Intervention de Alain Berthéas

Réunion du mercredi 19 décembre 2018 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Alain Berthéas, président de la communauté Loire-Forez, membre du conseil d'administration de l'Assemblée des communautés de France (AdCF) :

Madame la présidente, mesdames et messieurs, 80 % de nos adhérents sont favorables à la création de cette agence, même si les présidents d'intercommunalité, notamment, attendent de connaître les principes qui seront mis en oeuvre avant de se prononcer définitivement. Car il est important qu'elle soit non pas une agence de plus, mais une entité qui rassemble différentes agences et décline le discours de l'État.

M. Pierre Jarlier l'a dit clairement, la représentation de l'État est aujourd'hui émiettée, éclatée dans différentes agences ; disposer d'une logique pour le développement d'un projet est devenu compliqué. Le besoin d'une agence unique existe donc bel et bien. Elle devra par ailleurs être, non pas un EPIC supplémentaire, mais une administration interministérielle – en gommant autant que faire se peut les aspects administratifs…

Il nous semble important que l'agence fonctionne comme un ensemblier, pour l'ensemble des programmes nationaux, de façon à réduire la pratique des appels à projets, extrêmement néfaste pour la réalité de nos territoires. Que nous soyons à même de changer le mode opératoire et de revenir à une contractualisation refondée nous permettrait de définir les objectifs et les moyens pour les atteindre ; en clair, nous devons être capables de fixer un cadre précis.

D'aucuns considèrent la contractualisation comme « ringarde », sous prétexte qu'elle existait déjà dans les années 1960 et 1970, et estiment que nous devons être plus innovants. Je ne vois pas pourquoi la contractualisation ne pourrait pas être innovante, dès lors que les élus locaux ont la capacité de fixer le cadre dans lequel ils souhaitent travailler et qu'une certaine forme de liberté est laissée aux territoires, notamment dans les réponses à apporter à leurs besoins.

L'AdCF a toujours considéré la Conférence nationale des territoires comme un outil permettant d'établir un diagnostic partagé. Or, à partir du moment où nous sommes capables d'établir un diagnostic partagé et d'élaborer la cartographie des besoins, il est possible de mettre en place une stratégie.

Il me semble, c'est en tout cas ce que j'ai ressenti à la lecture du rapport de M. Serge Morvan, que l'agence pourrait être construite comme un outil au service d'une stratégie territoriale qui rassemble, dans une logique globale, les volontés exprimées aujourd'hui de manière éclatée par les différents ministères.

M. Pierre Jarlier disait tout à l'heure : « un territoire, un projet, un contrat ». Nous le rejoignons, et lorsque je parle de « contractualisation refondée », je pense à des objectifs précis, car si nous parlons beaucoup de politiques publiques, nous oublions régulièrement la réalité du développement économique et de l'emploi.

Le nouveau dispositif d'accompagnement au service des territoires à dimension industrielle, « Territoires d'industrie », est un excellent exemple, puisqu'il s'agit clairement de définir un objectif et les moyens permettant de l'atteindre. C'est de cette façon qu'il conviendra de travailler au sein de l'agence, qui devra faire le lien entre l'État, recomposé au niveau territorial, les régions et les départements. La contractualisation, dans un tel cadre, n'est absolument pas « ringarde », au contraire : elle est positive et permet une vision prospective.

S'agissant de la gouvernance, plusieurs hypothèses ont été avancées. Une gouvernance simple est pour nous souhaitable. Dans son rapport, M. Serge Morvan formule deux propositions : d'une part, un conseil d'administration dans lequel les représentants des territoires et ceux de l'État – des différents ministères – seraient représentés ; d'autre part, un conseil d'administration dans lequel siégeraient uniquement les représentants des ministères, alors qu'une seconde structure regrouperait les élus locaux. La seconde hypothèse nous éloigne de la réactivité. Or le Président de la République souhaite une agence réactive, capable de répondre de manière précise sur un certain nombre de sujets. Un conseil d'administration regroupant les différentes parties prenantes sera donc certainement la solution la plus efficace.

Quelle sera la place de l'agence dans l'écosystème ? Aujourd'hui, je l'ai dit, le nombre de décideurs est si important qu'il nous est impossible d'être réactifs. Un élu portant un projet de territoire a affaire à cinq ou six interlocuteurs différents, et doit donc nécessairement constituer cinq ou six dossiers, sensiblement analogues mais présentés de manière différente, ce qui multiplie les risques d'erreurs. Je le répète, la nouvelle agence doit être un ensemblier.

Quelle devra être son organisation ? Un réseau d'acteurs hors les murs ? Une structure unique qui aurait les avantages, mais aussi les inconvénients d'une administration ? La question est posée. Et comment devrons-nous la décliner au niveau départemental et régional ? Si nous souhaitons une articulation des services de l'État recomposé, des régions et des départements, nous devrons être précis et simples dans la mise en oeuvre.

Par ailleurs, le rôle des préfets de région et de département devra être également précisé. La coordination me semble importante au niveau régional, avec l'établissement d'un budget. Nous rejoignons l'AMF également sur ce point. Nous avons besoin d'un budget précis, construit et lisible, car l'un des problèmes auxquels les territoires sont confrontés est le manque de lisibilité des politiques publiques, à la fois en matière budgétaire et pour la constitution des dossiers.

Les territoires ont tous un avenir, même si les élus l'expriment différemment. Un président de conseil métropolitain m'a dit un jour : « Si tous les territoires ont un avenir, certains n'ont pas de projet. » Si l'agence joue un rôle d'ensemblier, elle peut aussi jouer un rôle de soutien dans la construction des projets. Tous les territoires ne sont pas égaux dans la réalité de leur développement. Il me paraîtrait donc dommageable que l'agence ne travaille que dans un sens.

Nous parlons beaucoup des territoires ruraux en opposition à un certain nombre de communautés d'agglomération ou de métropoles. L'ANCT devra dépasser ces clivages. Nos territoires vivent les uns avec les autres et, d'une certaine manière, les uns pour les autres. Cependant, avec l'émiettement de l'État et la contractualisation tous azimuts, nous avons des difficultés de zonages. Selon que nous nous adressons à l'agence régionale de santé (ARS) ou à une autre agence, nous ne sommes pas sur les mêmes types de territoires et n'avons donc pas les mêmes logiques géographiques. Nous gagnerons à créer une agence pouvant recadrer tout cet ensemble et articuler, je le répète, les services de l'État, des régions et des départements – urbains et ruraux.

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