Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du jeudi 20 décembre 2018 à 15h00
Mesures d'urgence économiques et sociales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Les mesures que vous proposez ne répondent pas à l'urgence économique, sociale et environnementale, dès lors qu'aucune d'entre elles ne concerne les plus pauvres ou notre jeunesse, les grands oubliés de votre projet de loi.

Nous prenons acte de vos concessions pour soutenir le pouvoir d'achat des Français, lequel pourrait bien venir sauver ce qu'il reste d'une croissance largement entamée depuis dix-huit mois.

Rehausser le seuil d'application de la CSG applicable aux retraités est bienvenu, même si le seuil de 2 000 euros est par trop éloigné du prix moyen d'une maison de retraite.

Inciter, par des mesures fiscales et sociales, au versement d'une prime de fin d'année est bienvenu, même si, instruits de l'expérience de votre nouvel inspirateur, Nicolas Sarkozy, vous en connaissez toute l'iniquité et toutes les limites, en particulier pour les PME ; bien que vous en excluiez consciencieusement les fonctionnaires ; bien que les primes soient souvent distribuées à concurrence des salaires. Mais faut-il s'étonner de tout cela quand, depuis dix-huit mois, tout en martelant le slogan « il faut que le travail paie », vous avez essentiellement fait payer les grands-mères ? Au fond, vous faites le pari de la modération salariale – c'est ce que dit votre PLFSS.

Défiscaliser et désocialiser les heures supplémentaires pourrait également être bienvenu si cela ne se faisait pas au détriment de l'emploi qui patine et du chômage qui stagne – le rythme des créations d'emplois a été divisé par trois en 2018 par rapport à 2017 – et si nous ne savions pas déjà que cela risque de conduire à des destructions d'emplois massives, comme entre 2008 et 2011.

Augmenter la prime d'activité de 100 euros est encore bienvenu, même si, contrairement à l'annonce du Président de la République, un salarié au SMIC sur deux n'y aura pas droit pour des motifs prétendument de justice – argument dont vous conviendrez que, venant de votre part, il ne manque pas de piquant. Si l'on prétend vouloir que le travail paie pour tous, il faut aussi qu'il paie pour toutes. Or vous faites le choix de considérer le salaire des femmes dans un ménage comme un revenu d'appoint – une bien curieuse façon de servir la grande cause nationale de l'égalité entre les femmes et les hommes !

Mais restons un instant sur l'annonce du Président de la République, dont vous conviendrez que la mise en oeuvre fait naître un doute sur sa sincérité. D'abord, il ne s'agit pas de 100 euros, mais de 90 euros et peut-être même de moins encore, car le Gouvernement a prévu le gel des paramètres de revalorisation de la prime d'activité en fonction de l'inflation. Dans ce cas, il faudrait plutôt parler de 82 euros par mois pour une personne au SMIC en 2019, puis de 77 euros au 1er avril 2020, soit un quart de moins que ce qui est annoncé.

Vous pourriez dire que j'exagère, mais nous avons en tête la carabistouille d'octobre dernier lorsque vous prétendiez revaloriser la prime d'activité de 20 euros. C'était sans compter sur la révision du taux de cumul et sur l'augmentation du salaire net des salariés au SMIC avec la baisse des cotisations sociales. Pour les personnes concernées, l'augmentation n'était finalement pas de 20 euros, mais de 1 euros !

Concevez aussi que l'annonce de l'annulation du chèque énergie et du doublement de la prime à la conversion pour les gros rouleurs, puis l'annulation de l'annulation quelques heures plus tard ont pu faire naître chez nous des doutes, non seulement sur votre sincérité, mais peut-être aussi sur votre sérieux.

Madame la ministre des solidarités et de la santé, madame la ministre du travail, pourriez-vous enfin être claires sur ce que le Gouvernement va réellement faire, et pour quels Français ? Essayez d'être aussi claires sur ce que vous ferez que vous l'êtes sur ce que vous ne voulez pas faire !

Chacun a parfaitement compris le refus obstiné du Gouvernement de répondre à la demande de justice fiscale exprimée par les Françaises et les Français. Chacun a compris que les mesures de pouvoir d'achat auxquels vous consentez seront essentiellement financées par les Français eux-mêmes. Chacun a compris que vous mainteniez la suppression de l'ISF. Peut-être craignez-vous, après avoir été le Gouvernement des riches, de devenir, en supprimant la suppression de l'ISF, le Gouvernement de plus personne ?

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