Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 15 janvier 2019 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Cher collègue Ciotti, imaginons que l'on construise 20 000 places au moyen d'Algeco ou de toute autre marque de préfabriqués : vous conviendrez qu'une fois que vous y aurez mis 20 000 personnes, il faudra tout de même s'en occuper et il faudra les surveillants pénitentiaires correspondants. Or je ne sais pas comment vous ferez pour recruter le nombre de surveillants pénitentiaires nécessaires pour s'occuper de 20 000 détenus supplémentaires. Le truc ne marche pas à l'infini ! Je ne suis déjà pas sûr que le compte y soit avec les 7 000 places supplémentaires et les 2 300 recrutements qu'elles nécessiteront. Vous savez comme moi, en effet, que la profession de surveillant pénitentiaire est en crise et qu'aujourd'hui, de nombreux élèves abandonnent en cours de route, pendant l'année d'école ou l'année de stage. Les choses sont donc un peu plus compliquées que vous ne le dites. En outre, tout cela coûte cher.

Enfin, selon les différentes études qui existent sur cette question – et je vous recommande à cet égard les excellentes productions et les analyses de M. Didier Fassin – , il n'est pas vrai qu'une augmentation indéfinie des peines ou du nombre de places de prison produira un effet dissuasif qui aura des conséquences sur le niveau de délinquance. Il n'y a pas de relation entre les deux. Le niveau de délinquance a d'ailleurs baissé ces dernières années, alors que le nombre et la durée des incarcérations n'ont cessé d'augmenter. Il n'y a pas de relation scientifique entre les deux. Vous pouvez vouloir, politiquement, en créer une et créer un état d'esprit, une ambiance – je le comprends, et c'est votre droit – , mais cela n'a aucune espèce de réalité scientifique.

La bonne trajectoire à suivre est donc celle de la déflation carcérale et elle consisterait à ne pas construire ces 7 000 places de prison. Nous disposons en la matière d'une marge de progression liée notamment à la détention provisoire et aux personnes en état de récidive, par exemple, de conduite sous l'emprise de l'alcool. Pour ces personnes, en effet, la prison ne sert à rien, ne produit aucun effet positif et ne leur permet pas de sortir de leur problématique délictuelle.

Il nous faut donc regarder notre objectif, qui est celui de la prévention de la récidive. Or la meilleure prévention de la récidive consiste à allouer des moyens, non pas à la construction de nouvelles places de prison, mais à des alternatives à l'incarcération, à des prises en charge à l'extérieur et resserrées. Elle suppose de mettre le paquet sur le service pénitentiaire d'insertion et de probation et sur tout le tissu associatif, mais également sur le tissu médico-social public, qui permet de prendre en charge ces situations.

Voilà comment on fait pour diminuer le niveau de délinquance, de conflictualité et de violence dans le pays : ce n'est pas en construisant 20 000 places de prison supplémentaires.

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