de clarification, qui profitera à tous, ne doit pas être interprété comme une réticence envers l'autoconsommation et son développement. L'autoconsommation est à la fois inéluctable et souhaitable. Pour autant, selon nous, il y a des précautions à prendre : d'abord, il faut assurer le financement des réseaux, et donc éviter que l'autoconsommation ne le mette en péril ; ensuite, il faut préserver l'équité territoriale, et donc la solidarité entre les différents territoires.

L'autoconsommation démarre vraiment avec l'ordonnance de 2016, ce qui est relativement récent. Cette ordonnance a notamment défini l'autoconsommation collective, qui permet à des consommateurs et des producteurs situés à proximité les uns des autres d'échanger de l'énergie au niveau local. On a ainsi pu mettre en place des projets qui, auparavant, ne pouvaient pas l'être. La conséquence en a été l'augmentation significative des autoconsommateurs, qui sont aujourd'hui plus de 30 000. C'est très peu, rapporté aux 37 millions de consommateurs d'électricité, mais c'est la dynamique qui importe : aujourd'hui, les trois quarts des demandes de raccordement de producteurs d'énergie photovoltaïque sont liées à l'autoconsommation. La CRE s'en réjouit, mais considère qu'il faut développer l'autoconsommation en synergie avec le système électrique, c'est-à-dire l'encourager là où elle présente de l'intérêt.

Nous nous sommes saisis de ces thématiques à partir de l'année 2017. Il faut dire que l'ordonnance avait demandé à la CRE de mettre en place un tarif de réseau spécifique pour l'autoconsommation. Celle-ci a procédé à une large concertation – tables rondes, auditions, consultations publiques, etc. – sur trois sujets : la simplification du cadre technique et contractuel appliqué aux autoconsommateurs afin de lever les freins non justifiés ; le tarif de réseau, dans la mesure où c'est sa mission principale ; des recommandations à l'adresse des pouvoirs publics sur des dispositifs de soutien équilibrés prenant en compte la diversité des situations et la maîtrise de la dépense publique.

Je ne vais pas entrer dans le détail des recommandations faites au niveau technique et contractuel. Je dirai seulement que l'on a demandé aux opérateurs de réseau de simplifier le système. En effet, la situation d'un autoconsommateur est délicate, puisqu'il est à la fois consommateur et producteur. Contrairement à un consommateur particulier, il est confronté à une double complexité, tarifaire et contractuelle.

Les opérateurs de réseau ont donc été invités à mettre en place un contrat unique pour les autoconsommateurs, ainsi qu'une plateforme dématérialisée et simplifiée par déclaration des installations, et à faire évoluer la réglementation technique de référence. Le travail est en cours. Cela peut paraître un peu compliqué, mais la vie des autoconsommateurs, en particulier des résidentiels, en sera facilitée.

J'en viens au tarif de réseau des autoconsommateurs. Je rappelle que les tarifs de réseaux doivent refléter les coûts générés par les différents utilisateurs des réseaux, et qu'ils doivent être non discriminatoires et incitatifs. Ces principes s'appliquent à toutes les consommations de manière générale, qu'elles soient individuelles ou collectives.

Comme le temps file, je vais passer rapidement à l'autoconsommation collective qui est le point sur laquelle la CRE a introduit une option tarifaire spéciale, fondée sur la distinction entre les flux locaux, c'est-à-dire ceux qui sont effectivement autoconsommés, et ceux qui ne le sont pas.

Retenez que notre objectif a été d'inciter les autoconsommateurs à autoconsommer. Si vous êtes en autoconsommation réelle, vous bénéficiez d'une réduction du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE). Si vous ne l'êtes pas, vous ne bénéficiez pas de cette réduction, mais vous pouvoir toujours conserver le TURPE « normal ». Donc, si vous n'arrivez pas à autoconsommer – cela peut arriver si vous consommez en soirée et que vos panneaux produisent pendant la journée – vous n'y perdez pas. L'idée est que pour bénéficier de ce tarif et réduire son coût de réseau, il ne suffit pas de se déclarer autoconsommateur, il faut effectivement autoconsommer, ce qui signifie, dans la pratique, consommer en même temps qu'on produit.

Restent les mécanismes de soutien à l'autoconsommation. La position de la CRE, ou plutôt l'une de ses recommandations, a pu être interprétée comme « anti-autoconsommation ». Il ne faut pas le voir ainsi. La commission a recommandé, on ne va pas s'en cacher, de restreindre l'exonération de contribution au service public de l'électricité (CSPE) aux petits consommateurs, par exemple résidentiels – et le seuil est à fixer. Mais il y a une vraie raison à cela : l'exonération de CSPE ne peut pas être garantie dans la durée.

Quand vous êtes une entreprise et que vous souhaitez accéder à une autoconsommation un peu industrielle, d'un niveau élevé, et donc investir des millions d'euros dans les panneaux photovoltaïques, il vous faut faire un business plan. Or vous pouvez compter sur l'exonération de taxe pendant un an, deux ans, trois ans, mais pas sur vingt ans.

Il me semble qu'il vaudrait mieux clarifier la situation en remplaçant, par exemple, cette exonération de taxe par un soutien direct qui serait garanti au moment de la prise de décision, que de laisser les entreprises faire des business plans marqués par l'incertitude. Rien ne dit en effet que demain, dans un an, dans trois ans, dans cinq ans, lorsque l'autoconsommation se développera de façon massive, les pouvoirs publics ne vont pas supprimer cette exonération de CSPE. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la recommandation de la CRE.

Je terminerai sur le dispositif de soutien au solaire photovoltaïque lui-même. La CRE, chaque fois qu'elle travaille sur un appel d'offres, fait des recommandations au Gouvernement en la matière. Nous ne sommes pas critiques, et nous considérons que ce dispositif fonctionne plutôt bien. Il y a des appels d'offres à partir de 100 kilowatts et, jusqu'à présent, nos recommandations ont été en général prises en compte par l'administration.

La seule chose que nous pourrions conseiller, c'est de faire en sorte que le rythme de développement des appels d'offres soit toujours cohérent avec la capacité industrielle à développer. Si on lance de très nombreux appels d'offres sans qu'il y ait une offre en face, la pression concurrentielle risque de baisser, les prix de remonter, et cela coûtera plus cher en charges de service public. Mais hormis cette recommandation générale, nous considérons que le soutien public au photovoltaïque est bien organisé.

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