Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 15 janvier 2019 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Ces textes sont injustes car ils sont l'expression d'une justice de classe. De ce fait, ils servent un projet fondamentalement répressif. C'est par la force et la menace de l'usage de la force que les puissants se targuent d'assurer l'ordre, qui n'est en fait, pour eux, que le synonyme de la société inégalitaire qui fait profiter toujours les mêmes du labeur des autres. C'est une justice de classe, donc, car elle permet de protéger les intérêts d'une minorité, déjà privilégiée matériellement, qui s'appuie sur le système juridictionnel pour accroître son pouvoir. C'est une justice à deux vitesses, où le patrimoine détermine les chances de gagner un procès.

Ainsi, le projet de loi prévoit, dans son article 4, qu'il sera possible, dans un plus grand nombre de contentieux, de se dispenser de la représentation par un avocat et de se défendre soi-même ou avec l'assistance de personnes « exclusivement attachées à son service personnel ou à son entreprise ». Or pour qui est-il plus simple, dans un litige, de se défendre soi-même ou de solliciter les services de personnes attachées à son entreprise ? Est-ce plus facile pour un banquier ou un énarque, ou bien pour un employé à temps partiel ou une ouvrière agricole ? À qui cette prétendue simplification bénéficie-t-elle donc ? De même, à qui l'extension du champ de la médiation profite-t-il, sachant que la médiation coûte de l'argent et que vous n'accordez pas les moyens nécessaires à un véritable service public de la médiation, ouvert à tous ? Aux mêmes, toujours aux mêmes, à ceux et celles qui n'en ont pourtant pas tant besoin que cela.

Selon le Défenseur des droits, celles et ceux à qui le système actuel oppose des barrières entravant l'accès à leurs droits et qui éprouvent donc le plus de difficultés dans les démarches administratives sont principalement des jeunes, âgés de dix-huit à vingt-quatre ans, des agriculteurs, des personnes inactives, des ouvriers et des personnes parmi les moins diplômées. En outre, « plus la précarité est importante, plus les personnes concernées sont susceptibles d'être pénalisées par des démarches administratives à effectuer en ligne, voire de ne pas disposer de l'équipement matériel nécessaire pour le faire ». Les personnes précaires ont aussi moins accès à leurs droits car elles sont moins à même de conduire une procédure de recours de bout en bout pour les faire valoir ou les défendre, du fait des coûts, de la technicité, du caractère intimidant de l'appareil juridictionnel.

À ces problèmes réels, la majorité répond par un éloignement géographique encore plus grand des juridictions, avec la fusion des tribunaux d'instance et de grande instance, et une dématérialisation des démarches toujours plus inégalitaire. Vous renforcez ainsi les disparités au lieu de les diminuer.

La justice que vous instituez est à double tranchant. Vous défendez bec et ongles le transfert de compétences judiciaires à l'administration ou au privé, mais, en refusant de déjudiciariser le changement de la mention du sexe à l'état civil, vous déniez à nos concitoyens et concitoyennes le droit à l'autodétermination et rejetez donc le droit à l'égalité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.