Intervention de Antoine Durrleman

Réunion du mercredi 28 novembre 2018 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Antoine Durrleman, président de chambre à la Cour des comptes :

Je vous présente aujourd'hui le fruit du travail d'un peu moins d'une année de la Cour sur le soutien public au mécénat des entreprises. Vous nous avez demandé une appréciation d'ensemble sur le mécénat, les associations et les fondations bénéficiaires, sur le dispositif de soutien fiscal renforcé et la sécurisation du cadre d'intervention des entreprises dans leur action de mécénat, et ce depuis l'adoption de la loi du 1er août 2003.

Pour conduire cette enquête, nous avons constitué ce que nous appelons une formation interchambres. C'est ainsi que nous avons réuni des compétences des secteurs des finances publiques, du secteur culturel et du secteur social. J'ai ainsi auprès de moi non seulement le rapporteur général de la Cour, le président Roch-Olivier Maistre, mais également le rapporteur général de cette enquête, M. Philippe Dubosc, et le contre-rapporteur, M. Michel Clément.

L'enquête que vous nous avez demandée s'est intéressée à différents points. Je voudrais vous en présenter la synthèse, puisque le rapport vous a déjà été communiqué.

Le premier constat de la Cour porte sur la puissance du dispositif mis en place par la loi du 1er août 2003. Des dispositifs de soutien fiscal aux actions de mécénat des entreprises existaient déjà, mais celui mis en place par la loi du 1er août 2003 a véritablement changé la dimension de ce soutien public. D'abord, par l'importance de l'aide de l'État au mécénat des entreprises. Le dispositif mis en place se révèle, en effet, particulièrement avantageux par la nature du mécanisme fiscal. Depuis 2003, il s'agit d'une réduction directe des montants de l'impôt sur les sociétés (IS) à hauteur de 60 % des dépenses de mécénat consenties par les entreprises, alors que, jusque-là, les dépenses de mécénat des entreprises ne pouvaient être déduites que comme une charge, venant donc diminuer le bénéfice imposable. Un tel mécanisme fiscal de réduction directe de l'impôt sur les sociétés est une singularité française. Peu de pays l'ont adopté, la plupart des pays se contenteant d'une déduction de l'assiette fiscale.

Le deuxième levier fiscal du soutien public de l'État, qui donne sa puissance au dispositif, tient à l'importance du taux de déduction : 60 %. Ainsi, sur une dépense de mécénat de 100 euros, 60 euros sont pris en charge par l'État, sous forme d'une diminution des recettes publiques.

Le troisième levier réside dans la possibilité de reporter pendant cinq ans le bénéfice fiscal de la mesure si, d'aventure, la dépense de mécénat consentie ne peut s'amortir sur une seule année.

Enfin, ce dispositif fiscal particulièrement puissant s'applique à un champ diversifié. En France, le mécénat n'est possible que pour des causes d'intérêt général, mais ces causes d'intérêt général sont définies de manière extrêmement large, à la fois par leur objet et par la nature des organismes susceptibles de recevoir les apports de mécénat. Il serait sans doute excessif de dire que la France a mis en place une forme de mécénat universel dans la mesure où ces actions doivent recourir à une cause d'intérêt général et où il s'agit d'une action désintéressée, mais il n'en reste pas moins que le champ est particulièrement large.

Mis en place à partir du 1er août 2003, dans les faits à partir de janvier 2004, le dispositif a été très largement plus généreux à l'époque que celui qui existait partout ailleurs en Europe, et beaucoup plus que celui qui existe traditionnellement dans un pays comme les États-Unis.

Notre deuxième constat porte sur le caractère allégé des contrôles dont fait l'objet le dispositif. Le cadre d'intervention élargi des actions de mécénat, au bénéfice d'un système de fondations très diversifié, aboutit en effet à des contrôles de faible ampleur.

Ce dispositif puissant a produit les effets recherchés en comblant ce qui était ressenti comme un retard de la France par rapport à la situation d'un certain nombre de pays étrangers.

Il a permis, en premier lieu, la multiplication par plus de dix, en un peu moins de quinze ans, du nombre d'entreprises mécènes. En 2005, première année d'application complète du nouveau dispositif, 6 500 entreprises ont déclaré des actions de mécénat déductibles fiscalement. En 2017, ce sont environ 68 500 entreprises qui ont bénéficié d'une déduction fiscale à ce titre, le nombre d'entreprises mécènes ayant connu une multiplication légèrement supérieure à un décuplement. Cette action s'est également accompagnée d'un décuplement de la dépense fiscale correspondante. La première année, la dépense fiscale était de l'ordre de 90 millions d'euros ; pour 2017, derniers chiffres que nous connaissons et non encore définitifs, la dépense fiscale s'élève à 902 millions d'euros. Multipliée par dix en quinze ans, elle figure parmi les vingt-cinq dépenses fiscales les plus importantes.

De ce point de vue, la loi du 1er août 2003 a rempli ses objectifs, elle est devenue un instrument puissant de soutien à des causes d'intérêt général, en complément – parfois en substitution – des crédits publics qui peuvent leur être affectés.

Cette dépense importante s'est inscrite, malgré tout, dans un cadre qui a beaucoup évolué depuis quinze ans.

D'abord, les caractéristiques de l'intervention du mécénat sont, du point de vue sectoriel, assez différentes de celles qui prévalaient voilà quinze ans. Traditionnellement, depuis l'époque romaine, depuis l'empereur Auguste et Gaius Cilnius Maecenas, prince des poètes, ami d'Auguste, de Virgile, d'Horace et de quelques autres poètes, le mécénat était traditionnellement consacré à des causes culturelles. Depuis quinze ans, nous assistons à une diversification des causes auxquelles le mécénat apporte une contribution forte. À ce jour, selon les données dont nous disposons, le mécénat concerne d'abord le secteur social et, seulement en deuxième lieu, le secteur culturel. Viennent ensuite, plus détachés, les domaines du sport, de l'environnement, de la santé et de la recherche.

Au cours des dernières années, parmi les causes soutenues par le mécénat, nous avons assisté à la montée du secteur social. Que ce soit au moment où ont été ressenties les conséquences de la crise économique de 2007-2008 n'est sans doute pas indifférent. Dans le même temps, le secteur culturel reculait légèrement.

Le deuxième changement dans les modes d'intervention des entreprises tient à leur forme de plus en plus directe. Traditionnellement, les entreprises faisaient bénéficier de leur mécénat des institutions, associations ou fondations qui intervenaient directement ou qui redistribuaient les sommes qui leur étaient allouées. La part des institutions créées à l'initiative des entreprises elles-mêmes a progressé, et ce sous plusieurs formes. Premièrement, les fondations d'entreprise se sont considérablement développées au cours de la période, leur nombre étant multiplié par cinq ou six. En second lieu, le nombre des fondations dites « abritées », c'est-à-dire créées sans grande contrainte au sein de fondations reconnues d'utilité publique, a été multiplié par dix environ. Aujourd'hui, le quart des entreprises mécènes interviennent, sinon exclusivement, du moins principalement par le biais d'institutions qu'elles ont elles-mêmes créées, de telle façon que le lien entre le mécénat et l'action de l'entreprise est à la fois plus visible et plus direct.

A contribué incontestablement à ce mouvement une disposition de la loi de finances pour 2000, qui a permis aux fondations d'entreprise de comporter le nom de l'entreprise mécène. Le croisement de la générosité du dispositif fiscal et de cette disposition explique évidemment pour une large part la dynamique de ces modes d'intervention plus directs.

La dépense de mécénat des entreprises se révèle ainsi une dépense particulièrement dynamique, dont les modes d'intervention se sont diversifiés.

Première caractéristique de ces modes d'intervention, les entreprises mécènes se sont professionnalisées dans leur politique de mécénat. Elles ciblent davantage de causes, et intègrent davantage leurs actions de mécénat dans une stratégie globale d'entreprise, qui couvre deux volets : d'une part, la responsabilité sociétale de l'entreprise (RSE), ce qui pose la question d'un certain flou entre la notion de mécénat et celle de RSE ; d'autre part, l'image, la communication et les retombées médiatiques.

Dans le cadre de l'enquête que vous lui avez demandée, la Cour a contrôlé plus spécifiquement la Fondation Louis-Vuitton. Elle a pu constater, à cet égard, l'importance non seulement des dépenses de mécénat consenties pour la construction du bâtiment de Frank Gehry, mais également des dépenses de fonctionnement de ce lieu prestigieux. Elle a aussi observé la manière dont une fondation de ce type peut conjuguer la triple dimension de l'art, du luxe et de la mode, de façon à optimiser les retombées médiatiques.

Bien sûr, d'autres formes d'intervention existent. La Cour les a examinées, en s'attachant au contrôle spécifique de deux fondations : la Fondation du Patrimoine, soumise par la loi au contrôle de la Cour des comptes et qui fait appel, pour sa part, à un mécénat discret, essentiellement de proximité, par le biais de clubs territoriaux de mécènes qui viennent compléter des appels à souscription auprès des particuliers. Cette fondation est un exemple tout à fait intéressant d'un mécénat de petites et moyennes entreprises (PME), inscrites dans un territoire et soutenant dans la durée des projets d'importance locale.

La Cour a également contrôlé la Fondation Agir contre l'exclusion, reconnue d'utilité publique et créée à l'initiative d'entreprises. Elle a constaté l'importance du mécénat des entreprises, mais également le fait que ce mécénat des entreprises trouvait à s'exercer dans un cadre qui n'était pas sans interroger quant à la fragilité du fonctionnement de cette fondation. En particulier, la Cour a relevé que la Fondation Agir contre l'exclusion avait eu tendance à démultiplier les fondations abritées, ou fondations sous égide, afin de permettre à davantage de mécènes de la rejoindre, sans avoir véritablement structuré ni rendu suffisamment solide son cadre juridique, ce qui s'est avéré source de difficultés.

Le cadre d'intervention des entreprises s'est ainsi professionnalisé et diversifié. Il amène évidemment à s'interroger sur l'efficience de la dépense. Tel est en effet le troisième constat de la Cour : cette dépense dynamique, importante, est en réalité très mal connue, peu évaluée et quasiment jamais contrôlée. L'administration fiscale enregistre avec une certaine passivité, année après année, le montant des réductions consenties à ce titre, sans s'interroger, en particulier, sur les ressauts qui marquent la progression de la dépense.

La progression de la dépense, qui s'est traduite par un décuplement, n'est en effet pas linéaire, mais se fait par paliers. Le premier palier, d'environ 300 millions d'euros, a été atteint entre 2004 et 2008-2009 ; le deuxième, d'environ 600 millions d'euros, l'a été entre 2010-2011 et 2015. À compter de 2016, nous avons connu un nouveau palier, d'environ 900 millions d'euros, qui s'est confirmé en 2017. Cette progression en escalier n'a pas encore fait l'objet d'une analyse rétrospective. Il n'existe pas d'éléments clairs d'explication : seules quelques corrélations avec tel ou tel événement extérieur peuvent être faites.

Le ressaut de 2010-2011 peut s'expliquer par la sortie de crise et par l'importance donnée alors à l'action dans le secteur social. Quant au ressaut de 2016, il est possible qu'il soit lié, pour une part, aux nouvelles possibilités de dons alimentaires au bénéfice d'un certain nombre d'associations par des structures commerciales de dimension relativement plus faible qu'auparavant. Mais ce sont là des suppositions, étant donné que la dépense n'a pas été analysée rétrospectivement et n'a pas non plus été anticipée. D'abord parce que les estimations de la dépense fiscale figurant dans les documents budgétaires ont été le plus souvent démenties par les faits, ce qui démontre leur manque de fiabilité. Ensuite, parce que les changements de contexte et les changements fiscaux ne font pas l'objet d'analyses prospectives. En particulier, la trajectoire annoncée de baisse du taux de l'IS, qui doit être ramené de 33,33 % à 25 %, ne fait l'objet, au regard de cette dépense fiscale, d'absolument aucune analyse prospective, alors même qu'elle aura des conséquences sur la dépense. Il n'y a pas, en particulier, de tests de sensibilité de la dépense au taux de l'IS. Enfin, cette dépense est particulièrement mal analysée au regard de la structuration des entreprises mécènes, faute de suivi continu de la population des entreprises. Or, on note des évolutions contrastées entre grandes entreprises, PME et très petites entreprises (TPE).

Nous avons pu, et c'est l'un des apports de l'étude que nous vous livrons, demander des analyses ponctuelles à la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui montrent en particulier l'extrême concentration du mécénat, puisque les vingt-quatre plus grandes entreprises mécènes représentent à elles seules 44 % de la dépense de mécénat, et que l'ajout des douze suivantes ne fait monter ce pourcentage que jusqu'à 48 %. Il est d'autant plus regrettable qu'il n'existe pas de suivi d'une année sur l'autre de l'évolution de la population des entreprises mécènes.

Par ailleurs, l'administration n'a aucune connaissance des apports de ce mécénat aux différentes politiques publiques susceptibles d'être soutenues. Il n'est pas possible aujourd'hui, par exemple, d'apprécier l'apport du mécénat à la lutte contre l'exclusion ni à tel ou tel champ des activités culturelles, tout simplement parce que l'administration fiscale est aveugle. Elle connaît la dépense fiscale qui lui est présentée, mais elle ne connaît pas la destination ni l'objet de cette dépense fiscale, ni sectoriellement ni territorialement.

Enfin, et c'est peut-être plus grave encore, elle ne s'est pas donné les moyens de mesurer l'écart qui semble exister entre le nombre d'entreprises qui déclarent une réduction d'impôt sur les sociétés au titre du mécénat et celui des entreprises qui ont une activité de mécénat effective. La dépense fiscale de mécénat, de l'ordre de 900 millions d'euros, correspond en effet à une dépense des entreprises d'un milliard et demi d'euros, le « ticket modérateur » étant de 40 %, tandis que, selon certaines études effectuées notamment par l'association Admical ou la Fondation de France, la dépense réelle de mécénat dans notre pays se situerait entre 2,5 milliards et 3 milliards d'euros, c'est-à-dire le double de la dépense fiscalement constatée.

Cette dépense est donc mal connue, recouverte par un voile d'ignorance que nous avons cherché à lever, sans y parvenir totalement car les données dont nous disposions étaient d'une granularité insuffisante. Elle est, d'autre part, mal évaluée dans son efficience, et elle est, enfin, très peu contrôlée. Nous nous sommes penchés sur l'action de la DGFiP en matière de contrôle des dépenses de mécénat. Elle se résume, en l'absence de contrôles systématiques, à des contrôles connexes à d'autres contrôles. Les redressements sont donc extrêmement limités, mais ils existent et l'on a pu constater malgré tout, en 2016-2017, un léger progrès, mais il est vrai que le point de départ était peu consistant.

Ces différents éléments conduisent la Cour à considérer que le dispositif ne doit certainement pas être révolutionné mais être mieux encadré, et à continuer de faire siens les vers de Boileau dans les Satires, adressés à Louis XIV : « On doit tout espérer d'un monarque si juste, Mais sans un Mécénas à quoi sert un Auguste ? »

Telle est bien, en effet, la position de la Cour : le mécénat a sa légitimité, il induit un changement de vision important, en ce sens que l'État n'a plus le monopole de l'intérêt général ni du choix de la cause d'intérêt général. Le contribuable en retire une liberté de choix, celle de soutenir telle ou telle cause, mais ce cadre extrêmement libéral mérite sans doute d'être mieux piloté car, aujourd'hui, le mécénat est une sorte de boîte noire. D'un côté, l'administration fiscale, passive, enregistre une sorte de dépense de guichet ; de l'autre, on trouve des administrations, en particulier le ministère de la culture, dont la mission « mécénat » est active et qui nous ont paru faire un travail sérieux et précieux, mais d'autres ministères, pourtant importants, ne suivent absolument pas ces dossiers. Par exemple, le ministère de l'environnement a supprimé la mission « mécénat » qu'il avait créée. Le ministère des affaires sociales ne suit pas particulièrement cette dimension non plus.

Aujourd'hui, la dépense fiscale de mécénat est rattachée au programme 163 Jeunesse et vie associative, qui procède de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Cette direction n'a pas les moyens nécessaires et peine à piloter ne serait-ce qu'une réflexion sur cette dépense.

La Cour considère qu'il est nécessaire pour la puissance publique de se doter d'un pilotage interministériel. Elle évoque plusieurs solutions. L'une d'entre elles serait de retenir le Haut-Commissariat à l'économie sociale et solidaire et à l'innovation sociale, qui a été récemment mis en place en tant que structure interministérielle.

Le deuxième élément de réflexion de la Cour porte sur l'évolution de la dépense dans un cadre marqué, d'un côté, par la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés, et, de l'autre, par l'affirmation, dans le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE), de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises. Il nous semble que cette double évolution peut légitimement amener à réfléchir sur ce que pourrait être l'ajustement des paramètres du dispositif fiscal.

La Cour a étudié plusieurs scénarios, qu'elle développe : le retour à la situation d'avant 2003 sous la forme d'une simple exonération de l'assiette fiscale, qui paraît difficile ; la modulation du taux de réduction entre 60 %, 50 %, 40 %, qui peut avoir certains effets. Elle a également étudié le plafonnement de l'avantage fiscal avec, de ce point de vue, deux outils possibles. Le premier est l'outil existant, à savoir le plafonnement du don, actuellement très large puisqu'il s'élève à cinq pour mille du chiffre d'affaires hors taxes. On peut envisager un plafonnement en valeur, qui serait modulé en fonction chiffre d'affaires hors taxes ; pour les petites entreprises, il pourrait y avoir une sorte de franchise, fixée par exemple à 5 000 ou 10 000 euros, sur la dépense de mécénat. Le deuxième outil serait un dispositif où il ne s'agirait pas de plafonner la dépense de mécénat elle-même, qui demeurerait de la responsabilité de l'entreprise, mais l'avantage qu'elle en tire : au-delà d'un certain montant à définir, le taux de déduction serait moins important.

La Cour a également réfléchi à une différenciation du taux de déduction fiscale selon la nature des organismes bénéficiaires. C'était le dispositif qui préexistait à la loi du 1er août 2003 : les fondations et les associations reconnues d'utilité publique, ainsi que les musées de France, bénéficiaient de possibilités de mécénat élargies par rapport à d'autres bénéficiaires.

Nous avons exploré le plus complètement possible ces différents scénarios, dont vous trouverez dans le rapport un tableau récapitulatif, mesurant les incidences des éventuels ajustements.

La recommandation à laquelle la Cour est la plus attachée est la nécessité d'une particulière vigilance quant au principe de confiance et au principe de désintéressement, qui sont tous deux au fondement de l'intervention en mécénat. Intervenir en mécénat, c'est intervenir pour une cause désintéressée : on n'intervient pas pour son intérêt direct, mais pour une cause d'intérêt général, donc extérieure à l'entreprise. Le principe de confiance est tout aussi fondamental : les institutions bénéficiaires doivent être elles-mêmes transparentes, désintéressées et soumises à un cadre d'intervention contrôlable et vérifiable.

Les constats que nous avons dressés amènent à considérer que la prolifération des modes d'intervention et des structures, ainsi que la souplesse de plus en plus grande des modes de création de ces structures, peuvent engendrer certains risques au regard du principe de désintéressement, dont le rapport donne quelques exemples.

Ce qui, en l'espace de quinze ans, a changé dans le mécénat, ce n'est pas tant les déductions que la délimitation et la clarification des contreparties directes. Le fait que les contreparties puissent atteindre jusqu'à 25 % de l'apport repose sur de simples instructions fiscales, voire sur des lettres ministérielles. Le plafond est rarement atteint, mais lorsqu'il l'est, la contribution réelle de l'entreprise devient très réduite : avec 60 % de déduction au titre de l'IS et 25 % de contreparties directes, il reste à la charge de l'entreprise une quote-part de 15 % seulement. On se rapproche du système des trésors nationaux, pour lesquels la quote-part de l'entreprise est ramenée à 10 %. Le dispositif étant très généreux, les contreparties directes doivent être, selon nous, d'autant mieux précisées et encadrées, ce qui relève sans doute davantage de la loi que d'une simple lettre ministérielle.

Il nous semble également que la question des retombées indirectes, notamment médiatiques, doit susciter la vigilance, car elle amène à estomper la distinction entre mécénat et parrainage. Nous ne nous sommes pas introduits, car nous n'en avons pas la possibilité, dans la vie des entreprises pour déterminer comment s'opère le choix entre une action de mécénat et une action de parrainage. Il semble cependant que, dans un certain nombre de cas, ce choix puisse exister. La différence de fiscalité n'est pas telle qu'elle interdise une action de parrainage plutôt qu'une action de mécénat qui permette d'optimiser encore les retombées.

Cette question des retombées est d'autant plus essentielle que l'on peut se demander si le cadre nouveau promis à la RSE ne risque pas de remettre en cause, à terme, la légitimité du dispositif fiscal dérogatoire en faveur du mécénat. Le fait que les frontières tendent à devenir floues, que l'intérêt de l'entreprise se distingue moins nettement de la cause d'intérêt général, amène à suggérer une clarification des distinctions entre mécénat, RSE et parrainage.

La Cour, dans son rapport, suggère un certain nombre d'orientations et formule sept propositions afin d'avancer sur un chemin de crête, auquel elle a cherché à se tenir, à savoir reconnaître l'intérêt du mécénat et l'apport de la loi du 1er août 2003, tout en restant vigilants pour que les évolutions ne conduisent pas à remettre en cause ces acquis.

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