Intervention de Michèle de Vaucouleurs

Séance en hémicycle du jeudi 31 janvier 2019 à 9h30
Expérimentation territoriale pour un revenu de base — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle de Vaucouleurs :

Le texte que nous allons examiner propose d'expérimenter le versement d'un revenu de base dans plusieurs départements volontaires.

Je souhaite tout d'abord remercier une nouvelle fois M. le rapporteur pour son travail, ainsi que pour la qualité de ses auditions. Je tiens également à souligner ce fait extrêmement positif : des propositions d'expérimentation émanent directement des territoires, même si l'on peut regretter que la proposition en question ne soit pas parvenue à susciter l'intérêt de départements de diverses couleurs politiques.

Le groupe MODEM et apparentés partage en partie le constat dressé par cette proposition de loi : oui, pour lutter contre le non-recours, qui est aujourd'hui trop important, nous devons simplifier notre système de prestations. Les chiffres concernant ce phénomène sont parlants : 36 % des personnes qui ont droit au revenu de solidarité active n'effectuent pas les démarches pour le percevoir.

Cette proportion est également trop élevée s'agissant la prime d'activité, puisqu'on estime que son taux de non-recours avoisine les 30 %.

Nous avons pleinement conscience de l'enjeu majeur que représente la lutte contre le non-recours : un travail important doit donc avoir lieu sur ce sujet.

Ce texte vise également à lutter contre la pauvreté des jeunes en les intégrant au dispositif proposé. Nous devons en effet réfléchir à un moyen d'intégrer les 18-25 ans qui, aujourd'hui, ne perçoivent pas le RSA, alors que certaines situations le justifieraient amplement. La jeunesse de notre pays est en effet particulièrement frappée par la pauvreté.

Des efforts sont faits, notamment grâce à la montée en charge de la garantie jeunes – avec 100 000 nouvelles places ouvertes sur le budget 2019 – et grâce à l'investissement à destination des jeunes sans qualification réalisé au moyen du PIC.

Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons tolérer que plus de 25 % des moins de trente ans vivent sous le seuil de pauvreté : nous devons continuer à remédier à cette situation.

Cependant, quelques points de ce texte nous semblent présenter certaines difficultés.

Tout d'abord, si nous devons bien sûr faciliter le recours aux prestations sociales, l'automaticité ne peut, selon nous, être mise en place sans contrepartie. Ces contreparties ne visent pas à complexifier le recours à un revenu de base ni son versement, mais au contraire à accompagner les bénéficiaires : il ne nous semble ainsi pas pertinent de verser la prestation sans la coupler à l'obligation d'un suivi du bénéficiaire.

L'inscription dans un parcours d'insertion, avec un accompagnement plus ou moins soutenu selon le profil du bénéficiaire, nous semble indispensable au bon fonctionnement de notre système.

Le versement automatique d'une prestation ne doit pas nous dédouaner d'accompagner les personnes concernées, l'objectif étant bien qu'elles sortent à terme de ces dispositifs. En effet, 50 % des allocataires du RSA le sont depuis quatre ans au moins : nous devons donc accentuer nos efforts pour les sortir de la précarité. Ne pas les abandonner à leur sort est de la responsabilité de notre société. Des pistes de contreparties au versement répondant à cet objectif doivent donc être examinées.

Nous devons également nous interroger sur la nature des prestations à intégrer à un futur revenu de base. Ce texte propose d'y inclure le RSA, la prime d'activité et, éventuellement, les APL.

S'il s'agit d'une piste de travail intéressante, nous pouvons également réfléchir à l'intégration d'autres minima sociaux, tels que l'allocation adulte handicapé, l'allocation de solidarité aux personnes âgées ou l'allocation supplémentaire d'invalidité.

Le couplage de dispositifs de nature différente nécessite, au-delà de la concertation des acteurs, une étude d'impact sérieuse, ainsi qu'un large débat au sein du Parlement.

En effet, mêler dans un versement unique des prestations liées à la solidarité, à l'activité professionnelle, à la politique du logement ou à la politique familiale nécessite que nous prenions conscience de l'impact de cette évolution sur nos représentations sociétales, sans présumer de sa nature positive ou négative.

Par ailleurs, une étude d'impact approfondie permettrait également de nous assurer que la fusion des aides ne fera pas de perdants.

La question du spectre des bénéficiaires est également à étudier.

Si, comme je l'ai dit précédemment, la lutte contre la pauvreté des 18-25 ans constitue un enjeu majeur et un objectif que partage le groupe MODEM, le versement d'un revenu de base inconditionnel et automatique à ce public pose différentes questions. Faut-il prendre en compte la situation familiale des jeunes et adapter ledit revenu en conséquence ? Existe-t-il des risques d'abandon des études ?

Il faut absolument – encore davantage que pour les plus âgés – accompagner ce public qui n'a pas toujours de projet professionnel.

Pour ce public de jeunes, le passage à une expérimentation, que ce soit dans le cadre de cette proposition de loi ou du futur revenu universel d'activité, le RUA, me semble avoir du sens.

Le Président de la République a indiqué, lors de la présentation du plan pauvreté, son souhait de travailler à une réforme visant à garantir un meilleur recours aux prestations sociales ainsi qu'une simplification de leur obtention.

Le RUA sera un dispositif d'aide innovant destiné aux personnes à faibles ressources et dont le versement sera automatique, car il n'y aura pas de démarches à effectuer pour le percevoir, ce qui constituerait une avancée majeure dans l'accès aux droits.

L'objectif est bien de garantir un meilleur accès à ces derniers, mais également d'inciter les bénéficiaires à trouver ou à retrouver un emploi ou une activité. C'est pourquoi le versement de ce revenu ne sera pas inconditionnel.

Notre groupe souhaite participer activement à cette réflexion sur cet enjeu majeur afin de parvenir à un résultat qui alliera efficacité et justice sociale.

Nous devons aller vite, car il y a urgence : passer par une expérimentation retarderait la mise en place d'une mesure essentielle pour les Français. Nous ne pouvons cependant pas faire l'impasse sur une véritable réflexion afin d'examiner les différentes pistes de travail. C'est la lourde tâche qui incombe au rapporteur général à la réforme du revenu universel d'activité, M. Fabrice Lenglart, qui a été nommé il y a quelques jours et qui devrait remettre son rapport avant la fin de l'année 2019.

Cette réforme à venir, qui portera sur une fusion des revenus sociaux de complément, ne signifiera pas que nous devrons nous exonérer, dans le futur, d'un débat plus large sur l'opportunité d'un revenu universel allant au-delà de la logique de complément de revenu.

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