Intervention de Mireille Robert

Séance en hémicycle du jeudi 31 janvier 2019 à 9h30
Expérimentation territoriale pour un revenu de base — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMireille Robert :

Nous sommes tous témoins de la crise inédite et profonde que traverse notre pays depuis plus de deux mois et qui révèle le questionnement existentiel de nos modèles économiques et sociaux. Le constat est unanime d'un bord à l'autre de la classe politique. C'est pourquoi je veux avant tout saluer l'esprit de justice et de solidarité qui motive la présente proposition de loi.

Il est en effet absolument impératif que le ras-le-bol et la souffrance qui se sont exprimés nous conduisent collectivement à une réflexion de fond sur la cohésion nationale et le soutien que nous devons aux plus fragiles. C'est cette volonté qui a inspiré le plan pauvreté du Gouvernement, qui, je le rappelle, a été lancé le 13 septembre 2018 et a inspiré certaines des propositions que nous étudions aujourd'hui. Parmi les mesures phares de ce plan figurent notamment la refonte et la simplification des minima sociaux, ainsi qu'un accompagnement plus efficace vers l'emploi.

La présente proposition de loi vise quant à elle à instaurer un revenu de base qui serait à la fois un revenu de solidarité pour réparer des injustices, un revenu de développement pour aider ceux qui ne parviennent pas à vivre de leur activité et qui donnerait une autonomie à des Français laissés-pour-compte, comme les jeunes de moins de 24 ans, les aidants de personnes en situation de handicap ou les bénévoles. Le modèle proposé reposerait sur la fusion du RSA, de la prime d'activité et, éventuellement, des aides au logement.

L'idée et le principe sont nobles. Il faut pourtant se pencher sur l'esprit d'une telle expérimentation.

D'où vient cette idée d'un revenu de base ? Elle est née de l'échec du RMI, puis du RSA à atteindre leur objectif d'insertion sociale. La solution préconisée dans la proposition de loi serait le versement d'une prestation sociale unique, automatique et inconditionnelle, et cela dès l'âge de 18 ans.

On bute ici sur un premier écueil : l'inconditionnalité. L'accès au revenu de base se ferait sans condition d'insertion, de formation ou d'un quelconque engagement. C'est pourtant l'un des principaux reproches que l'on a fait au RSA : ne pas assez favoriser le retour à l'emploi et être en outre très inégalitaire d'un département à l'autre. Parce que l'on a échoué à réinsérer, il faudrait donc renoncer à tout effort pour faire mieux ? Ce n'est pas du tout la philosophie des réformes que nous engageons.

Nous ne voulons pas encourager la dépendance et y maintenir les bénéficiaires, nous souhaitons plutôt les accompagner et les remettre au travail. Pour favoriser le retour à l'emploi, il faut proposer à ces personnes fragilisées des parcours qualifiants renouvelés dans leurs contenus. Il faut responsabiliser chacun et l'amener vers une démarche personnelle d'insertion. Or l'insertion se fait par l'accompagnement et le travail, non par un revenu inconditionnel qui ne serait attaché à aucun devoir de la part des bénéficiaires.

Qu'en est-il en outre de la concertation indispensable pour réussir une telle réforme ? Il est à souligner que les exécutifs des départements candidats sont tous issus de la précédente majorité, mais que beaucoup d'autres sont opposés à cette expérimentation ou divergent sur le périmètre de l'éventuel revenu de base. L'association des départements de France a d'ailleurs manifesté sa méfiance envers cette proposition, de même que des syndicats de salariés.

L'objectif du Gouvernement est beaucoup plus ambitieux. Il s'agit d'instituer une « garantie d'activité », au moyen d'un accompagnement social et d'une vraie politique de formation, un « service public de l'insertion ». L'État en sera le garant afin d'assurer une protection universelle et égale sur l'ensemble du territoire national.

Dans le cadre de cette stratégie de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement propose en outre la création d'un revenu universel d'activité. Il convient en effet de rénover notre système de minima sociaux pour en finir avec les non-recours. Le revenu universel d'activité fusionnera le plus grand nombre de prestations possibles pour plus de clarté et de visibilité. La réforme s'accompagnera d'une simplification, voire d'une automatisation des démarches administratives.

Je terminerai en abordant la question du calendrier. Avec une expérimentation d'une durée de trois ans dans quelques territoires seulement, on ne pourrait pas aboutir à une généralisation avant 2025. Or le Gouvernement prévoit quant à lui une généralisation du revenu universel d'activité d'ici à la fin du quinquennat, soit en 2022.

Pour toutes ces raisons et malgré les bons sentiments qui ont présidé à cette proposition de loi, je suis défavorable à son adoption.

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