Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mardi 15 janvier 2019 à 10h05
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Merci, monsieur le président. Je vais essayer de résumer ce volumineux rapport pour laisser le plus de place possible à nos échanges.

Avant cela, je voudrais adresser des remerciements très chaleureux aux administrateurs dont le travail a été important et exemplaire.

Je voudrais vous remercier vous aussi, mesdames et messieurs les députés, pour avoir été assidus à ces nombreuses réunions et pour avoir enrichi le débat, dans un délai contraint de deux mois et à un moment où d'autres textes importants étaient en débat dans l'hémicycle et dans les différentes commissions. Vous avez su trouver le moyen de maintenir votre participation à nos travaux. Je voudrais remercier toutes les personnes auditionnées, même si elles ne sont pas présentes. Nous leur transmettrons nos chaleureux remerciements en même temps que le rapport parce que c'est grâce à elles que nous avons pu avoir un débat aussi riche et précis.

Enfin, last but not least, j'adresse un immense remerciement à notre président, M. Xavier Breton. Cela a été un privilège et un plaisir de travailler sous sa présidence. En dépit de légitimes différences de point de vue, nous ne nous sommes jamais départis d'une grande courtoisie, d'une grande compréhension et d'une ouverture d'esprit. Sans se dire d'emblée que celui qui a une opinion différente se trompe, il faut d'abord essayer de comprendre le cheminement de sa pensée et ce qui le conduit à défendre son point de vue. L'exercice a été extrêmement fructueux. J'ai l'impression que nous avons tous évolué depuis le début de cette mission. Je remercie le président d'en avoir demandé la création. Mes idées ont évolué, les aspérités se sont gommées, ma compréhension des différents points de vue – y compris de ceux qui sont les plus éloignés des miens – est meilleure. À cet égard, la mission a rempli son office.

L'exercice est difficile parce que nous devons avancer, pressés par la demande de nos concitoyens qui observent les évolutions médicales et scientifiques dans les autres pays. Il faut les entendre mais ne pas tout accorder, car certaines choses mettraient en péril nos valeurs fondamentales. Nous constatons tous que la voie est étroite entre la frilosité excessive et la témérité. Il existe néanmoins plusieurs réponses possibles dans le cadre de cette éthique du juste milieu. Aux débuts de la bioéthique, lors de l'adoption du code de Nuremberg, il fallait trier entre le bien et le mal. À l'époque, les expérimentations sur des humains, contre leur gré, représentaient le mal. Les horreurs perpétrées par les médecins nazis étaient le mal. À présent, pour la majorité des questions que nous nous posons, il s'agit de choisir entre plusieurs représentations du bien. Si nous en sommes convaincus, nous parviendrons à comprendre que chacun d'entre nous, ici, est animé de la même volonté de faire prévaloir une vision du bien.

Prenons l'exemple le plus emblématique : l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules ou homosexuelles. D'aucuns trouvent injuste que la PMA ne soit accessible qu'aux seuls couples hétérosexuels. Les femmes homosexuelles ont le droit de se marier et d'adopter, c'est-à-dire d'élever des enfants. Pourquoi n'auraient-elles pas le droit de faire des enfants pour les élever ? Pour une question d'égalité, certains estiment donc qu'il faudrait étendre le droit d'accès à la PMA. C'est un point de vue, une vision du bien. Même si c'est aussi mon point de vue, je comprends que d'autres ne le partagent pas et considèrent que cela reviendrait à organiser des naissances d'enfants volontairement dépourvus de père. Est-ce que cela va engendrer des conséquences ? La question est légitime ; c'est une vision du bien. Même si les nombreuses études montrent toutes que les conséquences ne sont pas redoutables, je peux comprendre que chacun ait sa propre idée du bien. Nos débats servent déjà à nous comprendre mutuellement. Il faudra ensuite choisir mais permettez-moi de redire à quel point je suis tout à fait respectueux des autres points de vue. Une fois encore, je remercie le président d'avoir eu cette même attitude de compréhension et de respect.

J'en viens au contenu de ce rapport de 300 pages, qui a été élaboré en guère plus de deux mois, au terme de soixante-quatre réunions représentant quatre-vingt-dix heures d'auditions – plus de 150 personnes ont été reçues – sans compter les nombreuses contributions écrites. Il en résulte soixante propositions. Il reviendra au Gouvernement – et plus particulièrement à la ministre des solidarités et de la santé, à la ministre de la justice et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation – de décider du texte qui nous sera soumis dans quelques mois. Ces propositions sont le fruit de notre réflexion mais, comme l'a dit notre président, elles ne reflètent pas les positions de tous les membres de notre mission. C'est ce que j'ai essayé de présenter en tant que rapporteur.

Treize propositions ont trait à la procréation, un sujet dont l'importance a conduit certains médias à réduire tout le projet de révision à ce seul thème. Malgré son importance, ce sujet est loin d'être l'alpha et l'oméga de la bioéthique et il ne donne lieu qu'à treize propositions sur soixante. Le rapport préconise d'ouvrir l'assistance médicale à la procréation (AMP), y compris post mortem, aux couples de femmes et aux femmes seules. Il est donc proposé de lever l'interdiction de la procréation post mortem, qu'il s'agisse d'insémination ou de transfert d'embryon.

L'une des propositions vise à permettre aux personnes conçues à partir d'un don de gamètes ou d'embryon – c'est-à-dire à chaque fois qu'il y a un tiers donneur – d'accéder à leurs origines. À ces personnes, il faut ajouter celles dont la mère a accouché sous X. Il est proposé de faire évoluer notre droit dans tous ces cas. La ministre de la justice aura à définir les conditions de filiation. Dans nos réflexions, nous avons été animés par l'intérêt prioritaire de l'enfant qui prime sur les autres considérations telles que le maintien du secret ou la préservation de la connaissance sur l'infertilité de l'un ou l'autre des parents.

Tous les enfants nés avec un tiers donneur doivent avoir les mêmes droits, les mêmes conditions de filiation et d'accès au droit. Il ne doit pas y avoir de différences, que les enfants soient nés dans un couple homosexuel ou hétérosexuel. Il est même proposé d'étendre ces mesures aux enfants nés de GPA à l'étranger pour qu'il n'y ait pas de discrimination envers des enfants qui n'ont pas choisi leur mode de procréation. Ces enfants n'ont pas à être pris en otage par ceux qui voudraient pénaliser les parents d'avoir choisi une pratique interdite en France mais autorisée à l'étranger. Dans ces conditions, ils auraient accès à la transposition en France des conditions de filiation reconnues à l'étranger. Les parents d'intention deviendraient directement les parents sans qu'il y ait de risque pour les enfants.

Il est préconisé d'accompagner ces mesures d'un plan de lutte contre l'infertilité, qui progresse chez les femmes et encore plus chez les hommes pour des raisons environnementales et autres. Elle progresse aussi par méconnaissance de l'horloge biologique qui est très sévère avec les femmes. Il y a une injustice biologique. Les femmes ont l'avantage de vivre plus longtemps que les hommes mais l'inconvénient d'avoir une période de fertilité plus courte que la leur. C'est ainsi. Les jeunes femmes doivent en avoir conscience mais les jeunes hommes aussi car, bien souvent, ils sont la cause du retard de la première naissance. Il arrive que les hommes mûrissent moins vite que les femmes. Quoi qu'il en soit, les uns et les autres doivent comprendre que le moment optimal pour créer une famille, c'est tôt. La fertilité de la femme est précoce. Bien sûr, certaines femmes n'ont toujours pas trouvé leur prince charmant à plus de trente ans.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.