Intervention de Daniel Lincot

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 16h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Daniel Lincot, directeur scientifique de l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France :

Je vous remercie pour votre invitation. Je suis directeur scientifique de l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France (IPVF), créé dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), en particulier dans le programme concernant les instituts pour la transition énergétique. Nous nous consacrons depuis 2013 au photovoltaïque. L'ADN de l'IPVF est de chercher à faire le lien entre la recherche fondamentale et les développements industriels, ainsi que d'accélérer le transfert de la recherche fondamentale vers l'industrie. Pour ce faire, nous avons créé une structure intéressante, en ce qu'elle réunit des acteurs académiques – le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l'École polytechnique –, de grands acteurs industriels – EDF, Total et Air Liquide –, ainsi que d'autres acteurs plus liés à la chaîne de valeur – Riber et Horiba Jobin Yvon.

Au niveau mondial, la conversion au photovoltaïque est en pleine accélération. Aussi, comment relâcher en France et en Europe ces freins qui sont lâchés au niveau international ? Nous sommes passés d'un coût de 359 dollars par mégawattheure en 2009, ce qui rendait inenvisageable un développement compétitif sans subvention, à un coût de 43 dollars du mégawattheure en 2018, selon Lazard, groupe de conseil financier et de gestion d'actifs. Les appels d'offres en France et en Allemagne commencent à être compétitifs, sans subventions. C'est un changement profond de paradigme, pour ne pas dire une révolution dans le domaine.

Cette évolution est destinée à se poursuivre, et probablement à s'accentuer encore. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) imagine 350 gigawatts installés par an en 2027, quand nous en étions à 100 gigawatts en 2017. Le marché est très important.

Quels sont les moteurs et les freins ? Les technologies sont matures depuis très longtemps – les satellites en sont la preuve. Du point de vue de la recherche, les progrès ont été constants. Ceux qui concernent les modules sont d'ailleurs impressionnants. L'élément majeur déclenchant a été la transition énergétique et le soutien volontariste des États suivis par l'opinion publique, en particulier au Japon, en Allemagne et en France, avec le Grenelle de l'environnement et la PPE. Nous nous demandons à l'IPVF comment rapprocher une recherche d'excellence du monde industriel, problème qui se pose dans tous les pays. Comment faire en sorte que les découvertes de la recherche amont se concrétisent dans l'industrie ? C'est pourquoi il est important d'associer des acteurs d'horizons différents en un même lieu.

Le contexte est extrêmement favorable à l'innovation technologique et scientifique. Les cellules photovoltaïques et les modules ont un énorme potentiel de croissance en matière de rendement. Si les technologies actuelles atteignent des rendements très intéressants, autour de 26 %, nous imaginons qu'elles pourront aller largement au-delà. L'IPVF s'est positionné sur les ruptures technologiques qui permettront de préparer et de construire l'industrie de demain. Lors de la COP21, en 2015, nous avons déposé une feuille de route baptisée « 30-30-30 », afin de parvenir en 2030 à 30 % de rendement pour les modules et 30 centimes de dollars ou d'euros par watt. Les études que nous avons menées montrent que deux ruptures seront nécessaires pour atteindre cet objectif. Il faudra une vraie rupture scientifique et technologique, les 30 % de rendement ne se trouvant pas sous le sabot d'un cheval. Qui plus est, fixer un montant de 30 centimes tout en augmentant le rendement, c'est définir un coût compatible avec un développement massif du photovoltaïque. Les représentants des grands instituts mondiaux dans le domaine ont soutenu notre intention.

Il faut également voir que le photovoltaïque s'étend et qu'il n'existe pas qu'un seul mainstream. Il se développe partout et de différentes façons, à l'image du photovoltaïque léger voire ultraléger, ou du photovoltaïque autonome. Le fait de maîtriser les technologies du moteur permet de diversifier les applications. Le travail de l'IPVF porte sur les technologies de rupture et les recherches fondamentales, mais consiste également à identifier les débouchés de ces technologies sur les marchés. Les grands industriels de l'énergie nous aident beaucoup à positionner les valeurs.

Nous voulons aussi développer, grâce à la technologie tandem, des cellules hybridées, des cellules multi-jonctions, qui pourraient offrir jusqu'à 42 % de rendement. Cette hybridation ne casse pas la dynamique de l'industrie actuelle, mais s'appuie bien dessus.

Enfin, je tiens à rappeler l'importance des collaborations internationales. La recherche tient une grande place dans le photovoltaïque. Elle doit faire partie intégrante de la chaîne de valeur. Il est très important de réunir des chercheurs d'excellence et d'être capables de fédérer et de susciter une attractivité sur le plan de la recherche, dans la mesure où une bonne partie des développements à venir seront basés sur des découvertes qui émergent dans les laboratoires aujourd'hui. La recherche, comme la transition énergétique, doit être internationale.

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