Intervention de Annie Chapelier

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 15h00
Délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à mayotte — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Chapelier :

Il est difficile de passer après M. Lecoq et son réquisitoire ! J'essaierai néanmoins de ramener la discussion sur son objet initial, à savoir la proposition de loi visant à faire passer de deux à cinq jours le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à Mayotte, et cela afin de corriger une erreur commise au Sénat.

C'est peu de dire que la situation migratoire à Mayotte est singulière. On a déjà cité beaucoup de chiffres aujourd'hui, mais pour donner une idée du problème aux métropolitains, qui sont tellement éloignés qu'ils ne peuvent imaginer la situation, à moins d'y avoir été confrontés, on peut difficilement faire l'impasse sur le sujet.

On ne peut comparer la situation de Mayotte à celle d'aucun autre département. Chaque année, ce sont près de 50 000 personnes qui transitent par des centres de rétention administrative en France, dont près de la moitié en outre-mer, celui-ci se résumant à un seul département ou presque : Mayotte, où près de 20 000 personnes sont retenues. Près de la moitié de la population mahoraise serait d'origine étrangère, dont plus de la moitié en situation irrégulière. La population de Mayotte est passée de 67 000 habitants en 1985 à 260 000 habitants en 2017, répartis sur 376 kilomètres carrés. Mayotte possède ainsi la plus forte densité de population de la France d'outre-mer en 2017, ainsi que le plus fort taux de natalité, avec plus de cinq enfants par femme en moyenne, et le plus fort taux de pauvreté. Tous ces chiffres pour essayer d'imaginer ce que peut être la pression migratoire et démographique qui règne sur cette île de l'océan Indien, que les Mahorais comparent parfois à un confetti, tant il est petit et la pression démographique élevée.

Les drames humains quotidiens placent les représentants de l'ordre, gendarmes et police aux frontières, ainsi que les personnels du centre hospitalier de Mayotte et, indirectement, toutes les autres institutions devant une souffrance et une désespérance difficilement soutenables. Il nous faut saluer leur travail. Devant cette détresse humaine, ils font preuve d'une humanité, d'une énergie et d'une constance inlassables.

D'autre part, 95 % de la population étrangère de Mayotte est comorienne, en provenance en particulier d'Anjouan, qui est l'île la plus proche de Mayotte et celle où la pression démographique est la plus forte. Mayotte conditionne les relations entre la France et les Comores et les accords bilatéraux relatifs à cette question.

On aurait toutefois tort de penser que toutes les personnes retenues en centre de rétention sont arrivées illégalement sur les côtes mahoraises par kwassa-kwassa. La grande majorité y est du fait d'interpellations terrestres, près de 60 % de ces personnes vivant depuis parfois très longtemps, en situation irrégulière, à Mayotte.

Aussi, chers collègues, ce dont il est question aujourd'hui, ce n'est pas de stigmatiser ce cher territoire de la République qu'est Mayotte, c'est même tout le contraire : le but que nous visons est de traduire de manière concrète les besoins spécifiques de nos territoires ultramarins en vue de réduire les écarts de développement. La situation internationale et les crises migratoires présentes et à venir ne s'invitent nulle part en France avec autant de force qu'à Mayotte. Le Conseil constitutionnel a toujours jugé que les différentes adaptations du droit des étrangers à la situation spécifique de Mayotte ne méconnaissaient aucun principe constitutionnel, notamment celui de l'égalité devant la loi.

Être au plus près des Mahorais et de leurs besoins, c'est prévoir une adaptabilité et une souplesse de notre droit lorsque cela s'impose. Si la loi est universelle, elle se doit de s'adapter pour accompagner au plus près les réalités inhérentes à chaque territoire.

Pour faire face à la situation de saturation des services publics à Mayotte, des engagements ont été pris, le 17 mars 2018, par la ministre des outre-mer au nom du Gouvernement pour un plan de développement sans précédent, afin non seulement de répondre à la situation d'urgence, mais aussi de prévoir des investissements dans l'éducation, l'aménagement du territoire, la sécurité et de donner des moyens accrus à la justice, aux forces de l'ordre et à la santé. L'État français entend en effet répondre au mieux à cette demande croissante, notamment en offrant l'accès aux soins à tous et en créant continuellement de nouvelles écoles.

Les besoins sont énormes après toutes ces années durant lesquelles Mayotte s'est sentie – à juste titre sans doute – abandonnée et oubliée de la République. Néanmoins, ce plan de développement se déclinera dans la durée. Aussi est-il essentiel de continuer d'adapter la législation aux réalités actuelles afin qu'elle puisse, en parallèle du développement de l'île, se rapprocher progressivement de celle de la métropole.

La présente proposition de loi tend à corriger un défaut de coordination survenu au cours de la navette parlementaire. Il est regrettable que nous ayons à rectifier une virgule – comme l'a si bien dit notre collègue Maina Sage – , mais une virgule peut modifier le sens tout entier d'une phrase. C'est pourquoi il est primordial de voter en faveur de ce texte.

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