Intervention de Moetai Brotherson

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 9h30
Questions orales sans débat — Victimes des essais nucléaires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMoetai Brotherson :

Il est encore temps de présenter les voeux de bonne année : 'Ia 'oa'oa outou i teie mätahiti äpï ! J'aimerais étendre ces voeux aux nombreux Polynésiens victimes des essais nucléaires, qui souffrent aujourd'hui comme d'autres demain. Ceux-là espéraient que la loi du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dite loi Morin – après le retrait de la notion de « risque négligeable », en février 2017, et le rapport de la commission extraparlementaire née de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite loi EROM – , vienne enfin leur témoigner du respect.

Mais, depuis le début de l'année, je m'interroge sur la marche arrière inacceptable opérée en la matière. En effet, bien que la notion de « risque négligeable » ait été éliminée de la loi Morin, comment accepter qu'au-delà des conclusions de la commission présidée par Lana Tetuanui, sénatrice de Polynésie, les victimes doivent à nouveau prouver qu'elles ont été exposées à un rayonnement supérieur à 1 millisievert ? Comment accepter que le « risque négligeable », évacué en 2017 à grand renfort de communication, revienne en 2019 par la fenêtre, déguisé, par le biais d'un cavalier législatif ?

Avant la modification faite par votre gouvernement et Mme Lana Tetuanui, la loi disait que, sans une absolue certitude qu'une victime n'ait subi aucune exposition aux radiations nucléaires, le Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires – CIVEN – , était tenu de l'indemniser. Le Conseil d'État est allé dans ce sens en juin 2017. Aujourd'hui, par des manoeuvres plus que douteuses sur les plans constitutionnel et moral, la formulation de la loi reprend précisément les arguments qu'utilisait déjà le CIVEN, depuis plusieurs années, pour refuser les indemnisations.

Dix dossiers, sur lesquels le rapporteur du tribunal administratif de Papeete avait donné raison aux requérants, sont aujourd'hui suspendus en raison d'amendements au projet de loi de finances pour 2019 adoptés au Sénat le 4 décembre 2018 et ici même durant la période des fêtes de Noël. Combien de dossiers en cours et à venir auront à souffrir de ces modifications ? On voudrait transformer le CIVEN en machine à ne pas indemniser que l'on ne s'y prendrait pas autrement, pour le plus grand bonheur des finances de l'État et au grand dam des victimes du nucléaire.

Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, quelle est votre appréciation sur ce que les Polynésiens, qui paient encore le prix du sang, ne manqueront pas d'appeler « le retour du risque négligeable » ?

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