Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du jeudi 31 janvier 2019 à 9h30
Expérimentation territoriale pour un revenu de base — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

La crise sociale que nous traversons depuis deux mois se nourrit de nombreuses colères, de frustrations longtemps refoulées. Elle a fait émerger de multiples revendications, en particulier en faveur du pouvoir d'achat et de la lutte contre la pauvreté. Des mesures d'urgence ont été prises dans les derniers jours de 2018 mais, nous le savons tous, la crise est bien plus profonde et ces seules mesures ne répondront pas à la grande pauvreté, qui touche 9 millions de nos concitoyens, soit 14 % des Français.

Cette crise nous a aussi rappelé à quel point nos concitoyens étaient sensibles aux inégalités ; ils réclament davantage de justice sociale et de solidarité. Et, même si le modèle français a permis de limiter les effets de la crise de 2008, il demeure largement perfectible.

Le rapport au travail et la question du minimum vital ont alimenté, ces dernières années, la réflexion sur la création d'un revenu minimum d'existence. Dans son rapport, Hervé Saulignac remonte aux travaux de Thomas Paine, à la fin du XVIIIe siècle, et à ceux de Charles Fourier, dans la première moitié du XIXe siècle. Je me contenterai de rappeler que ces débats ont animé la dernière élection présidentielle et que, depuis, plusieurs scénarios cohabitent, avec autant d'appellations dudit revenu et, surtout, des niveaux différents de protection et de conditionnalité.

Ainsi, le CESE a soutenu la création d'un « revenu minimum social garanti », tandis que le Conseil d'analyse économique faisait la promotion d'un « revenu de base ». Certains départements ont, quant à eux, évoqué la création d'un « revenu de subsistance », dont le versement serait soumis à l'accomplissement d'une activité de travail systématique et donnerait accès à un accompagnement personnalisé.

Évidemment, je tiens à mentionner les pistes tracées par le Président de la République, en septembre dernier, lors de la présentation du plan pauvreté : ce qu'il a appelé le « revenu universel d'activité » serait une fusion du plus grand nombre possible de prestations, selon une logique de guichet unique, son versement étant néanmoins soumis au respect de conditions strictes.

Depuis le dévoilement du plan pauvreté, ce chantier n'avait que peu progressé jusqu'à la semaine dernière et la nomination de Fabrice Lenglart comme rapporteur général, chargé d'en définir les modalités, l'objectif étant de présenter un projet de loi dans le courant de 2020.

J'ai bien entendu, madame la secrétaire d'État, que vous considérez donc prématuré de discuter d'une telle proposition de loi, et c'est sûrement le sens de la motion de rejet préalable qui va suivre et que la majorité adoptera probablement. C'est bien dommage, car le texte qui nous est proposé mérite qu'on s'y arrête. En effet, si, aujourd'hui, les mécanismes de solidarité et les prestations sociales, dont le double objectif est d'empêcher les individus de tomber dans la précarité et d'en faire sortir ceux qui s'y trouvent, sont nombreux, ils sont aussi souvent très méconnus. Il suffit de quelques échanges avec nos citoyens pour s'apercevoir que notre système de protection sociale est difficile à comprendre et qu'il nécessite des démarches parfois complexes. Pour preuve, un chiffre maintenant bien connu : plus d'un tiers des personnes éligibles ne bénéficieraient pas du RSA-socle. Le taux de non-recours aux prestations sociales est par définition difficile à estimer précisément, mais plusieurs études viennent confirmer cette évaluation ; je me souviens notamment du rapport d'information de Gisèle Biémouret et de Jean-Louis Costes, publié en 2016.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.