Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du jeudi 17 janvier 2019 à 15h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Article 37

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Je suis un peu embêté au sujet des stupéfiants, car les amendements destinés à exprimer notre position ont été déclarés irrecevables en application de l'article 45 du règlement. En bref, nous sommes favorables à la légalisation du cannabis et à la dépénalisation des usages d'autres stupéfiants.

Monsieur le rapporteur, vous venez de dire que cette délinquance reste une délinquance. Non ! La délinquance n'est délinquance que parce que le législateur en décide ainsi. C'est lui qui dit ce qu'est un comportement délictuel, et ce qui ne l'est pas – ce que nous sommes en train de faire en votant la loi. Autrement, vous choisissez une posture morale qui consiste à désigner la délinquance comme s'il s'agissait d'une vérité révélée.

Dans les faits, on constate qu'en termes de santé publique, d'ordre public, de prévention ou de fiscalité – vous pouvez le prendre par le bout que vous voudrez – , notre politique répressive en matière de consommation de stupéfiants est une catastrophe si on la compare à celle des pays qui sont passés à des politiques de dépénalisation ambitieuse, comme le Portugal, ou même à des politiques de légalisation comme au Canada.

Nous ferions mieux de nous inspirer de ces exemples, d'autant que votre politique va produire des effets pervers. Aujourd'hui, en ville, en cas d'infraction sur la législation sur les stupéfiants, vous écopez en général, pour usage simple, d'un rappel à la loi ; demain, vous devrez payer 150 euros d'amende. Il y a bien un durcissement de la politique pénale, même si l'activité judiciaire diminue par ailleurs.

De surcroît, on le sait, l'activité policière en la matière ne concerne pas tout le territoire de façon indifférenciée, mais seulement certains quartiers, alors même que la consommation de produits stupéfiants est plutôt également répartie sur le territoire. Vous pouvez toujours essayer de m'expliquer que la police ira dans les beaux quartiers pour mettre une amende à ceux qui font usage de stupéfiants : cela n'arrivera pas ! Nous le savons tous. Dans les faits, vous augmentez une pression sociale et policière sur un public déterminé, ce qui ne constitue pas une bonne politique, en particulier en termes de rapprochement entre police et population.

J'ajoute, et c'est essentiel, qu'avec cette mesure, vous ne luttez pas contre le trafic. Aucun trafiquant ne cessera son activité parce que les consommateurs risquent 150 euros d'amende. Ceux qui se baladent à Marseille avec des kalachnikovs et des cagoules doivent bien rigoler. Vous seriez mieux inspirés de renforcer les services de police judiciaire, d'augmenter les rentrées fiscales et de mener de vraies politiques de santé publique en la matière.

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