Intervention de Jean Terlier

Séance en hémicycle du mercredi 23 janvier 2019 à 15h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Terlier :

Mais, au moment de nous prononcer sur la justice que nous voulons demain pour nos concitoyens et sur les moyens dont nous voulons la doter, je veux une fois encore insister sur la coconstruction de ce projet. Oui, mes chers collègues, ces textes que nous allons voter sont bel et bien l'aboutissement de nos concertations. Nos débats, vos amendements et les nôtres ont enrichi les textes et les ont parfois même infléchis.

Sans dresser une énumération à la Prévert, nous pouvons relever quelques améliorations apportées au projet initial à la suite de nos échanges avec les acteurs de terrain.

Ainsi, s'agissant du règlement amiable dématérialisé, nous avons apporté les garanties d'une définition stricte du périmètre du droit, et exprimé clairement que la conciliation ou la médiation ne peuvent résulter exclusivement d'un traitement automatisé.

En ce qui concerne la portée et le champ de compétence du directeur de la caisse d'allocations familiales – CAF – , nous avons supprimé toute équivoque : les CAF ne disposent d'aucun pouvoir d'appréciation de la situation ; elles sont tenues par les évolutions constatées des ressources, justifiant ou non une révision du montant de la pension alimentaire. Les dossiers les plus complexes restent de la compétence du juge.

En ce qui concerne les injonctions de payer, nos travaux ont contribué à simplifier la procédure ; désormais, les oppositions à injonction de payer, qu'elles portent sur le fond ou sur les délais de paiement, feront l'objet d'un débat contradictoire devant le tribunal territorialement compétent.

En matière de divorce également, notre choix de la réduction à un an du délai nécessaire pour caractériser la rupture du lien conjugal et de son appréciation à la date de la demande de divorce ou du prononcé du divorce représente une mesure de bon sens sociétal.

Le volet pénal a lui aussi été amendé en tenant compte des recommandations de ceux qui sont au plus près du terrain. Ainsi, s'agissant de la composition pénale, nous avons décidé de maintenir l'actuelle limitation de son champ d'application aux délits punis d'une peine d'emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Pour ce qui est des plaintes, les dispositions adoptées donnent aux plaignants la possibilité de saisir le juge d'instruction trois mois après la plainte initiale, tout en permettant au procureur de demander au juge d'instruction trois mois supplémentaires pour mener à bien ses investigations.

En matière d'organisation territoriale, les débats en séance ont consacré – oui ! – la fusion des greffes du tribunal judiciaire et du conseil des prud'hommes, mais il s'agit uniquement d'une fusion administrative des hiérarchies et non des services : l'existence d'un service de greffe des prud'hommes est donc actée dans la loi.

Contrairement à ce que beaucoup essaient de faire accroire, le projet de loi ne se résume pas à une volonté de déjudiciarisation sous couvert de contrainte budgétaire – la justice voit d'ailleurs son budget augmenter, comme vous l'avez rappelé à de multiples reprises, madame la ministre. Il simplifie bel et bien les procédures, et replace le citoyen au coeur du système. Au civil, il introduit par exemple l'acceptation du principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats ; au pénal, l'harmonisation des procédures en matière d'investigation, qui permet aux magistrats de se mobiliser avec plus de réactivité.

Cette réforme modernise et adapte la justice à la société qu'elle doit protéger, et la rend accessible pour tous, notamment grâce à la plainte en ligne et au suivi du dossier en ligne, qui, ajoutés aux autres moyens déjà existants dans les domaines pénal et civil, facilitent pour le justiciable l'acte d'ester. Cette réforme est enfin pragmatique : elle permettra de redonner du temps à nos magistrats et à nos enquêteurs pour l'accomplissement de leurs missions premières ; elle prévoit des sanctions pénales plus efficaces et individualisées ; en matière civile, une conciliation étant souvent préférable à un mauvais procès, elle érige les réponses amiables en préalable indispensable pour tous les litiges du quotidien.

La rédaction de l'article 53 est sans ambiguïté quant à la nécessité de rationaliser nos juridictions sans en supprimer aucune. Ainsi, la spécialisation des tribunaux judiciaires que devront réaliser les chefs de cour d'appel ne se fera qu'après consultation des conseils de juridiction des tribunaux concernés, et prendra en compte le volume des affaires traitées et la technicité des matières. Notre justice entre donc dans son siècle tout en maintenant toutes les garanties et libertés individuelles, ainsi que les droits de la défense. À nos concitoyens les moins familiers des technologies nouvelles, le projet donne l'assurance d'un maintien d'un guichet d'accueil physique dans chaque lieu de justice. Il réaffirme la possibilité de l'exercice du recours par des voies traditionnelles et rassure sur la présence, dans chaque lieu de justice, d'un juge compétent pour connaître du litige : le juge de proximité pour les litiges du quotidien, un juge plus spécialisé pour des contentieux plus complexes. Les lieux de justice seront maintenus : vous n'avez cessé, madame la ministre, de rappeler cet engagement ferme, et nous vous assurons de notre confiance.

Pour conclure, Voltaire écrivait qu'un jugement trop prompt est souvent sans justice. Nous sommes persuadés qu'avant d'être jugés et condamnés, ces textes méritent d'être mis à l'épreuve de la pratique et de l'expérimentation, et ne doutons pas de l'issue de cette épreuve probatoire. Le groupe La République en marche votera donc cet ambitieux projet de réforme.

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