Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mercredi 23 janvier 2019 à 15h00
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

J'interviens au nom du groupe Socialistes et apparentés. « La justice doit être un objet de débat, non de combat », disiez-vous, madame la ministre. Nous défendons nous aussi l'importance de la délibération parlementaire. C'est pourquoi j'ai abordé ce texte sans prévention, avec le désir d'une vraie coopération et la volonté d'accueillir les bonnes propositions et d'écarter celles qui nous semblaient ne pas aller sur le bon chemin. C'est précisément cet attachement à la délibération parlementaire qui nous a fait contester de manière aussi forte, sur tous les bancs, l'amendement visant à habiliter le Gouvernement à légiférer sur la justice des mineurs. C'est toujours cet attachement à la délibération parlementaire qui nous fait regretter aujourd'hui un projet de loi modifié à la marge seulement, dans lequel les oppositions n'ont pas pu introduire bien des propositions pourtant sensées.

Sans énumérer toutes les réserves que nous inspire ces textes, je ferai six observations de fond. Pour commencer, nous sommes favorables au dossier et au guichet uniques, et pourquoi pas au tribunal judiciaire. Mais pourquoi, madame la ministre, n'avez-vous pas accepté d'inscrire dans la loi les garanties que nous demandions ? Sans elles, la spécialisation des tribunaux et la remise en cause de l'ancrage des lieux de justice actuels amènent une réorganisation judiciaire qui désormais pourra se faire loin de nous, parlementaires, mais aussi peut-être loin de vous.

Nous sommes également très favorables à la dématérialisation et à la révolution numérique, et nous savons qu'elle modifiera profondément les services publics et que la notion même de proximité devra être revue. Mais la France de 2019 est une France fracturée sur le plan numérique : la précarité existe, et le justiciable doit être accompagné. Nous nous étonnons qu'aucune réglementation ou disposition législative ne permette – quand même ! – d'encadrer des plateformes numériques qui vont pouvoir dire le droit à ceux qui s'adressent à elles. Vous nous en avez donné les raisons ; nous ne sommes pas convaincus. Nous considérons que l'État, qui doit être le veilleur de nuit d'un service régalien, ne peut abandonner aux marchands du droit et du numérique ce vaste champ de la justice hors les murs, hors les juges.

Troisièmement, nous considérons que le juge ne doit pas se décharger sur d'autres de ses tâches : c'est son honneur et c'est son devoir. Il ne le demande d'ailleurs pas ! Confier à une caisse d'allocations familiales la révision d'une pension alimentaire alors même qu'un désaccord existe entre les parties prive le juge de sa mission de trancher un litige. Ce n'est pas parce que c'est une expérimentation qu'il nous faut déroger à ce principe fondamental.

Quatrièmement, nous ne discutons pas l'extension, utile, des pouvoirs d'enquête. Mais comment peut-on l'effectuer au détriment des libertés individuelles ? C'est ce que dit le Défenseur des droits, de même que les référents des chantiers de la justice que vous avez choisis en raison de leurs compétences. Ils vous recommandent d'harmoniser le seuil à cinq ans, et non trois. Là encore, vous n'avez entendu ni les parlementaires, ni le Défenseur des droits, ni les référents, ni les professionnels. Enfin, la suppression certes partielle des jurys d'assises nous semble venir à contresens d'un moment où le renforcement des liens entre la population et les institutions est réclamé jusque sur les ronds-points.

Le projet de loi élude également certaines questions fondamentales. Il aurait notamment fallu répondre aux attentes légitimes des Français, dont 95 % estiment que la justice est trop lente et pas efficace, en réglant la question des délais de jugement – il n'y a aucune disposition sur ce point. Et au-delà, aucune disposition ne facilite non plus l'exécution des jugements.

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