Intervention de Stéphane Viry

Séance en hémicycle du jeudi 31 janvier 2019 à 9h30
Expérimentation territoriale pour un revenu de base — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry :

Au nom du groupe Les Républicains, je salue pour ma part l'initiative qu'a prise le groupe Socialistes et apparentés d'inscrire dans sa niche parlementaire une proposition de loi pour l'instauration d'un revenu de base. C'est un vrai sujet !

Toutefois, la question d'un revenu de base ne peut être séparée de la question du travail et de l'emploi. La France est dans une double situation : le taux de chômage est depuis trop longtemps élevé, et le nombre de personnes éloignées du monde du travail ne cesse de croître.

Comment donner l'envie du travail à un jeune dont les parents, voire les grands-parents, n'ont pas été en situation d'emploi ? Comment permettre aux jeunes décrocheurs de trouver le chemin du travail sans entrer sur celui des minima sociaux ? Que faire pour qu'une personne sortie du marché du travail puisse reprendre le train en marche ?

Donner un travail à chaque femme et à chaque homme n'a pas uniquement une finalité comptable. Certes, plus de travail permet de diminuer les dépenses sociales et d'augmenter les recettes fiscales au moyen de l'impôt et des cotisations salariales et patronales, mais donner un travail à chaque femme et à chaque homme de notre pays a d'abord un enjeu social. C'est une nécessité pour la cohésion sociale. Chaque citoyen doit pouvoir vivre et nourrir sa famille grâce à son travail : il s'agit là de la pierre fondatrice de la liberté individuelle.

Le travail est également la porte d'entrée du développement personnel et social, car il permet de s'ouvrir aux autres, d'échanger, de s'améliorer, de se sentir utile pour soi et pour les autres.

Toutefois, je reste persuadé de la nécessité de l'État et de son importance dans la création d'emploi. Nous ne sommes pas un pays anglo-saxon laissant la main invisible faire et défaire le travail. Nous sommes la France, pays où la puissance publique a toute sa place dans l'accès à l'emploi : c'est à l'État de contribuer à l'égalité des chances, c'est à l'État de s'assurer de la réalité de l'ascenseur social, c'est à l'État de favoriser l'inclusion professionnelle.

En tant que législateurs et en tant que décideurs, nous devons créer l'environnement fiscal et réglementaire propice à l'emploi. Nous devons ardemment soutenir les entreprises qui le créent grâce à une simplification des contraintes. Nous devons également accompagner les plus fragiles pour retrouver le chemin du travail, en particulier au moyen de l'insertion par l'activité économique.

La solidarité nationale doit aussi aider à vivre dans la dignité ceux qui n'ont pas la chance d'avoir un travail. N'oublions jamais, malgré les nombreuses critiques dont il fait l'objet, que nous avons l'un des systèmes les plus généreux du monde, qui tient son rôle de redistribution et assure à tous un minimum.

Ce système a connu de nombreuses modifications. Il en connaîtra d'autres et votre texte, monsieur le rapporteur, s'inscrit dans cette volonté de le faire évoluer.

Ainsi que d'autres orateurs l'ont rappelé, ce sujet a été au coeur de la campagne présidentielle. Benoît Hamon avait alors évoqué un revenu universel d'existence, et François Fillon avait proposé une allocation sociale unique. Le Président de la République a pour sa part annoncé la création, dans le cadre du plan pauvreté, d'un revenu universel d'activité.

Ces différentes propositions montrent que nous cherchons tous une simplification du maquis des aides sociales. Notre système est en effet si compliqué qu'il n'est pas rare que des allocataires ignorent qu'ils peuvent bénéficier d'une aide sociale. Ce problème a été mis en lumière par la récente décision d'augmenter la prime d'activité : de nombreuses personnes éligibles à cette aide l'ont en effet découverte lors de l'annonce présidentielle.

Une simplification aura l'avantage de la clarté, tant pour les bénéficiaires que pour les finances publiques, et elle rendra aussi plus efficace le travail des agents chargés d'instruire les dossiers. Ajoutons qu'elle contribuera sans aucun doute à limiter les fraudes aux aides sociales, qui sont inacceptables.

Monsieur le rapporteur, votre texte propose soit une fusion du RSA socle et de la prime d'activité, soit cette fusion mais accompagnée des aides aux logements. C'est un premier pas, mais nous pourrions aller plus loin.

Nous pouvons aussi vous rejoindre sur le principe de l'expérimentation. Votre proposition, qui repose sur le principe du volontariat, sera ouverte aux départements qui le souhaitent. Elle autorise aussi différents scénarios et est donc modulable.

Ces expérimentations, dont l'efficacité n'est plus à prouver, sont essentielles pour évaluer les dispositifs proposés avant leur éventuelle généralisation, après ajustements le cas échéant. Dans le cas présent, les départements sont demandeurs. Le Président de la République lui-même avait montré son intérêt pour les expérimentations. Pourtant, nous devons constater que peu d'entre elles aboutissent.

Permettons aux Conseils départementaux, qui ont la charge de la solidarité, d'expérimenter les dispositifs innovants. Généralisons ceux qui réussissent et, lorsque tel n'est pas le cas, revenons à la situation antérieure.

Monsieur le rapporteur, l'une des principales mesures de votre proposition de loi, que nous accueillons avec intérêt, est l'ouverture des minima sociaux aux jeunes dès 18 ans. Rappelons que la plupart des aides sociales sont ouvertes à partir de 25 ans. Nicolas Sarkozy a souhaité, lors de la création du RSA, faire bénéficier de cette aide certains jeunes, notamment ceux qui ont déjà travaillé, créant ainsi le RSA-jeunes. Plus récemment, la prime d'activité a rencontré son public, et sa réussite ne peut être niée.

Ces réponses étaient attendues et elles sont importantes, car la pauvreté chez les jeunes, notamment chez ceux âgés de 18 à 25 ans, est réelle et constitue un grave problème. Il est effectivement de la responsabilité de la Nation de ne pas abandonner sa jeunesse.

Cela étant dit, monsieur le rapporteur, nous ne pouvons souscrire à une ouverture totale des minima sociaux aux jeunes âgés de moins de 25 ans. Je crois en effet profondément en la valeur travail et considère que ce serait un mauvais signal que de commencer sa vie par les aides sociales.

Hormis les situations particulières, comme l'aide aux personnes en situation de handicap, les jeunes peuvent en effet, au cours de leurs études, commencer leur vie professionnelle grâce à des petits boulots. Le goût de l'effort et du travail s'apprend : il n'est pas toujours inné.

C'est également en raison de mon attachement aux valeurs du travail et de la solidarité que je ne peux pas être d'accord avec le principe d'inconditionnalité.

La Nation doit, je l'ai dit, tenir son rang et aider ceux qui sont dans le besoin. Personne ne peut être laissé sur le bord de la route. Nous ne devons toutefois pas donner le sentiment que la solidarité nationale est gratuite. L'obligation de recherche de travail et d'emploi doit être un minimum : c'est une exigence.

Nous sommes entrés dans une période où il peut, hélas, être donné à penser qu'il n'existerait que des droits. Or ceux-ci sont le corollaire des devoirs, les uns ne pouvant aller sans les autres. Le droit de bénéficier des minima sociaux est lié au devoir de l'allocataire de montrer sa motivation, ce qui n'enlève rien à l'obligation de l'État de l'accompagner.

Il arrive souvent que des personnes soient désespérées et démotivées et qu'elles ne sachent pas comment sortir la tête de l'eau : nous devons regarder cette réalité en face. C'est alors à l'État d'intervenir.

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