Intervention de Daniel Bour

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 16h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Daniel Bour, président d'Énerplan :

Je prendrai de nouveau l'exemple des panneaux, qui sont l'élément le plus symbolique. Nous nous attendions tous à ce qu'il n'y ait plus une seule usine en France. Or le fait est que de gros investissements sont en train d'être réalisés, et on nous annonce de nouveaux projets, dont certains sont considérables – je pense notamment à ceux d'une société détenue par EDF. Il faudra s'assurer qu'ils se concrétisent car ils sont très importants pour la filière. L'idée est de couvrir tout le processus de fabrication d'un panneau solaire, dès la première étape, que l'on appelle la production de « lingots » – à partir du silicium, on crée des lingots, et ce sont eux qui, après avoir été découpés, vont donner les cellules puis les panneaux.

Pour nous, il est très important que la visibilité aille au-delà de juin 2019, c'est-à-dire la date fixée pour la fin des appels d'offres CRE4. L'administration nous rassure en nous disant que la continuité sera garantie et qu'une prolongation interviendra dès le mois de décembre 2019. Beaucoup de sociétés, y compris à l'étranger, voient dans la France l'un des principaux vecteurs de l'accélération du photovoltaïque dans les années à venir. Le contexte global est donc favorable et, très clairement, la loi de transition énergétique a été un élément fondamental dans le développement des filières. Nous espérons aussi que la nouvelle PPE continuera à envoyer un signal favorable au secteur. Il ne nous reste qu'à entrer dans la deuxième phase, qui consiste à lever tous les obstacles.

Comme je le disais tout à l'heure en faisant le bilan des appels d'offres, ces derniers ont certainement répondu à un désir fort de diminuer les prix – ce qui s'est d'ailleurs fait de manière trop importante : quand on propose un volume très faible et qu'un grand nombre de projets sont en concurrence, il est sûr que ce sont ceux qui proposent les prix les plus bas qui l'emportent, ce qui fait beaucoup de dégâts. Ce mécanisme a provoqué un déséquilibre, notamment en ce qui concerne les toitures : les prix ont trop chuté, et je ne serais pas surpris que, dans les prochains appels d'offres, on retrouve un tarif un peu plus conforme aux prix de marché. Le fait que les prix soient trop bas a malheureusement conduit à éliminer un certain nombre d'entreprises. Le volume doit être ajusté pour permettre d'assurer une certaine harmonie. Nous insistons sur ce point : si nous avons de l'ambition en matière de solaire, il faut permettre à la filière de s'engager dans cette voie.

La recherche et les nouvelles technologies sont des éléments très importants. Daniel Lincot a parlé des nouveaux panneaux ; nous pensons que le domaine du stockage va devenir lui aussi fondamental avec le développement du photovoltaïque. Nous préconisons des appels d'offres spécifiques, permettant de voir ce qui se fait, notamment en matière de batteries. Au niveau international, le prix des batteries diminue très fortement – elles restent chères, mais les tarifs évoluent vite. Il existe des acteurs français dans le secteur ; ils sont puissants mais, comme le marché français n'est malheureusement pas très actif, le développement a surtout lieu en Allemagne ou encore en Italie, là où il y a de l'autoconsommation – car le stockage fonctionne très bien avec l'autoconsommation. Quand le démarrage aura lieu en France, il sera trop tard, et nous n'aurons pas l'outil industriel permettant de répondre aux besoins.

L'autoconsommation est un enjeu fondamental, y compris d'un point de vue industriel, parce qu'elle est liée au stockage. C'est le cas, par exemple, pour les véhicules électriques, qui possèdent une capacité de stockage : c'est une certaine manière d'utiliser l'électricité, que l'on accumule le jour et que l'on redistribue la nuit. Le lien entre autoconsommation et stockage est donc fort, même s'il n'a pas encore été vraiment formalisé. Cela doit constituer une piste de réflexion importante dans les années à venir.

S'agissant du permitting et des différentes commissions, le problème vient du fait que celles-ci se multiplient au fur et à mesure que vous, députés, votez de nouvelles lois – y compris, par exemple, sur l'eau et le littoral. Sachez que chaque nouvelle loi se traduit, pour nous, par la création d'une commission, donc par un souci supplémentaire. La question n'est pas de savoir si c'est justifié ou pas : je dis simplement que le problème, comme souvent en France, est celui du millefeuille qui se crée : on rajoute encore et encore, sans se préoccuper de ce qui existe déjà. In fine, ce sont les entreprises comme celles que je représente qui doivent faire face à une multitude de lois et de règlements, sans oublier la dimension interministérielle : tout cela est source de lenteurs.

Nous le disons très clairement : on ne peut pas « bricoler » en la matière. Il n'y a qu'une seule façon de faire, à mon avis : l'interministériel. Par ailleurs, on doit avoir pour objectif de délivrer les permis et de franchir les étapes indispensables en un an. C'est tout à fait possible, mais cela suppose de prendre une décision en ce sens. Il faut parvenir à établir une sorte de doctrine commune pour les services instructeurs. En effet, actuellement, il n'existe aucune égalité entre les territoires : dans certains départements, l'instruction d'un dossier peut être très rapide, quand elle est complètement bloquée dans d'autres. En l'absence d'une réelle doctrine, d'un protocole solide et potentiellement opposable, chaque service instructeur agit au gré de ses envies. C'est là un point important. Nous avons besoin du soutien de beaucoup de gens car l'interministériel est quelque chose de compliqué : il est difficile de faire en sorte que tout le monde se réunisse autour d'un objectif concernant un grand nombre de personnes.

En ce qui concerne l'obsolescence, madame Trisse, on estime la durée de vie des panneaux à quarante ans, ce qui est nettement supérieur à la durée prévue pour les contrats, dans le cadre des appels d'offres – en l'occurrence, vingt ans. Les panneaux d'une centrale solaire au sol dureront donc quarante ans ; pour ceux d'une toiture, les choses sont un peu différentes, car la toiture elle-même aura besoin d'une rénovation au bout de trente ou trente-cinq ans, ce qui supposera de nouveaux investissements.

S'agissant du recyclage, la demande actuelle est faible. Quoi qu'il en soit, l'éco-organisme PV Cycle est tout à fait en mesure de faire face. Il n'y a donc pas de problème de recyclage des panneaux. Beaucoup d'histoires ont été colportées sur le sujet. Peut-être y avait-il, pour les premières générations, des problèmes avec les colles utilisées, mais ce n'est plus du tout le cas : les panneaux se recyclent très bien.

Je rebondis sur les propos des représentants de l'UFC-Que choisir : les malfaçons sont un cheval de bataille pour nous aussi, car le problème concerne beaucoup de Français. Au début, lorsque l'engouement pour le solaire a commencé, il y a eu de nombreux abus : beaucoup d'installateurs n'étaient absolument pas formés, sans parler des margoulins qui ont profité du mouvement pour vendre des panneaux comme ils auraient vendu des tapis. Un travail important a été fait par la profession : la qualification Qualit'ENR a formalisé un certain nombre de règles que les professionnels doivent respecter. Je note d'ailleurs que, parmi les sociétés mises en cause par l'UFC-Que choisir, aucune n'avait cette qualification.

Cela dit, un effort doit être fait pour informer les consommateurs : ils doivent faire appel à de vrais professionnels ayant obtenu le label. Il convient aussi d'aller plus loin pour éviter que des margoulins ne vendent n'importe quoi. J'ajoute, à cet égard, que le fait de ne pas donner de cadre précis à l'autoconsommation est le meilleur moyen de voir se développer un secteur dans lequel certaines personnes promettront tout et n'importe quoi, installeront quelques panneaux dans un jardin, ou que sais-je encore, et diront aux gens : « C'est de l'autoconsommation, ne vous inquiétez pas, il n'y a besoin de rien de spécial. » Nous aurons alors de mauvaises surprises. Le photovoltaïque, c'est sérieux : il s'agit d'électricité, ce qui est potentiellement dangereux. Il faut établir des règles précises.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.