Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du mercredi 23 janvier 2019 à 15h00
Office français de la biodiversité - application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Présentation commune

François de Rugy, ministre d'état, ministre de la transition écologique et solidaire :

Nous débutons l'examen du projet de loi portant création de l'Office français de la biodiversité – OFB. Je suis très heureux que nous soyons dans les temps, conformément au calendrier que nous avions annoncé l'année dernière.

Ce texte, s'il porte essentiellement sur la création d'un établissement public, issu de la fusion de deux établissements existants, et peut, à cet égard, sembler technique, s'inscrit dans une continuité politique et dans une histoire législative dédiée à la protection de la nature, de l'environnement et de la biodiversité. On peut penser à la loi de 1976 sur la protection de la nature – il n'était pas encore question de biodiversité – , à la loi de 1993 sur les paysages, ainsi qu'à la loi de 2016, que vous aviez portée en tant que ministre, madame la rapporteure, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, loi qui a permis la création de l'Agence française pour la biodiversité.

Cette histoire parlementaire traduit, sans aucun doute, l'importance croissante que le législateur a accordée à la protection de la nature. Elle confirme également que la biodiversité n'est plus un concept théorique, mais est devenue pour nos concitoyens une préoccupation de tous les jours. Pour paraphraser Victor Hugo, « quand je vous parle d'elle, je vous parle de nous ». Nous sommes une part de la biodiversité et nous en sommes dépendants ; nous vivons en interdépendance avec la nature dans toutes ses composantes. Le maintien de la biodiversité est une condition de notre propre survie.

La nature nous rend des services inestimables, y compris du point de vue économique : les milieux humides nous fournissent l'eau potable, les insectes pollinisent nos champs, permettant ainsi à l'agriculture d'être productive, les dunes et les mangroves nous protègent des tempêtes et limitent les dégâts qu'elles peuvent causer, les océans régulent le climat, et je pourrais citer bien d'autres exemples.

Dans ce domaine, la responsabilité de la France est à la fois mondiale, nationale et territoriale. La France abrite une biodiversité remarquable, avec 10 % des espèces connues au niveau mondial. Cette diversité, nous la devons en majeure partie à la richesse des outre-mer et à l'immensité de notre espace maritime, le deuxième plus important au monde, là encore grâce à notre présence ultramarine.

Aujourd'hui, l'érosion mondiale de la biodiversité fait peser une menace lourde sur nos sociétés, et même sur nous autres êtres humains. Le rythme d'extinction des espèces est plus de cent fois supérieur au rythme annuel constaté lors des dix millions d'années précédentes. Sur la planète, l'effectif des vertébrés sauvages a décliné de 60 % au cours des quarante dernières années. En France, 26 % des espèces sont menacées ou quasi menacées d'extinction. Il ne fait plus guère de doute que cette dégradation est directement liée aux impacts des activités humaines : pollutions diverses et variées, artificialisation des sols, fragmentation des habitats, surexploitation des ressources, espèces exotiques envahissantes qui ont été importées sur notre territoire, trafics d'espèces protégées – presque quotidiennement, les services de mon ministère et ceux des douanes interceptent malheureusement des espèces qui n'ont rien à faire dans le commerce mondial.

À toutes ces pressions s'ajoute le dérèglement climatique. Celui-ci accentue encore l'érosion de la biodiversité du fait de l'augmentation de la température à la surface de la terre, l'élévation du niveau de la mer, l'acidité croissante des océans ou encore l'amplification des phénomènes extrêmes.

Ainsi, la perturbation des équilibres climatiques menace la biodiversité, comme la perte de biodiversité aggrave le dérèglement climatique dans un terrible cercle vicieux. Nous devons donc mener de front ces deux batailles. Et si, ces dernières années, nous avons remporté une bataille culturelle dans la lutte contre le dérèglement climatique qui n'est plus guère contesté, au moins dans notre pays, je souhaite que demain, nous portions au même niveau la mobilisation pour la reconquête de la biodiversité.

En matière de lutte contre le dérèglement climatique, vous le savez, le Gouvernement a adopté différentes stratégies complémentaires. Sans m'engager dans un inventaire complet, je citerai néanmoins le plan climat, le plan national d'adaptation au changement climatique, et, bien sûr, la programmation pluriannuelle de l'énergie et la stratégie nationale bas carbone.

Certaines stratégies sont à la confluence des enjeux de climat et de biodiversité. C'est le cas de la stratégie nationale pour la lutte contre la déforestation importée, un document qui place la France à la pointe de ce combat dans le monde.

Dans le domaine de la biodiversité aussi, le Gouvernement conduit une action déterminée. En attendant la révision de la stratégie nationale pour la biodiversité en 2020, un plan biodiversité a été lancé en 2018. Se voulant concret, il identifie quatre-vingt-dix mesures pour agir dans les territoires, construire une économie à faible impact, protéger et restaurer la nature.

Mais le Gouvernement souhaite aussi que la protection de la biodiversité soit perçue comme une opportunité : une opportunité de créer du sens, du lien et de la valeur ; une opportunité de restaurer des solidarités entre la ville et la campagne ; une opportunité de changer nos modèles de production au profit de systèmes plus résilients, qui permettent de restaurer les écosystèmes ; une opportunité d'améliorer notre cadre de vie et de refonder notre lien avec la nature.

La reconquête de la biodiversité, nous la menons d'abord dans les territoires. En première ligne sur ces questions, les régions ont déjà engagé des démarches qui portent leurs fruits : je pense notamment aux agences régionales de la biodiversité, instituées par la loi de 2016, ainsi qu'aux territoires engagés pour la nature, qui essaiment progressivement.

Des actions spécifiques ont également été entreprises dans les outre-mer, afin de protéger nos écosystèmes particuliers, notamment subantarctiques et tropicaux. Au sein de ces derniers, les récifs coralliens et les mangroves bénéficieront d'un plan de protection adapté.

Par ailleurs, il faut aussi encourager l'action collective à l'échelle internationale. La France s'y emploie : en 2019, elle sera l'hôte de la septième session plénière de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, puis elle présidera le G7 environnement, où le sujet de la biodiversité sera central ; enfin, en 2020, nous accueillerons, à Marseille, le congrès mondial de l'Union internationale pour la conservation de la nature, qui permettra de préparer la quinzième réunion des parties à la convention sur la diversité biologique, qui se tiendra en Chine à la fin de l'année 2020. Cette séquence doit nous permettre de donner un élan nouveau en faveur de la biodiversité.

Notre action en faveur de la biodiversité doit donc être concrète, se décliner à toutes les échelles et avoir une portée sous toutes les latitudes. Elle doit mobiliser tous les acteurs publics et privés. C'est la seule option possible pour progresser.

C'est pour répondre à l'ensemble de ces besoins, tant internationaux que très locaux, mais aussi parce que les enjeux sont diversifiés pour les milieux terrestres, marins ou aquatiques, qu'il nous faut un opérateur public fort qui puisse mener une politique commune et intégrée. Cet opérateur de l'État doit être présent à tous les niveaux, pour épauler chacun dans la conduite des actions de reconquête de la biodiversité, qu'il s'agisse des services de l'État, des collectivités, des acteurs socio-économiques, de la société civile ou, directement, des citoyens.

Aujourd'hui, après tant d'années d'atermoiements et après une tentative avortée sous la précédente législature, les conditions sont enfin réunies pour que nous mettions sur pied ce grand opérateur de la biodiversité et de la préservation de la nature. Nous comptons sur l'adoption du présent projet de loi pour y parvenir : l'Agence française pour la biodiversité et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage fusionneront au sein de l'Office français de la biodiversité, nom choisi par les agents des deux établissements concernés, qui ont été consultés à cette fin.

Le projet de loi que vous allez examiner traduit ainsi des objectifs précis : créer un opérateur qui permettra d'appréhender la biodiversité dans tous ses aspects, reprendra les missions de l'Agence française pour la biodiversité – AFB – et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage – ONCFS – et sera présent au niveau national, tant en métropole qu'outre-mer ; doter le plan biodiversité et les assises de l'eau d'un opérateur de terrain de premier plan afin d'assurer la mise en oeuvre des actions dans les territoires, aux côtés de tous les partenaires ; renforcer la police de l'environnement, notamment en milieu rural, en rassemblant, dans un service unique de l'État, les inspecteurs de l'environnement de l'Agence française pour la biodiversité et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ; créer les conditions d'une gestion adaptative de certaines espèces afin d'ajuster les prélèvements en fonction de leur état de conservation, ce qui suppose un opérateur capable de centraliser et d'analyser les données ; enfin, généraliser et pérenniser dans la loi la contribution des fédérations des chasseurs à des actions de préservation et de reconquête de la biodiversité.

Avant de laisser la parole à Emmanuelle Wargon, je tiens à saluer l'engagement avec lequel elle s'est investie sur ce texte, conformément au mandat, si je puis dire, que je lui avais confié lorsqu'elle a été nommée secrétaire d'État à mes côtés. Je crois pouvoir dire qu'elle a amorcé un travail étroit et fructueux avec les parlementaires, comme elle l'a fait avec les acteurs institutionnels et associatifs. Cela mérite d'être souligné.

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