Intervention de Erwan Balanant

Séance en hémicycle du mardi 15 janvier 2019 à 15h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

Nous entamons aujourd'hui la nouvelle lecture d'un texte important pour la justice, après une CMP qui n'a pas abouti. Ce n'est pas tant à une transformation profonde qu'à une modernisation que nous procédons, modernisation que le groupe MODEM croit devoir mener.

Oui, la justice est au coeur de notre contrat social et démocratique. Elle est l'une des garantes de nos libertés individuelles comme de la paix sociale. Compte tenu du rôle primordial de la justice pour le fonctionnement de notre démocratie, il convient de lui assurer les meilleurs moyens et conditions de fonctionnement, et de la rendre à nouveau accessible à tous les citoyens.

Je ne reviendrai pas – nous sommes en nouvelle lecture – sur les origines et les explications des carences, nombreuses, de notre appareil judiciaire.

Elles s'expliquent par une pluralité de raisons – d'ordre budgétaire, bien sûr, mais aussi l'absence de modernisation progressive – qui nécessitent, aujourd'hui, un plan d'ampleur pour y remédier.

Quoi qu'en disent certaines professions, la consultation a été réelle et approfondie, et les moyens mis en oeuvre nombreux. Le groupe MODEM et apparentés souhaite saluer la méthode et les nombreuses consultations.

Notre groupe se félicite également de l'idée qui structure le projet de loi de rendre la justice plus proche, plus lisible et plus rapide. Cette idée se traduit notamment par les mesures permettant aux juges de recentrer leur office. Le développement des modes de règlement alternatifs des différends, la simplification des procédures et le recours accru à la dématérialisation donneront à tous les acteurs de la chaîne judiciaire les moyens d'optimiser leur travail. Les justiciables seront alors mieux informés et reliés aux juridictions. Ils constateront une accélération et une amélioration du traitement de leurs demandes.

Le projet de loi est porteur d'une véritable innovation : il propose une nouvelle échelle des sanctions pénales. Les formations de jugement seront ainsi en mesure de prononcer des travaux d'intérêt général, indépendamment de toute autre sanction. Elles pourront également aménager directement certaines peines d'emprisonnement ferme. Ces mesures permettront, nous l'espérons, d'instaurer de véritables sanctions personnalisées et alternatives à la prison. Elles constituent une avancée majeure en matière d'individualisation des peines.

Nous avons été élus pour réformer. Cela vaut pour la justice pour laquelle il nous faut rattraper le retard accumulé durant des années, voire des décennies d'inaction. Oui, la situation de la justice est alarmante. Face à celle-ci, nous prenons largement nos responsabilités dans ce texte.

Bien sûr, cette nouvelle lecture doit nous permettre de progresser encore sur certains points et de préserver des équilibres. C'est tout l'intérêt du travail parlementaire.

Nous vous proposerons un amendement à l'article 53 du projet de loi, relatif à la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance ainsi qu'à la possible spécialisation de certains tribunaux de grande instance.

Cet article suscite de nombreuses inquiétudes dans les territoires. Nous les entendons et nous tenons à rassurer nos concitoyens : cette disposition représente une vraie simplification du parcours judiciaire pour le justiciable. En outre, la spécialisation ne concernera que certains contentieux de petit nombre mais fort complexes. Assortie de ces garanties, cette mesure nous semble équilibrée et de nature à améliorer le fonctionnement de nos juridictions. Comme vous venez de le dire, madame la garde des sceaux, il n'y aura pas de fermeture de juridictions.

Nous comprenons la philosophie de votre texte tendant à mettre le justiciable au coeur de notre justice. Toutefois, afin de tenir compte des inquiétudes de certains professionnels, nous vous proposerons de prévoir la consultation des conseils de juridictions, lesquels incluent notamment les représentants du barreau et les élus locaux, lorsqu'une spécialisation est envisagée.

Pour terminer, je souhaiterais revenir sur les points, évoqués à plusieurs reprises, qui appellent notre vigilance.

S'agissant du recours à la visioconférence, nous restons convaincus que celui-ci n'est pas souhaitable, si la personne concernée n'y a pas consenti. La prolongation de la détention provisoire est une décision lourde de conséquences pour laquelle le recours à la visioconférence nous semble devoir rester l'exception.

Nous souhaitons que la composition pénale continue à s'appliquer aux seuls délits passibles de cinq ans de prison maximum. Son extension à l'ensemble des délits nous paraît fortement disproportionnée. En outre, elle aurait pour conséquence de confier la gestion de la délinquance au parquet, au détriment des juges du siège. Nous n'y sommes donc pas favorables.

Enfin, le groupe MODEM avait fait part de ses inquiétudes à propos de l'article 6 relatif à la déjudiciarisation expérimentale de la révision des pensions alimentaires. Il s'agit d'un sujet sensible qui touche un nombre important de nos concitoyens. Aujourd'hui, nous devons affronter la réalité : il faut souvent attendre plus de six mois pour qu'une décision soit rendue concernant l'évolution du montant d'une pension. Ces délais sont préjudiciables à la partie la plus faible. Nous comprenons l'intérêt de l'expérimentation, mais il nous semble nécessaire de sécuriser davantage le dispositif. C'est pourquoi nous vous proposerons deux amendements afin de préciser que le directeur de la CAF peut refuser de prendre une décision et renvoyer l'affaire au juge lorsque la situation est complexe et nécessite une évaluation plus fine.

Ainsi, vous l'aurez compris, hormis ces quelques réserves dont nous débattrons dans les jours qui viennent, le groupe MODEM soutient pleinement ce texte qui préfigure la justice de demain.

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