Intervention de Didier Migaud

Réunion du mercredi 12 décembre 2018 à 18h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, président du Conseil des prélèvements obligatoires :

Je vous remercie pour vos réactions, observations et questions.

Nous avons souhaité reprendre le champ du rapport de 2013, ce qui fait que nous ne nous sommes pas penchés sur les autres taxes affectées qui sont très nombreuses – il y a au total 350 taxes affectées, qui correspondent à près de 250 milliards d'euros de recettes. Peut-être les contestations qui s'expriment ici ou là sont-elles liées à l'incompréhension que suscitent certaines taxes dont on n'apprécie pas toujours l'utilité ou tout au moins l'efficacité. Cela rejoint d'ailleurs un sujet auquel vous êtes extrêmement sensibles et sur lequel vous avez commencé à prendre des initiatives : le besoin ressenti par les citoyens de pouvoir apprécier l'efficacité et l'efficience de l'action publique, ce que vous ne pouvez faire qu'au vu des résultats, donc de l'exécution du budget et de ses politiques publiques. Pour que les citoyens puissent comprendre le sens d'une imposition, encore faut-il qu'ils en comprennent bien l'utilité ; le problème n'est pas de savoir si la taxe est affectée ou non. On voit bien que le principe d'universalité reste un bon principe et qu'il n'est en rien contradictoire avec le principe de transparence et de recevabilité. Mais l'idée de rendre des comptes et d'apprécier les résultats à partir de l'exécution n'est pas totalement entrée dans la culture. D'où les initiatives qui peuvent être prises en ce sens.

Le rapporteur général de ce rapport du CPO s'est appuyé sur trois rapports particuliers que vous pouvez consulter : le premier rapport dresse un panorama de toutes les taxes affectées ; le deuxième évoque le cadre juridique de la fiscalité affectée et son évolution depuis un certain nombre d'années ; le troisième s'efforce de faire une analyse économique et financière de la fiscalité affectée. Enfin, le rapport de synthèse et le rapport du CPO engagent le CPO à travers non seulement ses constats, mais également ses recommandations.

Parallèlement, la Cour des comptes a travaillé également sur ce sujet. J'ai eu l'occasion d'adresser, au début du mois de décembre, un référé au Premier ministre sur les taxes à faible rendement – je devrais être en mesure de vous le communiquer au début du mois de janvier. Nous y formulons également un certain nombre de propositions sur quelques-unes de ces taxes à faible rendement.

On voit que le financement à travers les CVO peut susciter quelques interrogations et réserves, notamment du patronat, selon un raisonnement qui peut d'ailleurs s'entendre : les CVO présentent l'inconvénient de ne pas permettre de taxer les biens importés, contrairement à une taxe affectée. Mais ils peuvent constituer une bonne réponse pour le financement de certains organismes, comme les CTI.

L'association des termes « volontaire » et « obligatoire » peut paraître effectivement contradictoire. Le terme « volontaire » fait référence à un accord interprofessionnel par lequel les organisations professionnelles s'engagent de leur propre initiative à mettre en place une contribution ; le terme « obligatoire » rappelle que les dispositions de cet accord sont étendues généralement à tous les membres de la filière concernée qui ont dès lors l'obligation de s'en acquitter. L'arrêté de reconnaissance du ministre rend obligatoire la cotisation prélevée. Cela étant, il faut bien spécifier que les ressources qui en résultent ne sont pas à la disposition des pouvoirs publics, mais des organismes bénéficiaires.

Comme vous l'avez observé, les CVO présentent par ailleurs l'intérêt de n'être ni des prélèvements obligatoires, au sens de la comptabilité nationale, ni des impositions de toute nature, ce qui peut être utile en certaines circonstances.

Compte tenu de l'importance de ce sujet, je crois savoir qu'un groupe de travail a été constitué par le Premier ministre sur les avantages et les inconvénients des CVO, notamment pour les CTI. Je pense que ce groupe de travail rendra ses conclusions au début de l'année prochaine.

J'en viens aux propositions que nous faisons sur le plafonnement et l'écrêtement. Le plafonnement, même s'il ne concerne que certaines taxes, a eu quelques effets positifs sur la maîtrise des dépenses. Mais force est de reconnaître que ce sont les dépenses d'intervention et les dépenses d'investissement qui en ont souffert et que les dépenses de structure n'ont malheureusement pas toujours été aussi bien maîtrisées. C'est pour cette raison que nous avons relevé quelques insuffisances dans ce dispositif.

Il faut lire les propositions n° 6 et n° 7 du CPO de façon complémentaire. Il s'agit de remplacer le plafonnement et l'écrêtement par une diminution du taux dès lors que les recettes sont supérieures à l'exécution de la dépense pendant deux années consécutives ; sinon, nous proposons un système de régulation qui permet à l'État d'intervenir lorsqu'au cours de l'année, des rentrées exceptionnelles apportent du coup une recette elle-même exceptionnelle, auquel cas il doit être évidemment possible de la reprendre.

Nous faisons également des propositions pour améliorer la transparence et l'information du Parlement. Nous estimons que les bénéficiaires de ces taxes affectées doivent rendre des comptes – en la matière, vous avez fait état des observations des personnes qui peuvent contester les impositions – et que certes taxes affectées ont parfois été créées dans le seul but de contourner des principes budgétaires. Tout cela ne nous paraît pas non plus très raisonnable ni très conforme à ce que doit être justement la capacité d'intervention du Parlement en la matière. Aussi proposons-nous qu'un rapporteur spécial de la commission des finances soit désigné afin qu'il puisse disposer de toutes les informations nécessaires.

Telles sont les propositions fortes que nous faisons pour améliorer l'information du Parlement et mieux encadrer ces taxes affectées.

Notre rapport n'est absolument pas frileux : si nous avons quelque peu nuancé notre propos par rapport à la tonalité de celui de 2013, c'est parce que nous avons constaté que certaines dispositions, prises entre 2013 et aujourd'hui, sont plutôt allées dans le sens des recommandations que nous avions formulées. Au travers de quelques exemples étrangers que nous rappelons, on voit que certaines taxes affectées peuvent avoir du sens, à condition bien évidemment qu'on puisse renouveler et enrichir leurs outils de pilotage.

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