Intervention de Charles de Courson

Réunion du mardi 15 janvier 2019 à 10h05
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Le rapporteur a dit que la grande question consiste à savoir où est le bien et au nom de quoi on est pour telle ou telle mesure. Dans la plupart de vos propositions, je pense que vous avez plutôt privilégié l'intérêt de l'enfant, comme vous l'avez indiqué, mais pas systématiquement, me semble-t-il.

En ce qui concerne la première partie, intitulée « Procréation et société », il y a un volet que l'on n'a pas assez approfondi : c'est le statut des donneurs de gamètes, qui est un point important. Si l'on suit vos propositions, y aura-t-il une augmentation ou une baisse des dons avec la levée de l'anonymat ? On m'a expliqué que c'est plutôt une hausse qui se produira, alors que beaucoup de gens pensent le contraire. Je suis favorable à la proposition que vous faites, mais cela pose quand même un problème : celui de savoir comment l'enfant découvre qu'il est issu d'une PMA. Certains parents le disent, d'autres non. C'est aussi un sujet sur lequel il faut travailler, à mon avis.

Je suis personnellement hostile à l'AMP pour les couples de femmes et les femmes seules, au nom de l'intérêt de l'enfant, mais l'existence de législations absolument pas coordonnées en Europe et au plan mondial fait que l'on peut adopter les lois qu'on veut en France mais que cela ne change pas les comportements. Il faudrait réfléchir à la limite que connaît le législateur dans ces domaines : les règles que nous établissons ont-elles encore une portée, ou bien essaie-t-on seulement de limiter un peu les choses, en sachant très bien ce qui se passera ? Je crois être le plus vieux dans cette salle, non par l'âge mais sur le plan de la durée des mandats : j'ai connu toutes les lois de bioéthique, et je suis frappé par leur grande évolution. Même si l'on freine en droit français, qui est resté un peu atypique par rapport au droit anglo-saxon, on se dirige en fait vers le même schéma.

Nous n'avons pas non plus approfondi la question des embryons surnuméraires, qui a fait l'objet d'un très grand débat. La situation est très bizarre, car nous avons voulu établir un non-statut en renvoyant la question à plus tard. Or ce que vous nous proposez ne tranche pas vraiment…

La deuxième partie du rapport concerne une question très délicate – j'ai connu des cas. Certains disent qu'il ne faut pas attendre trop longtemps pour réduire les variations du développement sexuel. Mais associer l'enfant est très difficile si des interventions ont lieu assez tôt. Peut-on attendre qu'il ait 14 ou 15 ans, ou faut-il intervenir plus rapidement ?

En ce qui concerne les recherches impliquant l'embryon, je trouve que le rapporteur est trop libéral. On voit la pression qui existe pour « libérer la science ». Des scientifiques nous disent : « Laissez-nous définir nous-mêmes nos critères ; pourquoi le législateur intervient-il ? » J'ai toujours une crainte, ou plutôt une certitude, car j'ai des amis qui travaillent dans ces domaines : la tentation de manipuler des embryons existe. Autant je vous suivrai assez largement en ce qui concerne les cellules souches, autant je trouve que la question du statut juridique se pose à propos de l'embryon, une fois de plus. Vous n'abordez pas trop cette question de fond.

S'agissant de la médecine génomique et des tests génétiques, j'ai dit tout à l'heure à ma voisine que vos propositions ne sont pas très romantiques. (Sourires.) Je m'explique : le risque de dérive serait de n'accepter des relations qu'après avoir pris connaissance de la carte génomique de l'autre, même si je caricature un peu. Est-ce le « meilleur des mondes » ou au contraire un monde cauchemardesque ? Vous avez posé la question de l'endroit où il faut mettre le curseur, entre un libéralisme absolu d'un côté et une interdiction absolue de l'autre.

Quant au don des éléments et des produits du corps humain, je suis assez d'accord avec vos propositions. Faisons simplement attention à respecter la liberté de chaque être, à laquelle j'ai toujours été très attaché : on ne doit pas faire des prélèvements sur des personnes qui ne l'ont pas explicitement accepté préalablement à leur mort, à moins que la famille ne soit d'accord. On peut rétorquer que cela réduit les prélèvements, mais dans ce cas il faut faire évoluer les esprits en expliquant bien que chacun d'entre nous peut donner, à sa mort, une partie de son corps s'il est encore en état.

La partie relative à l'intelligence artificielle est intéressante, mais je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin sur le plan de l'autorisation préalable. Tous les systèmes informatiques que l'on présente comme inviolables sont violés. Si l'on ne pose pas le principe que l'on ne doit pas exploiter des données de santé sans une autorisation préalable, on ira vers des catastrophes dans ce domaine, comme dans d'autres, d'ailleurs.

À propos du dernier volet du projet de rapport, je ne sais pas s'il faut que l'on descende à cinq ans en ce qui concerne la révision de la loi de bioéthique. La technique évolue très vite, c'est vrai, mais on a quand même besoin d'un peu de stabilité juridique. Si l'on change certaines règles tous les cinq ans, elles seront à peine comprises qu'elles bougeront déjà. Je serais donc pour une durée de dix ans, ou comprise entre dix et cinq ans. J'ajoute que l'espérance de vie d'un député est d'un mandat et demi.

Pardonnez-moi si j'ai été un peu long.

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